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«Ces chroniques ont paru chaque samedi entre 2002 et 2005 dans The Gardian Review, supplément littéraire du célèbre quotidien britannique. Ma seule consigne était que tout devait tourner autour de la vie des lettres. Je travaillais en flux tendu - recherche d'une idée le lundi, fol espoir de l'avoir trouvée le mardi, et le mercredi, jour de remise, frénésie de travail matinal, en robe de chambre parmi les miettes de toast. Puis à 11 h 50, course jusqu'au bureaux du journal, au bout de la rue (mais pas en robe de chambre) pour livrer ma planche. Le reste du mercredi était en général consacré à un lunch bien mérité.» Posy Simmonds.
Cette BD me tentait à cause de son sujet, même si a priori, je ne suis pas très fan des BD publiées dans les magazines et rassemblées en un album. Je n'ai pas été séduite par ce recueil, sauf sur quelques pages mais ce fut somme toute assez rare. Mes enfants disent que je n'ai pas d'humour, je suppose qu'il faut y voir là la cause de mon manque d'enthousiasme (ils ne trouveraient pas la BD plus drôle que moi, mais eux n'aiment pas particulièrement les livres).
Je me souviens très bien d’avoir découvert l’univers graphique de Posy Simmonds dans le supplément littéraire du Guardian, un samedi de 2004. J’avais été séduit par un dessin proche de celui de Sempé, me semblait-il. La chronique, cette semaine-là, racontait l’anecdote d’une libraire faisant la fine bouche face au nouveau livre d’un auteur à succès, mais en commandait une douzaine pour pouvoir vivre. Pendant près de trois ans, Posy Simmonds a donc croqué les travers de la vie littéraire en Angleterre, de l’écrivain au lecteur, en passant par l’éditeur, l’agent littéraire, le journaliste, le libraire. Tous les protagonistes de ce qui est devenu une véritable industrie, sont croqués par la plume caustique de la cartooniste avant d’être broyés par l’irrésistible moulinette de son humour. Bref, toutes ces chroniques sont aujourd’hui disponibles en un recueil en français, sous le titre de « Literary Life » (la Vie littéraire). Et le public n’ignore plus rien des contradictions de ce monde (par bien des aspects, très proche du marché de l’art). Prenons l’auteur en séance de dédicaces auquel on demande le chemin des toilettes ; au contraire, l’écrivain arborant en permanence des lunettes noires pour échapper à ses admiratrices et râle quand il n’y en a pas aux alentours. Prenons l’éditeur qui veut transformer toute fille belle et jeune en auteure. Prenons le Docteur Derek, le seul praticien qui prête une oreille compatissante aux doléances des écrivains incompris. L’égocentrisme élevé au rang de manière de vivre. Mais les écrivains ne sont-ils pas égotiques à cause de tous ceux qui les entourent et vivent de leur production ?
Particulièrement éloquente, la chronique où, lors d’une réunion d’un comité de lecture, une femme s’écrie, au grand dam de ceux qui l’entourent : « C’est juste superbement écrit… Je veux dire, je sais que ça ne se vendra pas… mais est-ce une raison pour ne pas le publier ? » En effet nous connaissons tous des exemples de livres devenus célèbres, refusés à plusieurs reprises : « Autant en emporte le vent » (38 refus), « Sa Majesté des Mouches » (20 refus), « Harry Potter à l'école des sorciers » (12 refus), entre autres.
Tous ces paradoxes où s’entrechoquent d’une part, l’élégance, la spiritualité et la littérature, et de l’autre, la décadence, la mesquinerie et la vulgarité, sont férocement soulignés par Posy Simmonds. Et de la parodie à la satire, il n’y a qu’un pas. Pourtant, le lecteur perçoit toujours à travers l’éclat de rire, la sympathie que la dessinatrice porte à ces gens, ses collègues en quelque sorte.
Mon personnage préféré reste Penny, la libraire déjà évoquée précédemment, dont la boutique est au 16 Wintergreenes, qui n’a pas assez de métaphores bien crades pour qualifier les best-sellers, têtes de gondoles des supermarchés, véritables pompes à fric, surtout pendant la période de Noël. Ailleurs, Posy Simmonds revisite un conte de Charles Perrault, à savoir Cendrillon ; elle en fait une vamp, une allumeuse incendiaire, qui fume de longues cigarettes et flûte le champagne à gogo, le corps moulé dans une robe fourreau très sexy. Enfin, pour un court récit, elle reprend le héros de sir Arthur Conan Doyle et nous livre une enquête inédite de Sherlock Holmes.
Bref, méchamment drôle mais sans être jamais stupide, « Literary Life » est l’exemple même de l’humour raffiné dont les Britanniques ont le chic. Je me demande par ailleurs ce que donnerait la vision d’un caricaturiste sur le monde de l’édition dans un pays francophone comme la France ou la Belgique. Lui aussi possède ses stars : Amélie Nothomb, Marc Lévy, Guillaume Musso, Anne Gavalda et Katherine Pancol. Lui aussi comprend ses moutons noirs et ses auteurs parodiques comme Gordon Zola. Lui aussi mériterait d’être disséqué sous le microscope de l’humour.
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