Céline et Isabelle ont lu "La ville haute" d’Eliane Serdan, (Serge Safran éditeur)
Céline et Isabelle ont lu "La ville haute" d’Eliane Serdan, (Serge Safran éditeur)
Nous avons tous, ou presque, eu une ou un enseignant qui nous a porté, voire transcendé. Pour Antonin, c’est Madame Ferrière prof de français bientôt en retraite.
Antonin est en sixième, écartelé entre son père et sa mère divorcés et leurs nouveaux conjoints, ce n’est pas la gaieté personnifiée. Heureusement, Antonin a une vie intérieure intense, son pays à lui.
Madame Ferrière a remarqué ce petit garçon si sensible dont les rédactions attirent son attention.
Deux solitudes et sensibilités que la littérature rapprochent. Dans le livre, chacun son tour parle des difficultés rencontrées dans leurs vies quotidiennes, Antonin, avec le vocabulaire de son âge et de son époque, Madame Ferrière avec maîtrise et aisance.
Ariane Ferrière raconte son amour pour son métier « Sans mes élèves j’aurais l’impression d’être un navire à la dérive. Dès que je suis dans une classe, je me sens à ma place ».mais aussi la lassitude de tant d’années d’enseignement avec des élèves de plus en plus difficiles. « Il n’empêche qu’en montant les escaliers j’ai eu un pincement au cœur, à cause de ce rendez-vous manqué avec la poésie qui m’aide à vivre et qui aurait pu, aussi, peut-être les aider. » C’est presque un sacerdoce chez elle qui n’a plus de vie privée digne de ce nom, la poésie essaie de combler le vide. Alors lorsqu’en réunion parents-professeurs, elle avoue à la maman d’Antonin qu’elle non plus, elle n’aime pas les maths, elle veut garder en elle le sourire de l’enfant. Ce métier est fait de petits bonheurs qui éclairent les journées de découragement.
Un petit résumé de son métier: « À huit heures du matin, après les vœux et les embrassades, j’ai appris que la jeune stagiaire était hospitalisée pour dépression et parlait de démissionner. À neuf heures, le petit Antonin, à qui j’aurais donné le premier prix d’angélisme, a failli tuer Kevin à coups de pied dans un couloir. À dix heures, la maman d’élève avec qui j’avais rendez-vous m’a déclaré qu’elle avait délibérément dispensé son fils du travail que j’avais donné pour les vacances et que, si je lui mettais une retenue, elle viendrait elle-même la faire. À midi, Le principal est venu nous annoncer la visite imminente de l’inspecteur de lettres. À midi trente, j’ai renversé du vin sur mon pantalon à la cantine. »
La lecture, les livres, Madame Ferrière aime, c’est une passion qu’elle essaie de transmettre. Les livres, la littérature, surtout la poésie sont essentiels pour elle. Ainsi, à son décès, son ami écrivain est le dépositaire de sa bibliothèque afin que les livres ne soient pas jetés ou dispersés.
Antonin, donc, se trouve ballotté entre ses parents et leurs nouveaux compagnons, un peu mal compris par les copains. La connexion qu’il sent entre lui et sa prof lui permet de se surpasser, même lors de son premier chagrin d’amour ou des sévices affligés à sa mère par son nouveau compagnon.
S’ajoute au duo une troisième personne, un écrivain venu donner un cours dans la classe de madame Ferrière. Lui aussi prend sous son aile Antonin et le pousse à participer à un concours de nouvelles qu’il remporte. peut-être la naissance d’une vocation d’écrivain
Elliane Serdan dépeint fort bien le métier d’enseignant et le rapport prof-élèves-parents actuel tout comme avec la hiérarchie et ses directives pédagogique frôlant l’absurde.
J’apprécie son style, sa façon de raconter les relations humaines avec, ici, une touche de tendresse, là, un brin d’humour, pour contrebalancer le grave et ou la violence, sans oublier l’exil. Un art où elle excelle qui rend ses livres si agréable à lire.
Oui Eliane Serdan, votre livre a mis de la couleur dans ma grisaille (pas trop grise quand même!)
Comment je suis devenu écrivain
Dans son nouveau roman, Éliane Serdan raconte l'émergence d'une vocation littéraire en donnant la parole à un enfant de onze ans et à son enseignante. Un parcours semé d'embûches qui est aussi un hommage au corps enseignant.
Antonin a 11 ans et une vie qui se partage entre sa mère et son père divorcés. Il doit s'habituer à ses deux pyjamas, deux brosses à dents, deux brosses à cheveux et deux maisons, mais doit composer avec une belle-mère qu'il redoute et un beau-père qui ne va pas tarder à vouloir asseoir son autorité. Naviguant entre charybde et scylla, il va trouver dans son imaginaire une bouée de secours. Et auprès de sa prof de français, Mme Ferrières, une oreille attentive. Elle va l'encourager dans ses lectures et le pousser à écrire et à développer un talent naissant. Les moqueries de ses camarades de sixième et les mauvais traitements n'auront pas raison de sa passion.
