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À rancunier, rancunier et demi : Blutch n'est pas sûr d'avoir le dernier mot ! Voilà des jours que Blutch rumine, la dernière blague de Chesterfield a du mal à passer. Ce dernier a eu la mauvaise idée de droguer Arabesque pour se moquer de Blutch, et s'en prendre à Arabesque, c'est risquer de se mettre Blutch à dos pour un bout de temps. Mais quand Chesterfield apprend brutalement qu'il est l'heureux père d'une petite fille et qu'il doit renoncer à sa carrière militaire pour remplir son devoir de chef de famille, Blutch se montre finalement bon camarade : ce serait trop bête de se quitter sur une fâcherie. Un peu sonné, Chesterfield retourne à la vie civile, mais là, nouvelle surprise : la soi-disant mère de sa prétendue fille n'a jamais eu d'enfant, pas davantage qu'elle ne lui a écrit de lettre.
Reste alors à savoir qui aurait pu avoir le culot de lui faire plaisanterie aussi énorme. Or Chesterfield a bien sa petite idée...
epuis 1972, deux soldats de l’armée de l’Union, le sergent Cornelius Chesterfield et le caporal Blutch, vivent leurs aventures sous le crayon de Lambil. Et si, graphiquement, il n’y a plus guère de surprise (nous en sommes, malgré tout, à la cinquante-sixième aventure), l’originalité surgit des scenarii de Raoul Cauvin. Certaines histoires s’inspirent directement des événements de la guerre de Sécession, ce qui n’est pas le cas, ici. Au contraire, le prolixe Cauvin prend la vie de camp militaire comme ressort narratif : l’hôpital et ses blessés, la hiérarchie, les rapports humains, la camaraderie. Il part du fait (avéré) que certains militaires (aussi bien nordistes que sudistes) usaient, pour pouvoir tenir le coup face à la violence de la situation, d’alcool et de drogues. Ce qui donne une très mauvaise idée à Chesterfield pour mettre Blutch dans une situation délicate. Le caporal, teigneux comme pas possible, mettra au point une réelle machination pour se débarrasser définitivement du sergent. Mais celui-ci ne restera pas sans réagir. Il appliquera la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent.
Bien entendu, sont présents, en plus des deux héros, les personnages récurrents : le capitaine Stark, le général Alexander, le capitaine d'État-Major Stephen Stilman (toujours sirotant son verre), l’officier Horace et le cheval Arabesque. Mais certains personnages d’albums précédents ressurgissent : le père et la mère de Chesterfield, Charlotte et son père, le sergent recruteur…
Une fois de plus, Cauvin, que j’aime envisager comme antimilitariste, nous présente l’absurdité de la guerre mais également nous pose la question des qualités humaines. A quoi sert l’intelligence si elle est mise au service de la violence, de la mesquinerie et de l’exploitation de la chair à canon ? Que devient un homme dès qu’il reçoit un peu de pouvoir ? Que faire pour ne plus voir un homme, même pas un ami, pleurer ou souffrir ?
Un épisode est assez signifiant à ce propose quand la hiérarchie s’inverse : l’oppressé devient, bizarrement, l’oppresseur. D’autres affirmeraient : naturellement. Mais, avec Cauvin, j’ai encore un peu de confiance en l’homme.
Par ailleurs, l’inanité des actions humaines est parfois soulignée par des plans inserts, sans aucun rapport avec l’histoire : des corbeaux sur le toit de l’hôpital, un chat sur le rebord de la fenêtre, deux pies sur une branche. Le monde continue de tourner quoiqu’il arrive, et il ne sera ni meilleur ni pire si des milliers d’hommes meurent pour des idées. Comment ne pas être désabusé, voire cynique comme Stilman, face à la bêtise de l’homme, avec sa mauvaise foi et ses agissements étriqués ?
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