Véronique Mougin : "ma bibliothèque idéale ? un échantillon de ce que j'aime lire, à savoir..."
Joseph est ouvrier agricole, dans une ferme du Cantal. Il a bientôt soixante ans. Il connaît les fermes de son pays, et leurs histoires. Il est doux, silencieux. Il a aimé Sylvie, un été, il avait trente ans. Elle n'était pas d'ici et avait beaucoup souffert, avec et par les hommes. Elle pensait se consoler avec lui, mais Joseph a payé pour tous.
Sylvie est partie au milieu de l'hiver avec un autre. Joseph s'est alors mis à boire, comme on tombe dans un trou.
Joseph a un frère, marié, plus beau et entreprenant, qui est allé faire sa vie ailleurs et qui, à la mort du père, a emmené la mère vivre dans sa maison. Joseph reste seul et finira seul. Il est un témoin, un voyeur de la vie des autres.
Joseph est le nouvel opus de Marie-Hélène Lafon.
Véronique Mougin : "ma bibliothèque idéale ? un échantillon de ce que j'aime lire, à savoir..."
Un roman d'une autrice que, plus je lis, plus j'aime ! Je retrouve à chaque fois la délicatesse, l'humanité et l'écriture ciselée que j'apprécie tout particulièrement dans mes lectures.
Joseph, de Marie-Hélène Lafon.
Comme souvent avec l'autrice, le Cantal est le décor, la toile de fonds de cette histoire. L'histoire de cet ouvrier agricole qui n'a jamais quitté sa région, y a connu des bonheurs simples, des écueils, une traversée du désert dans une période de vie noyée dans l'alcool, le labeur comme une évidence et une ossature...
Touchant...
Touchée, une fois de plus...
Joseph est ouvrier agricole dans une ferme des Monts du Cantal.
Il fait bien son travail, soigne les bêtes, aide à la fromagerie, mange avec ses patrons et rejoint, le soir, sa chambre à l'étage où il conserve ses habits propres dans une valise qui devait appartenir à l'un de ses aïeux.
Joseph est un taiseux, mais il n'en pense pas moins. Joseph a passé sa vie au service des autres, vivant avec sa mère jusqu'à ce qu'elle rejoigne son autre fils, cafetier en région parisienne, pour s'occuper de ses jumelles qui venaient de naître.
De ce jour, Joseph a vécu seul, sauf un bref intermède qui a mal fini et ces années de cure qui ont suivi ...
Marie Hélène Lafon décrit sobrement la vie de Joseph, avec des mots aussi simples que ceux qu'il roule et déroule dans sa tête nous offrant ainsi une vision de cette vie, simple mais si complexe, faite d'apprentissages manuels et d'expertise dans les soins aux bêtes venu d'une longue pratiques et d'observations enregistrées.
Joseph a déjà sa chambre réservée à la maison de retraite, une chambre bien plus grande que celles où il a passé sa vie, une retraite qui lui donnera une vie plus belle que celle qu'il aura vécue jusque là ...
Une vie simple, une vie toute simple qui tient en 144 pages profondes et tendres.
Une belle découverte que ce roman !
Un auteur que je redécouvre et dont je vais tâcher de me procurer d'autres titres.
C’est un beau portrait que celui de Joseph.
Un ouvrier agricole solitaire, discret, spectateur de la vie des autres, taiseux.
Il est bien chez ses derniers employeurs, juste avant d’aller en maison de retraite.
Il n’a pas encore soixante ans, mais on lui en donnerait vingt de plus.
Ça se passe de nos jours, mais on se croirait il y a un siècle.
Une existence linéaire sans surprises, sauf cet intermède malheureux avec Sylvie. Une existence triste, qui n’est pas vraiment une existence.
Mais il n’est pas malheureux Joseph.
C’est bien écrit, bien analysé, mais j’ai regretté cette écriture en continu, sans paragraphes. Du mal à garder le souffle et à enchaîner les événements.
Marie-Hélène Lafon parle très bien de ce qu’elle connaît, de cette vie à la campagne, dans la zone d’appellation du Saint-Nectaire, au bord de la Santoire, cette rivière qui l’a vue grandir.
Avec Joseph, elle a décidé de mettre en lumière la vie de ces employés de ferme dont on ne parle jamais. Sous ce prénom de Joseph, elle a réuni plusieurs personnes qu’elle a côtoyées dans la ferme de ses parents. Pour commencer, elle décrit superbement ses mains : « Elles ont l’air d’avoir une vie propre et sont parcourues de menus tressaillements. Elles sont rondes et courtes, des mains presque jeunes comme d’enfance et cependant sans âge. » La ferme où il se trouve n’est pas son premier travail et, au fil des pages, nous découvrons ce que fut sa vie, tous les écueils qu’il a dû surmonter, ses rares moments de bonheur et toujours cet amour du travail bien fait sans jamais se plaindre.
Ces ouvriers agricoles appelés autrefois domestiques partagent la vie de la ferme tout en étant obligés de rester très discrets : « Joseph ne laisse pas de traces et ne fait pas de bruit. » Il se lave au lavabo de l’étable. « Il avait appris à se méfier des gens que les bêtes craignaient. » À 58 ans, bientôt 59, ce qui le sauve, c’est sa mémoire précise. Il se souvient de tout. L’auteure décrit bien ses rapports avec ses employeurs, la veillée avec cette télé que personne ne regarde vraiment car le patron dort et la patronne fait des mots croisés… Pourtant, il aime regarder le patinage artistique en couple. Sa chambre est toujours bien rangée, pas comme celle du fils !
