La revue de presse livres vous dit tout ce qu’il faut savoir — et emporter — avant l’été !
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La Revue de Presse littéraire de mars 2016
« Contrairement aux apparences, je suis plutôt un homme sauvage, fleurs, papillons, arbres, îles. »
Ainsi débute cette autobiographie souriante et érudite. Sollers, agent secret d’un genre très spécial, nous dévoile son enfance, ses amours et ses amitiés avec des écrivains.
Dans ce monde de mensonges, Sollers tient à garder une certaine clandestinité., mais le ton est léger, spirituel et intime. Mais sans doute ne dit-il pas tout. Souvent passionné, parfois poseur, on sent qu’il prend plaisir à l’exercice de l’autobiographie.
Enfance heureuse dans la bourgeoisie bordelaise, auprès d’une mère aimante et drôle et d’un père charmant.
Philippe Joyaux choisit le pseudonyme de Sollers lorsqu’il publie son premier livre alors qu’il n’est pas encore majeur.
De ses amours, on retiendra Dominique Rollin, écrivaine avec laquelle il entretient une longue correspondance. Puis ce sera son mariage avec Julia Kristeva.
Avec Dominique, il partage sa passion pour Venise. Avec Julia, il aura un fil, un enfant différent, « cet innocent qu’il aime ». L’évocation de son fils est émouvante.
Ses nombreuses amitiés qu’il évoque avec sincérité m’ont touchées. Il nous régale d’anecdotes sur Malraux, Ponge, Barthes, Bataille ou encore Breton.
Ici et là, quelques photos parsèment cette vie bien remplie
Philippe Sollers, dans son grand âge, se retourne sur sa vie et partage ses bonheurs avec le lecteur. Parmi tous ses souvenirs, ces citations, ces lettres, on s’y perd un peu parfois, mais on finit par arriver à bon port, avec la vision de l’auteur sur « ce monde coupable ».
Philippe Sollers présente "L'étoiles des amants" comme une musique (p. 165), le nom d'un lieu symbolique : un bateau des plaisirs charnels (p.162) à l'image de Cléopâtre et d'Antoine et de bien d'autres. Les étoiles désignent aussi les quelques femmes intéressantes à ses yeux c'est-à-dire celles capables de le faire jouir sans lui prendre la tête :"Je repense à elle ["la ravissante grosse poissonnière" / sic page juste avant], dans le soir doré, en mangeant une daurade au sel avec Maud. A elle, et à bien d'autres, lumières et libertés du coeur. Etoiles dans l'immense nuit conformiste" (p.110).
Les femmes en prennent pour leur grade dans un paradoxe qui ne semble aucunement gêner l'auteur : il a besoin des femmes et de leurs énergies sexuelles mais elles sont d'un ennui mortel car "on doit compter avec le poids des milliards de femmes frigides utilisées pendant des millénaires pour la reproduction de l'espèce, et avec celui des milliards de névroses, de psychoses et de perversions qui ont proliféré tout autour" (p. 149). Cette citation est douce comparée à la charge qu'il met parfois dans ce livre pour se plaindre d'elles en mode litanie et kyrielles d'adjectifs méprisants.
L'amour serait pour lui fugace car "toute existence est une offense à l'autre, chacun veut plus ou moins la mort de l'autre, mais voilà, je te pardonne d'exister, je t'aime. Et toi, aime-moi, c'est-à-dire pardonne-moi d'exister. Mieux : je te remercie d'exister" (p. 161).
Il est bien sûr l'écrivain inspiré et inspirant, le poète (sic), le fou incompris voire rejeté de la société moralisatrice, alors qu'il est un jouisseur incomparable, initié aux grands secrets des bordels et autres joies (le protagoniste rencontre Maud lors d'une soirée codée pour coucherie si j'ai bien compris) et que ce livre, que nous tenons dans nos mains, est "un livre entier sur la jouissance d'exister" (p.53) que les bégueules ne comprendront pas bien évidemment. Cerise sur le gâteau : l'auto-compliment et l'auto-citation étalés à la queue leu leu (cette expression doit lui plaire. A non, pardon, il n'aime pas non plus l'homosexualité au vu du livre) jusqu'à l'écœurement de la lassitude.
Et j'oublie tous les possibles jeux de mots qu'il aurait semé dans ce livre que seuls les initiés ou les personnes aptes à jouir pourront décoder là où d'autres les jetterons au chien comme des crétins (c'est aussi quelque part dans le livre).
