Il était près de midi lorsque Salvadore quitta son appartement, bien décidé, une fois pour toutes et quel qu'en soit le prix, à atteindre l'objectif, ou plutôt l'obsession qui s'était insinuée en lui vingt ans plus tôt et n'avait cessé depuis lors de lui ronger les sangs. Il partit sans rien, ou presque. Des affaires jetées pêle-mêle dans une valise, de l'argent pour subsister quelque temps, et surtout les trois livres qui avaient finalement décidé de tout. Il partit sans regret, sans même un regard pour ceux qui l'entouraient depuis tant d'années. Un peu comme on part en croisade, lorsque la croyance en ce que l'on fait est plus forte que le reste. Il ne savait ce qui allait se passer, ni comment il s'y prendrait. Seule la certitude qu'en cas d'échec sa vie deviendrait misérable, indigne d'être vécue. Cette vie d'éditeur, si riche et tranquille pendant des années qui, subitement, s'était muée en la chance d'avoir été le premier à offrir au monde l'une des plus belles oeuvres littéraires jamais écrites.
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