Éliane Serdan a eu la bonne idée de confier ce roman initiatique à deux voix, celle de l'enfant et celle de son enseignante. On peut ainsi mieux appréhender leur relation, confronter les idées de l'un et de l'autre et leurs sautes d'humeur. Car pour l'un comme pour l'autre, la partie est loin d'être gagnée.
Comme le souligne Mme Ferrières, une journée prometteuse peut vite basculer dans l'horreur:
"À huit heures du matin, après les vœux et les embrassades, j'ai appris que la jeune stagiaire était hospitalisée pour dépression et parlait de démissionner. À neuf heures, le petit Antonin, à qui j'aurais donné le premier prix d'angélisme, a failli tuer Kevin à coups de pied dans un couloir. À dix heures, la maman d'élève avec qui j'avais rendez-vous m'a déclaré qu’elle avait délibérément dispensé son fils du travail que j'avais donné pour les vacances et que, si je lui mettais une retenue, elle viendrait elle-même la faire. À midi, Le principal est venu nous annoncer la visite imminente de l'inspecteur de lettres. À midi trente, j'ai renversé du vin sur mon pantalon à la cantine."
Sans en dire davantage sur la destinée de cette enseignante, on dira qu'elle sera aidée puis remplacée par un écrivain venu animer un atelier d'écriture et qui sera bouleversé par la prose d'Antonin.
Si le sujet du rapport prof-élève et les vocations que les premiers ont pu faire naître chez les seconds a déjà été traité dans la littérature, au cinéma et même en chanson, cette nouvelle version - très émouvante - a le mérite de s'ancrer dans un réel très difficile à gérer. Les agressions d'élèves, les injonctions des parents d'élèves et des directives pédagogiques proches de l'absurde, comme l'interdiction de porter de jugement négatif dans les bulletins trimestriels, viennent entraver la belle histoire. «Cette interdiction avait déclenché quelque résistance et donné le jour à des appréciations savoureuses du type: "S'applique à ne rien faire. Y réussit brillamment".»
On le voit, l'humour vient ici au secours de situations graves et la tendresse compense la violence. Ajoutons que les différences de style des deux narrateurs ajoutent un vent de fraîcheur à ce roman très plaisant à lire.
https://urlz.fr/mEfR
Émouvant, un lâcher de crayons de couleur. « Le petit Antonin » est un récit de vie poignant, réaliste et psychologique.
Un texte très juste sur l’armure dont l’enfance se cuirasse.
« Ce matin, en français, on a révisé l’accord du verbe. Il paraît que dans la dictée on a fait n’importe quoi ».
Le roman chorale st à deux voix. Celle d’Antonin qui vient d’entrer en sixième et celle de sa professeur de français, Madame Ferrière. Le double de M. Keating du « Cercle des poètes disparus ».
D’emblée on est happé dans une salle de classe. Le microcosme de notre société avec ses faiblesses et ses atouts. D’aucuns semblent un visage connu, le complexe du homard, les inégalités éducatives et sociales. Dans cette classe, Antonin, élève et enfant blessé par la vie. Petit poulbot aux deux maisons. Une mère un peu dépassée. Un père qu’il ne voit que deux jours en semaine. Antonin cherche sa place. Il pressent le vacillement de ses habitudes. Les rituels déplacés voire transformés. Il ne maîtrise plus rien et ce manque de repères lui fait perdre sa confiance dans les adultes.
Enfant pris en tenaille, onze ans, l’âge des faiblesses, l’âge des apprentissages et des désillusions. Sa mère vit avec Marc. Un homme que l’enfant déteste et pour cause. Il boit (trop). Il manque de compassion pour l’enfant. Au chômage sa oisiveté forcé le rend aigri et autoritaire. Il semble à mille mille des psychologies des adolescents.
Antonin pressent un homme brutal. Sa mère est effacée, soumise, comme si Marc était le seul à la sauver d’une solitude bancale. On ne ressent pas d’amour entre tous les deux, jamais. Seulement l’apparence d’un homme posé avec ses valises et sa dureté. Il impose ses lois dans une maison déjà fissurée.
Que va-t-il se passer ?
Antonin est malin et sait jouer des coudes. Il s’enferme dans sa chambre le plus possible et refuse le lien qui pourrait advenir.
Scolaire, il aime le français comme un habitacle. Il se sent bien dans cette matière dont il sait les opportunités.
Il pressent dans Madame Ferrière un socle qui protège. Néanmoins, à contrario Antonin déteste les maths sa sensibilité lui joue des tours. Il devient agressif et sa vulnérabilité est prégnante.
Comment cet enfant peut-il se construire dans toutes les contradictions qui le hantent ?
Madame Ferrière comprend que ce petit oisillon a besoin d’aide. Elle qui parle aussi dans ces lignes. Femme seule dont la lecture est une soupape de sécurité. Elle devient un guide pour Antonin, elle qui berce sa classe de « Buzzati » de "Molière" et des poésies comme des flambeaux en pleine nuit dans une classe où les élèves ne sont pas des enfants mais des apprenants. Elle veut changer le cours des choses. Elle est une révolutionnaire du verbe. Une passeuse de littérature. On l’aime très fort et d’emblée son aura nous comble.
