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Un soir d'hiver 1962, dans une petite ville de province, un jeune lycéen disparaît.
Quelques mois auparavant, l'irruption de Jean Lorrencin, à peine rentré d'Algérie, vient bouleverser la vie de ceux qu'il va croiser. Tantôt séducteur, tantôt maléfique, chassé d'un paradis perdu, il entraîne dans une spirale de haine deux lycéens, Marie et Simon, que rien n'aurait dû séparer. De plus il précipite le destin de Paul, vieux bibliothécaire hostile à ses idées.
Au-delà du portrait déchirant d'une jeunesse blessée, le roman explore les tentations extrémistes toujours d'actualité. Il sait aussi se faire l'écho nostalgique de l'atmosphère si particulière des années soixante dans laquelle les personnages s'aiment, se déchirent et... ne se perdent pas tout à fait.
« Ta lettre est arrivée aujourd’hui. » La lettre de Simon. Simon son amour, son seul amour, Marie va la lire. Maintenant elle le peut presque arrivée à la fin de sa vie avec le mot cancer écrit dessus. « Il y a dix ans, je n’aurais pas lu cette lettre. J’aurais craint d’ouvrir une brèche dans le silence où je m’étais murée. »
Il est temps de revenir sur ces années passées et, plus spécialement 1962.
Simon et Marie, Marie et Simon, jamais l’un sans l’autre, le grand amour.
Jean Lorrencin est « rapat » d’Algérie où son père, officier est mort. Là-bas, Jean était déjà en contact avec ceux qui voulait une Algérie française. Jean, beau, ténébreux, irrésistible, plein de mystères et sympathique. C’est sans compter sur sa face cachée. En fait, Jean est dur, violent, manipulateur, voire prédateur. Marie et Simon en sont les premières victimes, tous deux fascinés par ce garçon. Le jeune couple se sépare sans explications. « Au bas du marché, devant la fontaine, je t’ai regardé t’éloigner. Tu ne t’es pas retourné. » Marie est sauvée par la lecture et Paul Boisselet, le bibliothécaire qui la nourrit de littérature. « Les livres ne me guérissaient pas vraiment mais ils m’offraient le seul écho secourable. »Il sera son mentor jusqu’à sa mort, précipitée par les manipulations de Jean. D’ailleurs, Jean est suivi par les RG, il publie des tracts dont la teneur ne différencie pas avec ce que nous entendons aujourd’hui « La décadence de la France, la supériorité de l’Occident, le mépris du christianisme, religion sémite et pervertie, le refus du marxisme… la xénophobie qui accompagnait l’idée que la race blanche devait être préservée ».
Marie s’enferme, se mure dans le silence et l’exil, avec pour seul échappatoire la poésie « Je découvrais qu’il y avait un moyen de bercer sa douleur. Ce moyen, c’était la poésie. Au-delà du temps, des voix venaient s’accorder à la mienne. Lorsque je m’abandonnais à leur rythme, que j’empruntais les mots qu’elles m'offrait, ma voix, elle aussi, devenait musicienne. ».
Marie se réfugie dans l’écriture et devient une écrivaine reconnue. « Paul Boisselet avait raison : les pays imaginaires sont les seuls où nous puissions trouver refuge. » Simon est devenu photographe reconnu « J’ai vécu entouré d’images témoin de la vie des autres, cher chant à fixer, dans leurs visages et leurs regards, les émotions que je n’étais plus capable d’éprouver »
Tous les deux ont sur le cœur, le poids de la mort.
Eliane Serdan, avec l’angle de vue des trois adolescents, raconte le climat familial des années soixante, les discussions houleuses autour des repas familiaux entre les pour et contre l’indépendance algérienne, les rapatriés, le climat politique. Les rixes entre extrême droite et extrême gauche sont monnaie courante. L’extrémisme, l’endoctrinement, l’intolérance. déjà existant conduisent à la mort (tiens, cela me rappelle que, malheureusement, rien n’a changé sous le soleil).
Un livre court mais dense d’une écriture simple et précise. Eliane Serdan m’a déjà séduite avec « La ville haute » où l’exil y est traité, cette fois, sous le regard d’une enfant et d’un vieil homme.
Merci Eliane Serdan pour votre gentille dédicace.
L’art, l’écriture pour résilience.
L’Algérois est un roman sobre, articulé autour de quatre personnages : Marie Guérin, Simon Allegri, Jean Lorrencin, Paul Boisselet.
Marie et Simon sont tous deux lycéens, dans les années soixante, Paul Boisselet est bibliothécaire et oriente les goûts littéraires de Marie. Le récit s’articule autour de trois lettres, dans lesquelles les points de vue et visions respectives des personnages sont explicités. Jean Lorrencin, dont le passé est obscur et suscite maintes interrogations, a côtoyé Marie et Simon. Il a, paraît-il, participé aux barricades d’Alger en 1960, aurait été membre d’une organisation d’extrême-droite Jeune Nation. C’est un pied-noir, originaire d’Alger. Dans la lettre de Paul Boisselet, les goûts et tendances littéraires et politiques de ce jeune homme sont évoquées : il aime Brasillach et cite Maurras, comme pour justifier par avance son engagement politique : « Nous devons être intellectuels et violents. » Marie, quant à elle, admire Paul Boisselet, ce bibliothécaire qui lui prodigue de bons conseils : « Quant à moi, j’étais sous le charme. Son étonnante mémoire, sa culture, la passion avec laquelle il essayait de nous initier à la découverte de ses écrivains favoris me l’avaient fait aimer (…) C’est à lui que je dois d’avoir lu Proust de bonne heure. C’est lui sans aucun doute qui m’a conduite sur les chemins de l’imaginaire et de l’écriture. »
Des liens amoureux sont décrits entre Marie et Simon, tandis que Jean Lorrencin reste inquiétant et source de toutes les craintes : n’est-il pas poursuivi par un Algérien qui souhaite se venger de lui depuis les événements d’Alger ?
L’Algérois n’est pas un roman historique, même si l’arrière-plan de la guerre d’Algérie y est omniprésent. C’est plutôt un hommage à l’imaginaire comme refuge, une mise en évidence du rôle du temps : « J’ai gardé les clichés. Ils sont autour de moi pendant que je t’écris (…) il me semble parfois que ce décor, autrefois reconnaissable, a perdu toute réalité (…) Paul Boisselet avait raison ; les pays imaginaires sont les seuls où nous puissions trouver refuge. »
Très bon roman, à la lecture agréable, et dont l’intrigue est déroulée de manière fluide. Il dépeint à merveille les traces que peuvent laisser sur nos vies les individus ou institutions ; il restitue avec une grande pudeur les tourments de l’adolescence, à l’occasion des premières sensations amoureuses.
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J'avais apprécié la ville haute c'est pour cela que j'ai lu ce dernier.
Merci de signaler ce livre d'Eliane Serdan; cette autrice est charmante et généreuse. Elle a été lauréate du prix Des Racines et des Mots: nous lui avions décerné ce prix pour la Ville Haute, remarquable par sa façon d'évoquer l'exil