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Après la guerre contre l'Irak, Ozra et son mari Issah vivent à Téhéran dans une chambre sans confort. Ils partagent leur intimité avec Mariam, leur petite fille née handicapée suite à la chute de sa mère enceinte fuyant sous les bombes.
Au fil de quatre monologues, où alternent celui de l'homme et de la femme, le couple revit la tragédie qui a eu raison de leur union conjugale. Au récit de leur présent se mêlent les souvenirs de leur jeunesse et de leurs expériences, parfois érotiques, d'avant le mariage. De plus, la promiscuité leur est funeste parmi les habitants de leur résidence universitaire réquisitionnée par l'État pour les réfugiés. C'est cependant l'occasion de rencontres, certaines allant à l'encontre de la morale en Iran...
Après Les Garçons de l'amour, Ghazi Rabihavi signe un roman sombre, qui donne à voir un Iran en décomposition, une société d'oubliés de l'histoire.
Crépusculaire, d’une lucidité indépassable, l’Irak d’ombre et de lumière, « Le Sourire de Mariam » est un livre qui ne vous quitte pas. Poignant, sombre et merveilleux tant l’écriture impulse la littérature même.
Gazhi Rabihavi est iranien. Son parcours de vie, d’exilé et de persécuté, interdit de publications en Iran, renforce le pouvoir de ce livre. Après « Les garçons de l’amour » à lire et à relire, chef-d’œuvre courageux et nécessaire tant l’homosexualité est bannie en Iran.
« Le Sourire de Mariam » bleu-nuit, est un lever de voile noir sur une famille, celle d’Ozra et de son mari Issah et de leur petite fille Mariam, handicapée. Cette fillette vit recluse entre sa mère dévorée de ténacité et de souffrances et un père combattant de l’adversité.
Une chambre pour toit, l’exil à fleur de peau, la pauvreté criante et l’enfant coquille à peine visible dans le contre-jour.
Métaphore de l’incipit qui ouvre la voie de ce livre criant d’authenticité, de justesse et de compassion pour les êtres meurtris dans leur chair.
« Quand je suis entré dans la pièce j’ai aperçu Mariam hagarde, la bouche ouverte, le regard tourné vers la porte, roulant dans tous les sens. »
« Nous n’avons pas réussi à savoir quel genre de nourriture mangeait Djini. Les tortues mangent de la laitue et des légumes. Mais Djini n’est pas une tortue. »
Ce roman choral donne la parole à Ozra et Issah. Téhéran de poussières et de souffrances. La chambre est l’Iran bousculé et méconnaissable. Sans confort ni latitude, l’antre encerclé entre d’autres semblables, agitations et les voisins (es) ont tous (tes) une histoire, un amas de cailloux devant leur porte.
On ressent l’idiosyncrasie riche de justesse. Mariam, lovée dans ses impuissances, Ozra chutant, enceinte de l’enfant dans une fuite éperdue sous les bombes. Petit être blessé avant même de naître. Est-ce la couleur de l’Iran ? Ce noir qui frappe ses enfants ?
Les voix s’élèvent triomphantes de la nostalgie d’un amour mis à rude épreuve. Les endurances armures, les combats d’un exil, l’enfant Mariam et son sourire colombe à peine inscrite sur les lignes d’un pays en pleine transmutation. Les inégalités, la Révolution, toutes les affres ruissellent gorgées de boue et d’amertume.
Porter le voile, toujours, la liberté abolie. Femme de silence. Mariam et son sourire parole qui surpasse les interdits. Se méfier de l’autre, voisin de palier et d’intimité où la moindre goutte d’eau est visible de la rue.
Le récit, triste et vrai, à peine romancé, huis-clos virulent et âpre, Ozra serre son moineau sur le cœur. Coquille vide et désarticulée.
Issah cherche la sensualité, la tendresse, pressent l’éloignement. Ses larmes sont des poèmes décrochés des étoiles. Le langage des corps qui se retournent à contre-sens.
La polyphonie est l’Iran. Le berceau voguant sur les flots. Mariam, le lien, figée dans son immobilité.
« Je suis persuadée que toutes ces années d’errance n’ont été et ne sont encore supportables qu’avec toi.Jamais comme ce soir je n’ai eu autant besoin de tes caresses et de tes doigts courant fébrilement sur mon corps. Mais toi, tu restes là flasque et inerte.
La vérité est une flèche en plein cœur. Les diktats sont des fenêtres sombres à peine rieuses par grand soleil. Les femmes gravitent dans cette résidence, l’espoir chevillé aux corps. Toutes de questions et de possibilités. Les habitus sanglotent dans une pudeur qui interroge les félicités invisibles. Ozra est un symbole, celui de la femme en Iran. Parabole criante, sensible, qui tremble, se met à espérer les quêtes imprononçables. Mariam et son sourire qui dévoile l’espoir de sa contribution à l’effort et à la vie. Si. Enfant désemparée , le regard craintif et le sourire théologal.
Ce livre indicible, sociétal, crucial est un chef-d’œuvre. Ghazi Rabihavi dévoile l’Iran , les générations blessées et abolies. L’idéal qui se confronte au quotidien. Il y a la douceur de sa voix dans ces lignes inoubliables. Les destins tragiques et les révoltes sourdes. Finement politique, sociologique, résistant, ce récit fondamental, ivre d’amour, est dans la lignée des intemporels. Un livre qui dépassera toutes les littératures assemblées.
C’est un honneur de lecture et une fierté éditoriale. Traduit à la perfection du persan (Iran) par Christophe Balaÿ, publié par les majeures éditions Serge Safran éditeur.
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