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Dans la Yougoslavie des années 1980, en pleine campagne kosovare, une jeune Albanaise est mariée à un jeune homme qu'elle connaît à peine. Emine fait de son mieux pour être une bonne épouse, mais la vie ne lui apporte qu'une série de déceptions. Elle donne naissance à quatre enfants. Lorsque la guerre éclate, la famille d'Emine décide de fuir et choisit la Finlande comme destination d'exil. Dans ce pays froid où les étrangers sont supposés accepter avec gratitude la place qu'on leur offre dans la société, leur intégration se passe mal et le quotidien d'Emine se dégrade.
De nos jours, Bekim, le fils cadet d'Emine, est étudiant à Helsinki. Il fait beaucoup d'efforts pour s'intégrer à la société finlandaise dans laquelle il a grandi depuis sa petite enfance, ce qui ne s'accorde cependant pas toujours très bien avec son homosexualité et sa quête de rencontres multiples. Bekim s'achète un boa constricteur, qu'il laisse en liberté dans son appartement. Il s'identifie à cet animal majestueux, dangereux et solitaire. Puis il rencontre un « chat » dans un bar gay, qui va très vite dominer ses nuits et son esprit, avant de se révéler être une nouvelle déception amoureuse. Alors Bekim décide de partir en voyage jusqu'à ses racines, au Kosovo, où le cruel destin de sa famille a commencé.
Le Maître et Marguerite de Boulgakov revisité de nos jours à Helsinki. LA sensation littéraire de l'automne dernier en Finlande.
Pajtim Statovci est né au Kosovo en 1990 avant que ses parents décident de déménager en Finlande, deux ans plus tard, un an après que le petit état de 11 000 km² environ ait proclamé son indépendance, ouvrant alors la voie à des conflits interethniques et à la tragédie de 1999. Étudiant la littérature comparée à l’université d’Helsinki et l’écriture de scénarios pour le cinéma et la télévision à l’École supérieure Aalto d’art et design, Pajtim Statovci surgit sur la scène littéraire avec un premier roman loufoque et empreint de gravité, dans lequel il rend hommage à ses racines.
Mon chat Yugoslavia est un roman qui se compose de deux voix, la première, celle qui ouvre le roman d’une manière assez abrupte, est celle de Bekim, un étudiant à Helsinki. Fils d’immigrés kosovars, Bekim est aussi un homosexuel qui cherche à s’intégrer dans la société finlandaise, lassé par les études et vivant avec un boa constricteur. Son quotidien se voit chamboulé lorsque, un jour, il rencontre un « chat », rapidement décrit comme un être humain. L’attitude de ce dernier est une alternance de crises, de disputes et d’amour.
La deuxième voix est celle d’Eminè. Elle nous emmène dans la Yougoslavie du printemps 1980. Alors qu’elle part pour l’école, son chemin croise la route d’un conducteur, Bajram, qui tombe immédiatement amoureux d’elle, au point de demander sa main à son père. C’est une nouvelle vie qui se prépare alors pour Eminè : entre les différents préparatifs pour le mariage et son amour pour Bajram, la petite fille quitte peu à peu le monde idéalisé de l’enfance pour entrer dans celui brutal et sans concession des adultes.
Peu à peu, les deux histoires vont se rejoindre : tandis que la partie consacrée à Eminè égrène le temps et que l’on assiste aux désillusions de la jeune femme, Bekim, lui, va opérer un retour en arrière, à la recherche de ses racines dans un pays meurtri par les conflits récents, une recherche indispensable pour soigner son mal-être.
Le roman reste, toutefois, assez bancal : bien que le découpage en deux voix est efficace, les chapitres consacrés à Eminè sont toutefois les plus intéressants, notamment dans la description des us et coutumes kosovars et de cette guerre qui se dessine en filigrane. Eminè reste particulièrement touchante et la force du personnage réside dans cette combativité qui la détermine. Les chapitres sur Bekim, bien qu’originaux avec la présence de ce « chat » qui prend immédiatement la symbolique du patriarche absolu, pêche par le manque d’enjeux : l’indolence du personnage est complètement irritante et il est assez regrettable d’assister au « réveil » de Bekim seulement dans le dernier tiers de l’ouvrage.
