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Dans une forêt hongroise, après des mois d'errance, Asma, une jeune Syrienne, attend, avec d'autres réfugiés, un véhicule pour l'Allemagne. Son père, pharmacien à Damas, a été exécuté, son frère a rejoint la rébellion. Pour sa sécurité, sa famille l'a alors envoyée en Europe. Lorsqu'arrive enfin un camion frigorifique, elle éprouve presque du soulagement à s'y entasser. Même si, dans la bousculade, elle perd son sac... et son cahier rouge - le journal intime qu'elle tient depuis l'arrestation de son père en 2006.
Tamim parvient à le récupérer. Il le conservera précieusement. Sur les routes depuis trois ans, contraint à chaque étape de travailler pour payer la suivante, il a quitté l'Afghanistan à quatorze ans, après l'assassinat de son père et de ses frères par les talibans. Lui aura plus de chance qu'Asma - abandonnée à bord du fourgon avec ses compagnons d'infortune sur une aire d'autoroute, et dont la fin tragique agira comme un électrochoc sur la politique et l'opinion.
À Munich, en cet été 2015, Helga entend avec effarement la nouvelle. Elle se souvient d'avoir été réfugiée elle aussi, fuyant l'Armée rouge qui marchait sur Königsberg en 1945. Et, quand la chancelière Angela Merkel prononce son désormais célèbre « Wir schaffen das, nous y arriverons », Helga, comme tant de ses concitoyens, va tout naturellement proposer son aide aux demandeurs d'asile affluant sur le territoire allemand.
Revenant sur cet élan de générosité et sur l'espoir suscité, Christine de Mazières, dans ce roman polyphonique qui retrace le parcours des victimes, mais aussi des acteurs de ce drame, nous interroge avec force sur le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui.
Voilà un roman sur les mouvements migratoires rondement mené. Nous nous situons en 2015, sur la <strong>« route des Balkans »,</strong> route migratoire de la Grèce et de l’Italie vers l'Europe centrale et de l'Ouest (Macédoine, Serbie, Hongrie, Autriche et enfin, Allemagne). Christine De Mazières décrit avec beaucoup de détails d’émotion et de pudeur à la fois, le chaos et les affres que subissent ces migrants, pour le seul espoir d’une vie inconnue mais présentée comme meilleure. Ils se jettent littéralement à l’eau. La particularité et la force de ce roman sont que l’auteure ne juge pas, et ne s’arrête pas à présenter ces êtres meurtris ou les nantis qui regardent ces images, confortablement installés dans leur canapé ou leurs bureaux dorés.
Le point de destination de ces migrants-là, qui a son importance, est l’Allemagne. Christine de Mazières insère cette horrible traversée dans le contexte politique de 2015, et un contexte historique beaucoup plus large. Car oui, Angela Merkel a été la dirigeante européenne la plus courageuse en termes d’accueil de ces migrants, avec son célèbre <strong>« Wir schaffen das », « Nous y arriverons », </strong>courage que lui ont même reproché certains politiques allemands et européens, et qu’elle a payé dans les urnes lors des élections suivantes. Mais tous les allemands ne se sont pas levés vent debout face à elle. Certains ont en effet agi en silence ; ceux notamment qui avaient connu une expérience traumatisante en fuyant l’Armée rouge qui marchait sur la Prusse orientale en 1945, et ont accueilli en 2015 ces migrants.
On pourrait faire une lecture universelle de ce récit : les migrations politiques ou religieuses existent encore malheureusement. Les hommes ne savent toujours pas les gérer, ni en amont, ni dans le feu de l’action, et difficilement après. Et l’Europe, dans tout ça ? Largement confrontée à ce sujet dans son histoire, elle ne sait toujours pas parler et agir d’une voix unie. On parle de solidarité : un mot aussi magique et magnifique que les mots liberté et égalité, qui surgit parfois dans l’urgence ou dans l’horreur mais dont on aimerait que les actes et l’efficacité soient davantage mis en lumière sur le temps, pour faire boule de neige, et non pas avant tout une action sparadrap. Bien sûr, il ne s’agit pas ici pour moi de juger : le sujet est complexe dans nos économies riches, capitalistes, et individualistes…. En attendant, chaque graine de solidarité désintéressée contribue à une société plus apaisée.
https://accrochelivres.wordpress.com/2021/05/23/la-route-des-balkans-christine-de-mazieres/
Dans son second roman, Christine de Mazières multiplie les points de vue et les voix pour dénoncer la situation inacceptable des migrants en Europe.
