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Après une enfance rude mais enchantée auprès de ses grands-parents, à Wando, île du sud de la Corée (Je veux aller dans cette île, L'Asiathèque, 2013), le narrateur du présent livre, Le Phare (titre coréen : ??), qui n'est autre que l'auteur, nous raconte son adolescence, plus difficile encore car il a fallu quitter l'île pour s'installer sur le continent dans un faubourg misérable, à la périphérie de Kwangju. Le père est absent et la mère lutte pied à pied pour faire vivre seule son jeune fils et ses deux filles, dont l'une est retardée mentale.
Comme dans Je veux aller dans cette île, les tableaux se succèdent, dans une tonalité plus sombre, mais toujours empreints d'une grande humanité. Une galerie de personnages pittoresques et attachants s'anime sous nos yeux et ces récits de vie sont souvent très émouvants, notamment la mort de la grande soeur handicapée.
"Ce livre est singulier. J'y suis plus attaché qu'à mes autres écrits car il contient la chair de mon enfance. (...) Sur le squelette de mes souvenirs d'adolescent, j'ai drapé quelques haillons romanesques. Je ne nie pas qu'il y ait là-dedans une bonne dose d'apitoiement sur moi-même." Ainsi s'exprime Lim Chul-woo sur ce livre écrit en 2002 et traduit en français cette année. On est donc entre l'autobiographie et la vie romancée d'un adolescent pauvre en Corée, au milieu des années 60. Un récit prenant, qu'on ne lâche pas aisément tant il met en scène des gens attachants, qui ne se résignent pas et gardent la tête haute malgré leur pauvreté et les humiliations qu'ils subissent. La galerie des personnages peut ressembler à la Cour des Miracles : des éclopés, des handicapés, des solitaires par choix ou par "destin", ... On sent la Corée de ces années-là, la vraie, loin de l'image qu'elle renvoie maintenant, celle d'un pays en pointe de la technologie, à l'économie florissante. On est dans du vécu, loin du misérabilisme malgré la pauvreté de sa famille, Lim Chul-woo ne s'apitoie pas sur-lui même contrairement à ce qu'il peut dire, c'est plutôt une forme de témoignage de ce que furent ces années d'adolescence : un récit d'enfance
Cheol grandit entouré de femmes, l'esprit empli des légendes que sa grand-mère lui racontait, parce que comme pour les autres récits coréens que j'ai lus, il y a une bonne part de légendes, de poésie, de décalage ; des rencontres seront primordiales pour lui, de celles qui aident à se construire et à avancer. L'absence de son père lui est cruelle, il ne peut se résoudre à l'attendre préférant lui inventer des vies voire une mort héroïques.
Un livre très sobre, une belle écriture directe qui ne néglige pas pour autant certains détours vers la poésie, les images. Beaucoup moins barré que ce que j'ai l'u d'autres auteurs coréens (L'art de la controverse, Ping-Pong), c'est un récit linéaire, beaucoup plus sage, empli ainsi que je l'expliquais pour mon article sur Ping-Pong d'onomatopées qui rendent la lecture vive, et étonnent le lecteur européen.. Une autre facette de la production livresque de ce pays qui ne fabrique pas que des matériels de haute technologie, la preuve, sa littérature est très diversifiée, il y en a pour tous les goûts, Le phare est un très beau roman, un beau moyen de découvrir la prose coréenne.
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