Il n’en demeure pas moins que Mon chat Yugoslavia reste original, non seulement dans le fait qu’une partie du roman se déroule au Kosovo, mais aussi avec cette distanciation des différentes voix du livre : Eminè, grave et terre-à-terre, semble comme répondre à Bekim, dont les passages restent assez loufoques, notamment avec ce « chat » humanisé et ce boa constricteur qui trouve son habitat sous le canapé. Le roman reste une très bonne surprise et inscrit Pajtim Statovci comme un auteur doué et ambitieux dont on a hâte de découvrir un nouveau roman.
https://unepauselitteraire.com/2016/03/06/mon-chat-yugoslavia-de-pajtim-statovci/
Plein de bonnes choses dans ce roman mais aussi pas mal de moins bonnes. Commençons par ce qui fâche : beaucoup de longueurs, un livre qui peine à démarrer, il faut attendre la page 130 pour qu'enfin une éclaircie parvienne au lecteur que je suis. Éclaircie qui ne veut pas dire que toute la lumière sera faite sur tous les points qu'aborde l'auteur. Ce qui m'amène à une autre réserve, c'est un roman foutraque qui démarre plein de pistes, les explore ou pas... et peut perdre son public en cours de route. En un mot, c'est parfois le bordel. Pour finir sur les notes moyennes, je dirais que l'écriture n'a rien de suffisamment exceptionnel pour retenir le lecteur. Il faut se faire violence pour tenir les premières pages et ne pas hésiter à sauter des passages longs qui n'apportent strictement rien au fond -ni à la forme- ; 330 pages qui auraient pu être très raisonnablement réduites et condensées sans nuire aux propos.
Malgré tout cela, et malgré mes envies de lâchement quitter le roman, je ne l'ai pas fait car il y a un ton et des situations qui m'ont retenu. D'abord les contextes : celui de la Yougoslavie des années 80 qui va bientôt exploser, Tito venant de mourir laissant place aux nationalismes exacerbés de certains, Milosevic en particulier. Dans ce pays, vivent des Albanais, dont Eminè et son futur mari avec des traditions fortes, dont celle qui concerne le rôle de la femme, très archaïque à nos yeux d'Occidentaux. Ce qui paraissait un beau mariage va vite tourner au cauchemar pour Eminè, devenue femme battue, brimée et aux ordres de son époux. On avance dans la vie du couple bientôt famille avec 5 enfants, notamment lorsqu'ils fuient la Yougoslavie en guerre pour se réfugier en Finlande. Ils y vivront le racisme au quotidien, la honte d'être à part "Nous étions devenus le genre de personnes qui se lient d'amitié avec les opprimés, avec ceux qu'on n'aime pas. Nous étions rejetés au même titre que les Tziganes, nous étions de ceux qui venaient de loin pour entrer dans ce pays, où les gens étaient si blancs qu'on les aurait cru faits de neige tassée. Moi, je nous considérais comme blancs, mais à leurs yeux, notre blanc, ce n'était pas la même chose." (p.193/194) Et pourtant l'espoir, ils l'avaient en arrivant en Finlande, comme le disait Bajram à Eminè : "Ils ont plus que ce dont ils ont besoin. Pourquoi ne voudraient-ils pas de nous ici ? Qu'est-ce qui pourrait bien leur manquer, qu'ils n'auraient pas déjà ?" (p.195)
L'autre partie est consacrée à Bekim qui peine à trouver son équilibre. Jeune homosexuel, sa vie affective est pauvre et son intégration pas très aisée dans ce pays qui n'est pas moins remonté contre les étrangers que dans les années 90 lorsque Bajram et Eminè sont arrivés. Il s'achète un boa constrictor, le laisse vivre dans son appartement en liberté, s'installe avec un ami qui le manipulera et l'utilisera. J'avoue n'avoir pas tout saisi de la vie de ce jeune homme, sans doute me manquait-il quelques codes. Un rien barré, il va devoir passer par quelques épreuves dont celle de la recherche des origines pour tenter de vivre enfin.
Malgré mes réserves, je reste sur une image plutôt positive de ce roman et de l'auteur qui gagnera à faire plus court, plus dense. Il est suffisamment décalé, loufoque pour écrire d'autres livres hors du commun. A suivre donc.
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