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Pourquoi m'a-t-on offert un téléphone portable le jour même de mon arrivée en Chine ? Pour me localiser en permanence, surveiller mes déplacements et me garder à l'oeil ? J'avais toujours su inconsciemment que ma peur du téléphone était liée à la mort - peut-être au sexe et à la mort - mais, jamais avant cette nuit de train entre Shanghai et Pékin, je n'allais en avoir l'aussi implacable confirmation.
« Fuir » est le second opus d’une tétralogie qui débute par « Faire l’amour » et se termine par « La vérité sur Marie ».
Dans ce court roman, on retrouve le narrateur de « Faire l’amour » bien que l’intrigue soit antérieure.
Le narrateur, en voyage à Shanghai, se voit offrir un téléphone portable par le chinois Zhang Xiantgzhi, un curieux personnage qui ne va plus le quitter. A travers son périple en Chine, notre héros vivra des aventures surprenantes. Il sera irrésistiblement attiré par Li Qi, jeune et jolie chinoise au comportement énigmatique.
Une des scènes du roman se déroule de nuit dans les méandres de Pékin où nos trois personnages serrés sur une vieille moto fuient des poursuivants invisibles. La scène est incroyable et, à l’incompréhension du narrateur, s’ajoute la frénésie d’une course dans une ville qui ne dort jamais. Le rendu est hallucinant et c’est captivant.
La description des villes chinoises, de ses moyens de locomotion, sont très réalistes, on sent à chaque pas la vie trépidante d’une Chine moderne. Le narrateur, qui est là pour faire du tourisme, ne va rien faire comme prévu et ce ne sont que fuites, changements, qui déroutent tout autant le narrateur que le lecteur.
La seconde partie de l’histoire se poursuit loin de la Chine puisque le narrateur va quitter la Chine très vite pour aller retrouver Marie dont le père vient de mourir. S’installe une distance entre les deux amants, qui se fuient pour mieux se retrouver. L’ambiance est plus romantique, moins énigmatique que dans la première partie.
L’intrigue est mince, il n’y a pas de grand drame et pourtant, on est captivé par le récit de ce personnage dont on suit page après page les sentiments, les hésitations et les pensées parfois décousues. Il semble contempler sa vie et cette vulnérabilité nous le rend attachant
Le style, fluide et direct, colle parfaitement à cette histoire très contemporaine.
Un roman que j’ai lu très vite avec beaucoup de plaisir.
Suite de Faire l'amour dans lequel Marie et le narrateur se séparaient, Fuir est un roman qui commence sans Marie. Il est en Chine, loin d'être indifférent aux charmes de Li Qi, une jeune artiste chinoise, se sent constamment surveillé par Zhang Xiangzhi, à la limite de la paranoïa. Il ne s'y passe pas grand chose dans les premières pages, beaucoup de superbes descriptions des villes, des gens, des paysages : "Des milliers de personnes se pressaient là sur l'esplanade, qui prenaient la direction des bouches de métro ou de la gare routière, entraient et sortaient de la structure de verre illuminée de la gare, tandis que, à l'extérieur, des centaines de voyageurs étaient massés par terre dans la pénombre le long des parois transparentes, assis et désœuvrés, quelque chose de borné et de noir dans le visage, paysans et saisonniers qui venaient d'arriver ou qui attendaient un train de nuit avec des quantités de valises et de sacs à leurs pieds, élimés, mal fermés, mal ficelés, caisses et cartons entrouverts, sacs en jute affaissés, baluchons, fourniments, parfois de simples bâches mal nouées desquelles dépassaient des réchauds et des casseroles." (p.22/23), des chambres d'hôtel, mais surtout beaucoup de descriptions des tourments de l'homme qui est loin de la femme qu'il aime et n'aime plus à la fois. La relation entre Marie et lui est compliquée, à la fois faite d'amour, de lassitude, de désir sexuel, de dégoût, d'agacement réciproque. Marie est loin, le rapprochement avec Li Qi semble être sérieux, mais Marie est toujours là, dans la tête de l'homme. Les premières pages sont lentes, toujours aussi belles que dans les romans précédents, pas d'humour, de la beauté, de la sensualité dans la rencontre avec Li Qi, du désir latent, notamment dans le train Shangaï-Pékin. Puis à Pékin, le rythme du roman s'accélère à la faveur d'une partie de bowling, visualisable comme si vous y étiez, l'art de l'écriture de JP Toussaint, mais surtout grâce à une course-poursuite à trois sur une moto (cf. photo de couverture, de l'auteur), assez longue qui nous fait emprunter tout un tas de ruelles, de placettes, de venelles ; on n'est bien sûr pas dans un polar états-unien avec force dérapages, bousculades, fumées des pneus sur l'asphalte, mais cette longue scène n'a rien à leur envier, grâce à l'écriture quasi-documentaire de l'auteur. Puis, à la suite d'un coup de téléphone de Marie qui lui apprend que son père (celui de Marie) est mort et qu'il est enterré sur l'île d'Elbe, là où il vivait, l'homme quitte la Chine, pour tenter d'arriver à temps à la sépulture, le récit reprenant un rythme plus lent, celui qui sied aux retrouvailles avec Marie. Dans la première partie, malgré la tension qui régnait lors de la poursuite à moto, le vocabulaire de JP Toussaint était resté assez neutre, alors qu'il devient violent voire grossier lorsque les deux amants se revoient, comme si le danger réel de l'accident, de la mort même était moins grand que celui de la perte de l'amour, moins essentiel. L'amour et la mort. L'amore, pourrais-je même dire puisque le final du roman se passe à l'île d'Elbe, italienne comme chacun sait.
Encore un excellent roman de JP Toussaint, avec des phrases sublimes, aux mots simples, aux tournures tellement évidentes quand on les lit, de longues phrases, comme celle que j'ai citée et de nombreuses autres, de beaux personnages qui évoluent, qui se posent des questions sur leur vie, sur leur amour. La suite est déjà écrite avec La vérité sur Marie (en 2009) et Nue (en 2013). Livres que je lirai assurément ! J'attends les sorties en poche.
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