Son premier roman racontait la chute du mur de Berlin vue des deux côtés du mur. J’avais beaucoup aimé ce livre et je retrouve avec plaisir la plume de l’auteure. L’Allemagne est également présente dans celui-ci. Mais il débute d’abord dans une forêt de Hongrie en 2015, avec la jeune Asma et sa sœur Lefana. Elles ont quitté leur famille et fuient la Syrie. Depuis elles avancent lentement vers leur but, l’Europe, une autre vie, un rêve.
Dans cette même forêt, il y a aussi Tamim, un jeune Afghan. On découvre son parcours à travers l’Iran, la Turquie, la Grèce, les Balkans.
Dans ce roman il est question aussi de cet événement tragique, que vous avez certainement entendu ou vu : le 27 août 2015, 71 migrants sont retrouvés morts dans un camion frigorifique sur une aire d’autoroute autrichienne.
Un roman poignant sur le destin de milliers de migrants en août 2015, tentant de rejoindre l’Allemagne, terre d’accueil, en passant par la Hongrie et l’Autriche. On assiste également aux discussions et négociations entre les dirigeants des pays. La chancelière Merkel est très présente à travers ses prises de paroles. Elle s’engage et insiste : « Dans cette situation, nous avons le devoir d’aider. »
« Wir schaffen das, nous y arriverons »
Plusieurs personnages apparaissent encore mais, outre Asma et Tamim, c’est peut-être celui d’Alma qui m’a touchée. Cette Allemande va découvrir la véritable histoire de sa famille. Histoire qui résonne d’autant plus mise en relation avec celle de ces migrants d’aujourd’hui.
La force de la littérature est de nous faire réfléchir, de nous bouleverser, de nous bousculer en nous montrant le monde à travers d’autres yeux. Christine de Mazières réussit à mêler fiction et faits réels. Elle est très bien documentée. Un roman court, dur, mais qui se termine sur une note d’espoir.
En 2015, les cadavres de 71 migrants qui tentaient clandestinement de rejoindre l’Allemagne, sont découverts dans un camion frigorifique abandonné sur une autoroute autrichienne, pas loin de la frontière hongroise. Véritable électrochoc sur l’opinion publique allemande, ce drame déclenche une vague de solidarité spontanée au sein de la population et l’inflexion de la politique migratoire de la chancelière Angela Merkel : les portes de l’Allemagne s’ouvre alors à des centaines de milliers de demandeurs d’asile.
En faisant se croiser les destins des deux jeunes Asma et Tamim, l’une syrienne, l’autre afghan, tous les deux jetés sur les chemins de l’exil par les persécutions qui ont décimé leurs familles, le roman immerge sans ménagement dans la réalité crue et insupportable de la « route des Balkans », cette voie migratoire semée d’embûches, depuis la Grèce vers l’Europe centrale et de l’Ouest. Placé dans les pas aussi périlleux qu’exténuants des migrants, confronté au dénuement des pays les plus pauvres d’Europe où se développent les pires pratiques des réseaux de passeurs, le lecteur pris à la gorge par l’atrocité de l’hécatombe risque fort de devoir reprendre son souffle plusieurs fois avant de parvenir au terme du récit.
A l’horreur répond pourtant le formidable élan de solidarité de la population allemande que son histoire a rendue particulièrement réceptive aux souffrances des personnes déplacées ou séparées par les frontières, à l’instar d’Helga, dont la famille connut l’exil lors de la redéfinition territoriale de l’Allemagne après-guerre, et qui vécut avec ferveur la chute du mur de Berlin et la réunification de son pays. La figure d’Angela Merkel domine dès lors toute cette partie du récit, au travers de la mise en place à ce moment, le devoir moral l’emportant face à la situation d’urgence humanitaire, de sa généreuse politique migratoire, on le sait réduite depuis sous la pression conservatrice.
