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Après avoir passé la guerre caché au Chambon sur Lignon, Shakin Nir s'embarque en 1947 illégalement depuis Marseille à 17 ans pour la Palestine. Il rejoint l'un des plus ancien Kibboutz et assiste à la création de l'État d'Israël puis prend part à toutes ses batailles comme réserviste. Pendant la guerre de Kippour il est photographe militaire. Par la suite il travaillera comme scénariste (avec Marcel Camus, Menahem Golan, etc.). En France seul son premier livre, Grains du sud, est édité en 1956 par Jérôme Lindon aux Éditions de Minuit , ce recueil de nouvelles rend compte d'une manière très lucide et dans une langue très belle de ce mélange d'idéal, de luttes, de déceptions et de défis qu'est la vie communautaire en même temps agricole et combattante des kibboutz. Mais par la suite les relations de Shakin avec l'édition française se distendent : le problème palestinien déconcerte les anciens amis d'Israël... Ayant refusé d'apprendre le français à ses enfants et à sa femme arrivée de Hongrie à bord de l'Exodus, Shakin Nir a donc gardé sa langue intérieure enveloppée comme une arme d'autrefois à l'abri des injures du temps, elle lui sert à mesurer la moindre inflexion dans l'esprit de ses compatriotes et dans leur idéal endommagé. Son intransigeance ne condamne pas ses compagnons d'aventure démobilisés, au contraire doucement elle les tance, car elle constate que la partie n'est pas finie et que le combat va continuer sans eux sous un mode et avec un idéal à peine modifiés par l'aventure d'un siècle et leur découragement. Le manuscrit de [L'Idéal du Kibboutz] reçoit en Israël le prix du Président avant d'être publié dans une version en hébreu par Yedioth Ahronoth (l'un des principaux éditeurs israéliens) qui veut en faire son livre de l'année. Shakin Nir n'a rien perdu de sa foi et c'est pourquoi, dans le roman, le personnage qui renonce et que l'on retrouve en bas de la falaise n'est pas lui, mais son ombre (ou son double) qu'il laisse un peu comme une peau morte. Un jour d'hiver clair et radieux, un homme monte au sommet d'une falaise et se jette à la mer. La police trouve le corps, ouvre une enquête et le roman démarre avec cette quête d'un mobile dans une histoire cachée... Est-ce que l'époque radieuse des après-guerres elle aussi aura glissé trop rapidement dans un sens absolument imprévu ? Peu importe, car Shakin Nir se sent disposé à vivre une seconde fois : c'est cela l'esprit de transmission peut-être, en tout cas on ne croyait pas les hommes de progrès si doués pour la nostalgie... C'est par la justesse de la mémoire mais une mémoire heureuse, ouverte sur l'avenir que ce roman interpelle : des épisodes épiques du Chambon sur Lignon aux incursions dans le Sinaï, il aura trouvé le goût de vivre libre au grand air et la camaraderie. Une certaine relation à l'histoire explique, dans ses souvenirs, la grandeur et la proximité de ses deux nations. Sans elle que deviennent-elles ? Shakin Nir a hérité d'une langue dont la force et la noblesse furent d'exalter à la fois l'énergie nationale de la terre et la fraternité, mais c'est en apprenant une autre qu'il aura construit un pays neuf et plus ancien à la fois. Le lien que la Résistance et le sionisme des kibboutz, à travers les épreuves de la guerre, ont établi entre les deux histoires se sera laissé distendre, incertain de lui-même, et Shakin Nir le ravive en lui restant fidèle. L'idéal du kibboutz a ainsi traversé la durée d'Israël et c'est donc avec la vieille arme démodée mais qu'il sait bien servir de cette langue qui porte l'empreinte des grands combats français, que Shakin Nir explore le destin suspendu de son peuple, Israël. Pour découvrir comment un de ceux sur qui tant d'espoir et de volonté de vivre s'étaient si longuement appuyés peut arriver si isolé et découragé au dernier jour de son existence, il faut toute la clairvoyance et la finesse d'un cÅ«ur qui ne renonce pas.
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