«Ulysse en haillons est reconnu par son vieux chien Argos. La scène est bouleversante parce que aucun homme et aucune femme sur l'île d'Ithaque n'a encore reconnu Ulysse déguisé en mendiant : c'est son vieux chien, Argos, qui reconnaît cet homme tout à coup. Le premier être surpris à penser, dans l'histoire européenne, est un chien. Penser, c'est renifler la chose neuve qui surgit dans l'air qui entoure. C'est intuitionner au-delà des haillons, au-delà du visage barbouillé de noir, au sein de l'apparence fausse, au fond de l'environnement qui ne cesse de se modifier, la proie, une vitesse, le temps lui-même, un bondissement, une mort possible.»
Bien entendu on est loin de Villa Amalia ou des Solidarités mystérieuses...On est dans le Dernier Royaume, neuvième chapitre. Autant dire que l'entrée semble comme d'habitude réservée et qu'un videur va d'une minute à l'autre nous pointer pour nous dire que ça va pas être possible... Trop savant, trop intelligent,trop cérébral...et puis bizarrement, comme d'habitude,on rentre et on s'installe. Ce serait mentir de cacher que de temps en temps on part vers les toilettes pour se passer la tête sous l'eau et prendre une dose sévère de vitamines C (Cérébrales) pour s'accrocher. Mais qu'importe si l'on ne saisit pas tout et que le cours de latin où nous avons glandé près du radiateur devient soudain un regret éternel...Quignard écrit en divin conteur.Il ne nous prend jamais de haut, alors qu'il le pourrait. Le lire c'est comme boire de l'eau fraîche qui nettoie de tout le sucre ou le mauvais alcool que l'on a pu ingurgité toute une année durant. Et oui, je l'avoue, comme un cycliste moyen dans l'Alpe d'Huez j'ai parfois décroché, mais j'étais tellement heureux en passant la ligne d'arrivée.
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Un billet qui me donne envie de découvrir Pascal Quignard. Merci Jean-Francois.
J'adore ! Les volumes du Dernier Royaume sont poétiques, véritables, parfois musicaux. S'y mèlent un étrange lointain et un pressant présent. "Les livres sont du silence à l'état solide".