Pointant du doigt les contradictions et les divisions européennes, et notamment l’ironie de la construction d’un nouveau mur en Hongrie, précisément là où s’était ouvert le rideau de fer en 1989, Christine de Mazières nous interroge sur notre propre passivité : ce que l’Allemagne a tenté depuis 2015, ce « Wir schaffen das - Nous y arriverons », était-ce donc si impossible dans d’autres pays d’Europe ? En 2019, un autre camion frigorifique livrait en Angleterre sa cargaison de 39 cadavres, tous des migrants vietnamiens...
Ce terrible roman, où quelques destins particuliers viennent souligner l’inhumaine réalité d’un drame humanitaire abordé par l’Europe en ordre dispersé, est sans aucun doute le plus convaincant de tous ceux qu’il m’a été donné de lire sur le sujet. Coup de coeur.
C’est un livre sur l’exil aux multiples visages. Où tous ont cette destinée commune : partir, fuire, là-bas. Quelles que soient les conditions de voyage, ils doivent quitter leurs proches, leur terre.
Ce n’est ni une aventure ni une épopée. C’est une quête d’une vie meilleure. Quitter le connu pour atteindre l’inconnu incertain. Ce qui les attend ne peut être que meilleur… tentent-ils de s’en convaincre ! La dure réalité sera tragique pour bon nombre d’entre eux… Quoiqu’il leur en coûte, ils suivent leurs chemins. Envers et contre tout.
« Asma et Lefana ont retrouvé la condition précaire de migrantes. Déracinées, invisibles, fugitives. Une vie entre deux, suspendue entre deux vies. »
Et puis parfois des petites touches magiques se produisent, deux regards qui se croisent, une rencontre sans échange, que la brutalité de la situation brise en mille morceaux…
« Comme si elle avait verrouillé la porte qui mène à son âme et jeté la clé dans un puits. Qu’ils prennent mon corps, ils n’auront pas mon âme. »
Alors il reste l’écriture comme exutoire, la plus fidèle compagne d’infortune, où les mots viennent et sont couchés sur ses quelques pages d’un carnet, dans lequel elle se raconte, elle se réfugie, elle espère encore le temps d’un temps pour elle et pour les siens…
« Et l’enfant Asma a commencé à tracer des lettres sur un cahier rouge. Pour son père. Pour leurs fous rires, pour les chansons qu’il lui apprenait. Elle cherchait le mot juste pour chaque chose. Les mots venaient et se posaient sur la page comme ça, sans effort. En s »assemblant, ils créaient des images nouvelles, qui la surprenaient. Elle écrivait et la lumière sortait des mots. C’était comme une musique dans sa tête. »
Un roman très documenté, il nous rappelle l’existence de faits réels, passés ou encore et toujours d’actualité. Il s’agit là d’un avantage incontestable de lire des romans écrits par une auteure dont l’histoire reste son coeur de cible.
Comme il fut bon de vous relire, très chère Christine De Mazieres. Notre première rencontre à travers votre inoubliable roman « Trois jours à Berlin », j’ai retrouvé dans « La Route des Balkans », la même sensation, celle d’être avec vos personnages. De les suivre. De courir avec eux. De les entendre. C’est ça, votre force et la puissance de vos mots, nous faire vivre ce que vous raconter. Et vous racontez si bien… Et comme pour le précédent, une nouvelle petite graine a été semée dans ma forêt de coups de coeur littéraires. Alors un grand merci pour cette lecture coup de poing !
https://littelecture.wordpress.com/2020/06/15/la-route-des-balkans-de-christine-de-mazieres/
«Combien sont-ils au juste, entassés, engouffrés, encore et encore, contents malgré tout de grimper dans ce véhicule qui les emmène à la fin de la nuit de ce coin perdu de Hongrie…» Un camion qui va devenir leur tombe. Christine de Mazières s’appuie sur un fait divers qui a coûté la vie à plus de 70 migrants pour raconter le destin de ces personnes qui fuient la guerre et dont l’Europe ne veut pas.
