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Toute pensée a son revers, et s'il en était de même dans la vie ? Si l'on transposait le bien et le mal en silence et en bruit ? Si l'on pouvait aller à rebours de la construction. Si « la durée de construction était égale à la durée de destruction ? ». Si les montagnes pouvaient repousser. Les bombes bâtir. S'il fallait attendre neuf mois pour mourir. Si la lecture des livres était réservée à ceux capables de les écrire. Si les idées ne se révélaient qu'à ceux qui les ont déjà pensées ? Les postulats de Flora Bonfanti sont des postulats étranges. Ceux d'une pensée qui s'imagine, immédiatement organique, autonome, qui se déploie et dérive en expansion ; jusqu'à créer un lieu, en quête d'une « métaphore matérielle ». Approche inconnue du lieu entre rationalité et fantasmagorie, au fil d'un texte qui invente sa propre légende. Qui remue les légendes.
Déesses et dieux, pythies, géants, ancêtres, hommes à six doigts, capture du feu, outil du langage ; ses dérivations, sa conduite, ou plutôt sa déformation de la réalité. Effort de pure pensée poétique sur la réversibilité des choses, contre tout ce qui nous semble acquis. Alors que nous ignorons la plupart du temps l'arrière-monde, la possibilité que tout ait un envers. Il y a une dimension fantastique chez Bonfanti qui perturbe le cours de la pensée, la détourne en des endroits étranges. Une pure spéculation où le monde se trouve transformé en lianes d'idées. Toute pensée est en permanence au bord de l'histoire, prend pied dans la narration humaine, le mythe. Et nous conduit au bord de la folie. C'est la grande inquiétude de ce premier livre : le seul terme de la pensée, c'est l'imagination, sa digression infinie. Jusqu'aux plus grandes métamorphoses, parfois contre notre nature même. Comment les mots portent leur feu, forment sens et sentiment. Comment on véhicule le langage, dans une tension de maintenir l'incandescence du sens et du langage, sans le fossiliser. C'est, contre les pierres, le secours de la poésie. Il s'agirait au fond, par-delà la chimère, de trouver la circulation de la joie dans le soleil. La finalité reste notre réconciliation d'hommes, la fin des larmes. Un mouvement circulaire, un chemin personnel vers l'équilibre - par-delà symétries et asymétries - vers l'amour réconcilié au coeur de ces lieux exemplaires.
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