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Il semble que François Mauriac ait mis le meilleur de son art dans cette cruelle peinture d'une famille de hobereaux du Sud-Ouest dont l'héritier,. un pauvre homme dégénéré, s'est mésallié en épousant une jeune fille qui n'a pu résister au désir de quitter son milieu bourgeois et de devenir baronne. De cette union mal assortie est né un fils, Guillou. Nous suivons le calvaire de cet enfant, si disgracié physiquement, si sale, si arriéré que sa mère ne l'appelle que "le Sagouin". Nous le verrons aussi tout près peut-être du salut parce que quelqu'un, l'instituteur du village, le traite en être humain. Victime de la haine de sa, mère à qui il ne rappelle que d'odieux souvenirs, victime des préjugés du village, le pauvre Guillou entraînera son faible père dans la tragédie.
Cette "sombre et parfaite nouvelle" - le mot est de Robert Kemp - est un récit d'une grande intensité qui évoque un monde de haine et de souffrance avec une remarquable sobriété de moyens et un art achevé.
Comment ne peut-on pas aimer son enfant ? C'est pourtant ce qui arrive à cette femme, mariée à un homme qu'elle n'aime pas. Elle a accepté ce mariage pour obtenir un titre de noblesse. Par contre, sa vie n'est pas simple. Elle a tenté une fois de se confier à un prêtre mais les ragots de village se sont vite multipliés et le prêtre a dû partir. le fils ressemblant à son père, elle le trouve dégoûtant et ne peut se résoudre à l'aimer. Pourtant, un jour, elle va se battre et se mettre à genoux devant l'instituteur du village (communiste) pour que celui-ci accepte finalement de donner des cours à son fils. Malheureusement pour le petit sagouin, les cours ne vont pas durer.
Comment peut-on faire passer ses idées politiques avant l'instruction d'un enfant ???
Très occupé de journalisme politique pendant et après la seconde guerre mondiale, l’académicien girondin François Mauriac ne renoue avec le roman qu’au tournant des années cinquante, peu de temps avant son obtention du prix Nobel de littérature. Poursuivant sa peinture des turpitudes cachées des familles bourgeoises, il signe avec Le Sagouin, entre nouvelle et court roman, un récit glaçant et désespérément noir.
Le Sagouin est un garçon d’une dizaine d’années, enfant chétif et craintif dont la furie de mère, la main lourde et le verbe injurieux, ne supporte pas le physique ingrat et l’esprit attardé hérités de son père, ce « dégénéré » qu’elle s’emploie de toutes ses forces à exécrer depuis qu’elle l'a épousé pour devenir baronne. Renvoyé par les Jésuites après deux tentatives d’intégration en pensionnat, interdit de précepteur depuis de troubles commérages qui ont provoqué la mutation du curé, de trop bonne famille enfin pour fréquenter les bancs de l’école communale, il ne lui reste qu’une dernière chance pour espérer sortir un tant soit peu du cloaque familial : que ce « rouge » d’instituteur accepte de le recevoir pour des leçons particulières. C’est sans compter les convictions idéologiques, qu’après un premier contact pourtant prometteur avec l’enfant, le maître d’école décide de faire passer avant sa vocation éducative. Pour le garçon et son père, le contre-coup s’avèrera terrible…
Quelques traits suffisent à l’écrivain pour nouer le drame autour du pauvre Guillou, innocent sacrifié sur l’autel des ambitions égoïstes et jalouses des adultes qui l’entourent. Dans cette France de 1920 qui voit les conflits sociaux saper l’ordre ancien et la stratification bien établie des classes, chacun des personnages rumine ses frustrations jusqu’à la haine et, barricadé dans ses principes, s’enferme dans une rigidité propice aux antagonismes aveugles. Issue de la bourgeoisie bordelaise, la mère qui rêvait tant de noblesse vit dans un dépit haineux le mépris de sa belle-mère, méchamment obstinée à lui faire payer la mésalliance de son fils et à défendre le prestige vacillant d’une famille habituée à dominer le village des hauteurs de son château et de ses privilèges. A l’opposé, l’instituteur, fier de ses idées socialistes et laïques, se refuse à pactiser avec un quelconque représentant de la noblesse, en fut-il le malheureux et impuissant rejeton, stigmatisé comme idiot par les siens et par tous les enfants du village, en réalité un enfant sensible, capable de lire et de comprendre, mais miné par la peur et par un profond sentiment d’insécurité.
Dans ce jeu de frictions entre adultes, mise à part la bonne qui, sans voix au chapitre, est la seule à témoigner quelque affection au garçon, ce sont les femmes qui mènent le bal avec un acharnement à la mesure de leur méchanceté. Fermement rappelé à ses intérêts par son épouse, même l’instituteur achève dans cette histoire d’enterrer ses idéaux pédagogiques, tandis que, simples pions méprisés et bafoués dans le combat pour l’autorité qui oppose la mère et la grand-mère, enfant et mari se retrouvent niés jusque dans leur droit à exister. Le dénouement tragique menant à l’ultime sacrifice du père et du fils, le récit s’achève alors par une sorte de châtiment divin rappelant la ferveur catholique de l’auteur. Aucun des personnages ne l’emportera au paradis.
Tout l’univers de Mauriac est contenu dans ce récit fulgurant, intense et poignant, caractéristique de son tourment de se trouver si attaché à l’étouffant milieu bourgeois qu’il ne cessa de peindre avec une lucidité sombre et critique. Coup de coeur.
Le récit poignant d'un jeune garçon détesté par sa mère.
Entre un père défaillant, une grande mère qui le renie, une mère haineuse et à la limite de la folie, Guillaume cherche sa place.
Bien écrit,émouvant.
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