C’est une histoire d’aujourd’hui, un drame qui a bouleversé l’Europe quelques temps avant que l’actualité ne fasse passer ces dizaines de morts dans l’oubli. Comme le rappelle FranceInfo, le 27 août 2015, «dans un camion stationné dans l'est de l'Autriche, plus de 70 cadavres ont été découverts asphyxiés.» C’est à partir de ce terrible fait divers que Christine de Mazières a construit un roman bouleversant autant que très documenté.
La route des Balkans raconte en particulier le parcours de deux migrants, Asma la Syrienne et Tamim l’Afghan, qui se retrouvent au moment de monter dans ce camion qui part vers la mort. Deux destins particuliers parmi les centaines de milliers qui se sont jetés dans cette aventure très risquée, mais qui permettent de parfaitement comprendre qu’ils n’ont guère le choix. Asma a fui l’armée islamique qui a tué son père et lui réservait un sort peu enviable, d’autant que son frère avait rejoint la rébellion. Tamim a lui aussi vu son père mourir. Les talibans ont réservé ce même sort à ses frères, le poussant à quatorze ans sur les routes de l’exil. Cela fait de longs mois qu’il erre, car les passeurs ne lui font pas de cadeaux, loin de là. Pour lui comme pour ceux qui traversent la Méditerranée, cette économie souterraine a tout de l’exploitation de l’homme par l’homme, humiliation et violences comprises. Une condition précaire parfaitement détaillée ou tout geste de solidarité est vécu comme un miracle.
Les Syriens, Irakiens, Afghans et Érythréens qui se retrouvent dans cette forêt hongroise entrevoient désormais le bout de leur errance et la fin de cette «vie entre deux, suspendue entre deux vies.» La chancelière allemande a en effet, contrairement aux gouvernants des autres pays de l’Union européenne, choisi d’accueillir ces réfugiés en nombre. Après les atermoiements et les calculs sur le nombre «raisonnable», le ministre de l’intérieur – qui n’a rien d’un tendre – affirme haut et fort que «chaque réfugié qui arrive en Allemagne doit être accueilli et hébergé de manière digne, sûre et correcte…»
Christine de Mazières, dont on sait depuis Trois jours à Berlin, sa parfaite connaissance de l’Allemagne, donne une dimension historique à son roman en racontant le parcours d’Helga qui s’est elle-même retrouvée sur les routes dans les années quarante, lorsqu’il fallait fuir devant l’avancée de l’armée rouge. En racontant son odyssée à sa fille Alma et à sa petite-fille Johanna, elle tire un fil jusqu’à ces personnes qui, comme elle, fuient la guerre.« Sauver sa peau, c’est la seule chose qui comptait alors. Le pays était effondré et les gens aussi. Cette génération de femmes a dû reconstruire sur des ruines. Elles méritaient leur surnom de Trümmerfrauen».
De par son histoire elle ressent parfaitement la détresse des migrants et, à l’image de dizaines de milliers de ses concitoyens, veut tendre la main à ces réfugiés. À ceux qui ne seront pas morts en route. Car en ce 28 août caniculaire, le camion frigorifique délaissé sur le bord de l’autoroute, va livrer la cargaison de l’horreur. Des dizaines de réfugiés, en grande partie syriens, morts à quelques kilomètres de la délivrance. Asma est l’une des victimes que Tamim a vu monter dans le camion en pensant qu’elle est partie sans lui, qu’elle a eu de la chance.
En mettant un visage sur ce drame, la romancière nous le rend encore plus insupportable. En nous faisant découvrir le contenu de son petit cahier rouge, elle nous touche au cœur. Et en nous rappelant que c’est de Hongrie que le rideau de fer s’était ouvert vers l’Autriche 26 ans auparavant, elle nous fait toucher du doigt les contradictions de ces politiques qui s’empressent désormais de construire un nouveau mur… de la honte. Souvenons-nous aussi de la réponse des pays européens à l’appel d’Angela Merkel réclamant «une décision exceptionnelle face à une situation d’urgence» : une fin de non-recevoir.
Après Mur Méditerranée de Louis-Philippe Dalembert, voici un second livre fort et documenté sur la tragédie des migrants. Un roman bouleversant d’où émerge un peu d’humanité. Une petite flamme qu’il est essentiel d’entretenir.
https://urlz.fr/dohT
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