Madame Rosita, Olga Robert pour l'état civil, voyante extralucide (passé, présent, avenir, retour d'affection) jette un dernier coup d'oeil à son cabinet pour vérifier si tout est bien en place. Elle attend une nouvelle cliente pour dix heures. Elle ne la connaît pas. Le rendez-vous a été pris par téléphone.
Madame Rosita a soixante-cinq ans et un physique de chaisière.
Quand on entre dans le petit salon où elle reçoit, on croit revenir un siècle en arrière.
L'inévitable hibou empaillé trône au milieu d'un fatras d'objets hétéroclites : talismans exotiques, bocaux où se dessèchent des plantes inquiétantes, statuettes indoues, deux iguanes naturalisés, des pierres fuligineuses.
Ce que Madame Rosita ne voit pas au travers de ses grosses lunettes de myope, c'est le sédiment de poussière sur les étagères, la brume sur la boule de cristal, le délavé de la nappe orientale à franges ni l'usure des tentures de velours rouge qui calfeutrent les fenêtres.
Ses clients habituels sont du quartier. Elle sait tout d'eux : leurs soucis, leurs ambitions, leurs rancunes. Est-ce à dire que cela suffit pour orienter ses prédictions ? Qu'elle se contente de broder sur des faits connus ? Qu'elle n'annonce que ce que l'on espère entendre ? Pas vraiment. Mais parfois, son don de voyance, si capricieux, n'est pas au rendez-vous. Alors, tout connaître de l'interlocuteur... cela aide.
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