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« Trois têtes plissées. Trois vieilles pommes ridées rehaussées de verres progressifs à montures épaisses. C'est ce qu'il doit se dire. Il nous a repérées, derrière notre fenêtre, dès son entrée dans la cour de la maison de retraite. Pas difficile, les seules vieilles à pouvoir tenir debout sont à notre étage. L'administratif occupe le premier, les déments actifs le dernier. S'ils fuguent, on augmente les chances de les intercepter avant qu'ils ne mettent les pieds dehors. Au troisième, les grabataires séniles, dont le prochain acte notable sera de passer l'arme à gauche. Au deuxième, les sains d'esprit. Nous, donc. J'aimerais ajouter "et de corps", mais bien sûr, on croustille, on grince et on se traîne.
Dans ces conditions, ça effraie les jeunes si on leur assure être bien conservées. »
Dans ce récit, l’auteur nous emmène dans une maison de retraite, entendez un EHPAD (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et nous fait partager la vie et les aventures de quatre mamies un peu singulières. La narratrice, c’est Adèle, une ancienne gériatre, à l’humour ravageur, toujours prête à entraîner dans son sillage ses trois amies, Béatrice, Céleste et Debbie. L’Abécédaire, comme elles se surnomment, décide de mettre en place « Un art de vieillir en restant plaisant, heureux et fréquentable » bien sûr pour ses enfants, mais aussi pour soi-même.
Les aventures qui s’ensuivent sont drôles, voire jubilatoires. Les répliques souvent à l’emporte-pièce donnent beaucoup de vie, d’entrain au récit. On ne voit pas les chapitres passer et on sourit, rit aux péripéties de ce quatuor si attachant. On pourrait croire que cet humour est loin des réalités vécues dans les maisons de retraite, pourtant je pense que l’auteur a voulu nous rappeler que le troisième âge n’est pas forcément lugubre et pesant. Et si ces mamies sont pleines de vie, elles n’en portent pas moins le poids des années et des drames qui ont jalonné leur existence.
Ainsi, Adèle garde au fond d’elle la douleur de la mort d’un être cher, celle dont on ne peut faire le deuil, la perte de son fils. Par petites touches, elle puisera la force de vivre en s’appuyant sur d’autres épaules, en continuant d’aimer. Avec son écriture précise et soignée, Aurore Py sait nous raconter les sentiments tout en pudeur, tout en retenue, tout en poésie.
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