Reviennent aussi ses souvenirs d’école, cette Claire qui lui plaisait beaucoup mais qui est devenue religieuse. Il y a aussi ces moqueries qu’il doit supporter. Sur le monument aux morts de la commune, un homme tué durant la Première guerre mondiale s’appelle exactement comme lui, Joseph Rodde, et on le surnomme « le poilu ». Il le vit très mal.
Nous faisons aussi connaissance avec Michel, son frère, sa belle-sœur, puis sa mère. Enfin, il y a ses problèmes d’alcool causés principalement par sa rupture avec Sylvie. Depuis, il ne boit que de l’eau. Alors que le fils des patrons a une copine, « fréquente », Marie-Hélène Lafon rappelle l’expression employée : « prendre femme et faire maison. » Hélas, « Joseph n’a pas fait maison, les gens comme lui ne font pas maison. »
Petit livre plein de sensibilité et d’humanité, Joseph n’est pourtant pas si aisé à lire car l’auteure a fait le choix d’éliminer tout paragraphe, abusant aussi de trop longues phrases, parfois sans ponctuation. Heureusement, elle a divisé son récit en chapitres, ce qui permet au lecteur de faire quelques pauses et de se régaler.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Si j'ai beaucoup entendu parler de ce roman, j'avoue que ce n'est pas la couverture proposée par les Editions Buchet Chastel qui aurait pu me donner envie ! Celle de Folio, plus attirante, reflète le monde agricole dans lequel évolue cet "anti-héros", pourtant la simplicité d'origine avait misé juste !
Roman tendre et émouvant, Joseph raconte la vie de cet ouvrier agricole, mal loti, sans doute mal-aimé, mais jamais malheureux.
Une vie réglée au millimètre, entre patrons presque taiseux (ni bons ni meilleurs que d'autres) et animaux à soigner, sans rêves, sans avenir mais en aucun cas sans sentiments celui de ne pas avoir pu ou su, celui de ne pas avoir été, sans que cela ne revête un quelconque sentiment de gravité.
C'est juste un bonhomme qui n'attend rien et n'obtient rien (admettons qu'il n'y a pas véritablement d'intrigue) mais c'est doux et fort, relaté en un souffle. Ni une vie ratée, ni une vie réussie, juste celle de Joseph, cœur simple dont on a presque envie que l'auteur écrive l'épitaphe !
Joseph est ouvrier agricole dans une ferme du Cantal ; Joseph n'est pas marié, sa mère est morte et son frère jumeau vit avec sa famille en Normandie. Joseph est donc heureux de profiter de la chaleur d'un foyer à la ferme, chez le patron et la patronne qui sont des personnes bienveillantes.
Dès le départ, ça n'a pas été facile pour Joseph : un prénom « de vieux » à l'école, un frère jumeau plus vif, plus brillant que lui, puis sa mère qui a pris le parti d'aller vivre en Normandie avec le frère, un amour malheureux, l'alcool… mais ça, heureusement, Joseph s'en est sorti et il attend donc la retraite dans cette ferme où il compte « se finir ».
Autopsie d'un monde rural qui n'est plus : le monde des ouvriers logés à la ferme et qui ne comptaient pas leur temps. Joseph est un homme silencieux, qui observe les gens, le monde et les animaux, plein de sensibilité et d'empathie silencieuses, de lucidité et de compréhension. Il est plus à l'aise avec les animaux qu'avec les hommes, mais cela ne l'empêche pas d'observer et de porter un regard bienveillant sur le monde qui l'entoure, sans jugement ni acrimonie.
Après l'Annonce et Les pays, un tout petit roman qui, dans une belle langue du terroir, ausculte avec beaucoup de pudeur et de justesse un monde paysan finissant. J'ai beaucoup aimé !
Un style superbe qui donne à ce livre une précision et une force qui m'ont touchée. L'auteure réussit à faire parler un "taiseux", grâce à cette langue qui, sans mot recherché, exprime au plus près la vie âpre de cet ouvrier agricole. magnifique description d'un monde qui disparaît peu à peu et que Marie-Hélène Lafon réanime par son oeuvre depuis quinze ans.
Joseph, ouvrier agricole est un homme qui voit, qui observe la vie des autres, lui qui a vécu chez les autres, d’une ferme à l’autre, sans chez soi. Le livre évoque ses gestes, ses mains, son labeur, ses soins aux bêtes, son savoir-faire, sa compétence, son honnêteté. Il y a bien eu une mère, un frère parti à la ville, une femme avec laquelle il n’aura pas « fait maison », une période d’alcoolisme.
Il est devenu un taiseux qui porte en lui les vestiges du temps passé. Il passe ses journées à travailler, comme il l’a fait pendant de nombreuses années, et évolue dans un champ de solitude, loin de sa mère et de son frère, Michel.
Pas de famille, pas d’ami, mais des souvenirs qui s’entrechoquent pour composer une biographie. Le livre concentre ses habitudes, les rituels qui se sont mis en place dans la maison des patrons, un amour malheureux, des évènements bien ordinaires qui constituent toutefois l’essentiel d’une existence.
Marie-Hélène Lafon dresse le portrait saisissant d’un homme ordinaire et par son talent parvient à nous le rendre attachant.
Une très belle lecture.
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