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Lorsqu'Albert Camus lui propose, aux lendemains de la Libération, la critique théâtrale du journal Combat, Jacques Lemarchand (1908-1974) traverse peut-être la même épreuve qu'en mai 1943, quand Jean Paulhan lui demanda de prendre la suite de Pierre Drieu la Rochelle à La Nouvelle Revue française : ce jeune écrivain bordelais, arrivé à Paris en 1932, ne se sentit pas assez « digne », tout en craignant d'être « le jouet d'une manoeuvre ». Retracé dans le premier tome de son Journal, cet épisode malheureux s'est soldé par l'arrêt de La NRF ; Jacques Lemarchand est néanmoins entré au comité de lecture des éditions que dirige Gaston Gallimard, devenu entretemps son ami. Fin 1944, c'est plutôt son manque d'engagement dans la Résistance qu'il redoute de se voir reproché... Camus n'en a cure.
Dès le début de ce volume, Jacques Lemarchand, devenu l'un des acteurs du milieu éditorial parisien, s'apprête à publier deux romans, Parenthèse et Geneviève... L'écrivain va pourtant s'effacer au profit du critique dramatique, d'abord à Combat puis, dès 1950, au Figaro littéraire. La vie théâtrale, qui a connu un formidable essor sous l'Occupation, voit alors l'émergence de jeunes auteurs, acteurs, metteurs en scène soutenus par une volontaire politique de décentralisation : Jacques Lemarchand prend la défense de ce « Nouveau Théâtre » - Adamov, Beckett, Audiberti, Genet, Vauthier, Ionesco, Ghelderode, Schehadé... - et se révèle un critique incisif et ironiste.
Mais cet homme, qui vit « dans tous les styles de désordre » (amoureux, pécuniaire, alcoolique), est aussi un témoin redoutable que rien n'impressionne. Sur fond d'Épuration et de détente générale, s'agitent sous ses yeux « tous les Gallimard et leurs dépendances », en particulier la génération montante : Queneau, Sartre, Camus, Bataille, Tardieu, Beauvoir... Une jeune femme, Suzanne Cornu, affole la rue Sébastien-Bottin : pour une fois, Jacques Lemarchand ne sait plus s'il désirerait, ou non, flirter avec elle. Parmi ses nombreuses liaisons, se distinguent cependant Paule Allard, journaliste à Combat sous le nom de Renée Saurel, puis Silvia Monfort, la jeune comédienne au sujet de laquelle il écrit, non sans orgueil : « Je serai amoureux quand je voudrai. » édition établie, introduite et annotée par Véronique Hoffmann-Martinot, qui a également assuré l'édition scientifique du Journal 1942-1944 (éd. Cl. Paulhan, 2012).
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