Antonin est surdoué en français. Les poésies soufflées sont des citadelles, les livres lus en classe, des escomptes hyperboliques du futur. « Et puis, vois-tu les chemins de l’écriture sont bien solitaires ».Elle va œuvrer à l’élévation d’Antonin. La transmission spéculative, le mot avant le verbe. La rédemption.
Un ami écrivain de l’enseignante dira la plus belle phrase du livre : « Mais qui est cet enfant ? ».
Tant il perçoit la capacité hors norme d’Antonin. Lui, qui fait des rédactions exutoires, l’imaginaire à fleur de peau. La sincérité est toujours gagnante dans l’écriture. Et la maturité de ce petit élève est miraculeuse. L’écrivain et Madame Ferrière vont aider Antonin à chasser ses démons. La littérature source et l’encre pour un lendemain meilleur.
Écrire et résister aux aspérités de la vie. L’enfant devenu roi de sa plume et de ses mots.
Ce livre est une ode à l’enseignement et à ses valeurs. Il pourrait devenir tant son humilité est douce, un outil pour le corps enseignant. Ici, rayonne l’écriture d’une autrice Éliane Serdan qui sait l’enfance et le pouvoir de la transmission. Que ferions-nous sans tous ces passeurs du verbe et de l’amour ?
Ce livre est beau à pleurer mais c’est bien ainsi. Il y a dans le portrait de Madame Ferrière le même regard que celui de la concierge dans « L’élégance du hérisson ».
Voyez la beauté de ce livre.
Publié par les majeures Éditions Serge Safran éditeur.
« Ta lettre est arrivée aujourd’hui. » La lettre de Simon. Simon son amour, son seul amour, Marie va la lire. Maintenant elle le peut presque arrivée à la fin de sa vie avec le mot cancer écrit dessus. « Il y a dix ans, je n’aurais pas lu cette lettre. J’aurais craint d’ouvrir une brèche dans le silence où je m’étais murée. »
Il est temps de revenir sur ces années passées et, plus spécialement 1962.
Simon et Marie, Marie et Simon, jamais l’un sans l’autre, le grand amour.
Jean Lorrencin est « rapat » d’Algérie où son père, officier est mort. Là-bas, Jean était déjà en contact avec ceux qui voulait une Algérie française. Jean, beau, ténébreux, irrésistible, plein de mystères et sympathique. C’est sans compter sur sa face cachée. En fait, Jean est dur, violent, manipulateur, voire prédateur. Marie et Simon en sont les premières victimes, tous deux fascinés par ce garçon. Le jeune couple se sépare sans explications. « Au bas du marché, devant la fontaine, je t’ai regardé t’éloigner. Tu ne t’es pas retourné. » Marie est sauvée par la lecture et Paul Boisselet, le bibliothécaire qui la nourrit de littérature. « Les livres ne me guérissaient pas vraiment mais ils m’offraient le seul écho secourable. »Il sera son mentor jusqu’à sa mort, précipitée par les manipulations de Jean. D’ailleurs, Jean est suivi par les RG, il publie des tracts dont la teneur ne différencie pas avec ce que nous entendons aujourd’hui « La décadence de la France, la supériorité de l’Occident, le mépris du christianisme, religion sémite et pervertie, le refus du marxisme… la xénophobie qui accompagnait l’idée que la race blanche devait être préservée ».
Marie s’enferme, se mure dans le silence et l’exil, avec pour seul échappatoire la poésie « Je découvrais qu’il y avait un moyen de bercer sa douleur. Ce moyen, c’était la poésie. Au-delà du temps, des voix venaient s’accorder à la mienne. Lorsque je m’abandonnais à leur rythme, que j’empruntais les mots qu’elles m'offrait, ma voix, elle aussi, devenait musicienne. ».
Marie se réfugie dans l’écriture et devient une écrivaine reconnue. « Paul Boisselet avait raison : les pays imaginaires sont les seuls où nous puissions trouver refuge. » Simon est devenu photographe reconnu « J’ai vécu entouré d’images témoin de la vie des autres, cher chant à fixer, dans leurs visages et leurs regards, les émotions que je n’étais plus capable d’éprouver »
Tous les deux ont sur le cœur, le poids de la mort.
Eliane Serdan, avec l’angle de vue des trois adolescents, raconte le climat familial des années soixante, les discussions houleuses autour des repas familiaux entre les pour et contre l’indépendance algérienne, les rapatriés, le climat politique. Les rixes entre extrême droite et extrême gauche sont monnaie courante. L’extrémisme, l’endoctrinement, l’intolérance. déjà existant conduisent à la mort (tiens, cela me rappelle que, malheureusement, rien n’a changé sous le soleil).
Un livre court mais dense d’une écriture simple et précise. Eliane Serdan m’a déjà séduite avec « La ville haute » où l’exil y est traité, cette fois, sous le regard d’une enfant et d’un vieil homme.
Merci Eliane Serdan pour votre gentille dédicace.
L’art, l’écriture pour résilience.
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