Ce livre est pénible en plus d'être méprisant.
Un très court texte qui aura probablement été écourté du fait de l’échéance très proche de la mort. Sollers reste Sollers dans ses digressions, ses envolées sur l’actualité, ses coups de gueule, ses appréciations sur la vie d’aujourd’hui et certains extrêmes, de la difficulté d’être un homme aujourd’hui pouvant donner lieu à un apparent machisme.
Ce n’est pas un témoignage, juste quelques soubresauts ; encore et toujours la pensée en action. Et même si ces quelques pages peuvent paraitre un peu fouillis (… comme la vie) ; elles sont (probablement) comme les pensées lorsque la camarde arrive et qu’on sait qu’elle est là.
Et comme précise Sollers :
« La première vie est contradictoire, la Deuxième nucléaire, à cause de l'atomisation du temps. La première vie est très romanesque, elle a des milliers de choses à raconter. La Deuxième Vie se tait, elle a appris que la pensée est un acte.
Chez certains écrivains, la Deuxième Vie et toujours en vue dans la première, mais peu en ont conscience, a moins d'une initiation. » p 21
Ce n’est pas une énième biographie, ce n’est pas un roman, ce n’est pas un essai, alors, qu’est-ce que c’est ? me direz-vous, déjà — à juste titre — agacé par le début de cette chronique !
Eh bien, à dire vrai, ce n’est rien de particulier. C’est un fourre-tout, c’est un déballage, c’est un élan, un cri, oui, un cri d’amour pour la musique de Mozart !
Et l’on sort de cette lecture complètement avide de mettre en route spotify pour écouter religieusement la sonate KV 310 en la mineur, la plus extraordinaire de Mozart, selon Sollers. Et comment ne pas être d’accord avec lui ? Comment aller à l’encontre de son jugement lorsqu’il dit que La Flûte enchantée est le plus bel opéra de Wolfgang ?
Tout ce que dit Sollers dans ce fleuve ininterrompu de passion est frappé au coin du bon sens. C’est que l’écrivain (clarinettiste de jazz inhibé) à une sensibilité exacerbée et un goût d’une fiabilité impressionnante.
N’a-t-il pas fait lui-même le pèlerinage autrichien sur les traces du divin enfant, comme on fait son pèlerinage à Compostelle ?
Malheureusement, presque tout ce qu’a connu Mozart a disparu. Ne reste plus que le Théâtre des états à Prague où Mozart dirigea lui-même Don Giovanni en 1787…
Quand on y pense, comme on aurait voulu être là !
Et comme on aurait voulu être là ce soir d’hiver au domicile de Mozart pour la répétition des Noces de Figaro en présence de l’ami de la famille Joseph Haydn !
Ce n’est pas Philippe Sollers qui nous dirait le contraire !
On voit au fil de ce texte bouillonnant que Sollers n’apprécie guère le siècle qui suivit celui de Mozart, un siècle qui dénigra le compositeur, le siècle de l’avènement de la bourgeoisie, et du triomphe des bonnes mœurs. Nous partageons complètement ce point de vue. Toutefois, dans son éloge des grands compositeurs tels que Bach, Purcell, ou Haendel, Sollers ne retient aucun nom français, ce qui nous paraît un peu injuste, car nous avons tout de même à notre actif Jean Philippe Rameau ou François Couperin, qui, sans avoir la stature des maîtres précédemment cités, sont tout de même des compositeurs subtils, d’ailleurs redécouverts de nos jours.
Un dernier point (mais ce n’est qu’un détail), je pense que le portrait de Mozart qui illustre la jaquette du livre n’est pas représentatif des véritables traits de Mozart. À mon avis, il faut, si l’on veut avoir une idée exacte du visage de Mozart, se reporter à la toile célèbre de Barbara Kraft (qui est du reste au musée de Salzbourg). Le tableau de Della Croce peint en 1780, qui représente la famille Mozart au grand complet (la mère décédée à cette époque apparaît sur une toile dans la composition), confirme les traits très particuliers du musicien, traits que partagent sa sœur Nannerl et sa mère, un visage long, un peu potelé, des yeux en amande, et un nez quasi bourbonien. On ne dirait pas selon nos critères actuels que les Mozart étaient beaux, mais que cela ne vous empêche surtout pas de lire cet excellent livre et d’écouter la musique irremplaçable et sublime de Wolfgang Mozart…
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