De 1923 à 1945, Joseph Goebbels écrit, puis dicte quotidiennement son Journal. Tous les événements du jour y sont consignés et analysés. De cet ensemble de 80 000 pages, seuls étaient parus des fragments, le plus souvent fautifs, jusqu'à la découverte en 1992 des plaques de verre reproduisant la totalité du texte, aux Archives spéciales d'État de Russie. L'Institut d'histoire contemporaine de Munich (IfZ) a entamé en 1993 la publication intégrale du texte (29 volumes, en cours). Ce livre présente 127 journées significatives du Journal de Goebbels, entre le 1er janvier 1943 et le 28 mars 1945. Il constitue le premier de quatre volumes, les tomes suivants portant sur les périodes 1939-1945, 1933-1939 et 1923-1933. Le projet est mené en collaboration avec l'Institut d'histoire contemporaine de Munich et avec la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Les textes ont été choisis conjointement par l'équipe de l'IfZ et l'historien français Pierre Ayçoberry. Ils livrent un témoignage sur le vif sur les trois dernières années de la guerre : chute de Stalingrad, déportation des juifs berlinois (ordonnée par Goebbels), tournant de la « guerre totale », insurrection du ghetto de Varsovie, débarquement de Normandie, complot du 20 juillet 1944 (où Goebbels « sauve la mise » d'Hitler...), jusqu'au moment où les Russes sont aux portes de Berlin. Le Journal de Goebbels est un document historique exceptionnel, à plusieurs titres. ¦ D'abord, par la personnalité de son auteur. Né en 1897, Joseph Goebbels a rejoint le parti nazi dès 1922. Tribun et propagandiste de génie, il devient Gauleiter du Grand-Berlin en 1928 et chef de la propagande du parti l'année suivante. Ministre de l'Information et de la Propagande à partir de 1933, il joue un rôle crucial dans la mise en scène du régime et dans l'entreprise d'endoctrinement national-socialiste, rôle qui culmine dans les années de guerre. Resté fidèle jusqu'au bout à Hitler, il se suicide le 1er mai 1945 avec sa femme Magda, entraînant ses enfants dans la mort. À partir de 1943, Goebbels décrète la « guerre totale », ultime délire meurtrier du Troisième Reich ; il en est le principal artisan avec Himmler (qui n'a laissé qu'un agenda) et Speer (dont les mémoires sont plus une apologie qu'un document). ¦ Ensuite parce que Goebbels, responsable de la « mobilisation totale » des Allemands, mais aussi de l'administration de Berlin, est le mieux informé des chefs nazis : il résume ainsi de nombreux rapports secrets, aujourd'hui perdus de la Gestapo et du SD.
Enfin, parce que Goebbels est un intime d'Hitler, dont il partage jusqu'au bout les options idéologiques et au premier chef un antisémitisme obsessionnel. Les comptes-rendus de leurs conversations donnent lieu à des pages délirantes (par exemple, les élucubrations, jusqu'au début de 1945, sur la reconstruction de Berlin, la réouverture des théâtres ou les armes secrètes). Ils sont aussi notre seule source d'information sur les décisions d'Hitler, dont on sait qu'il gouvernait par instructions orales (par exemple, la déportation des juifs de Berlin au début de 1943). Le texte est accompagné d'un important appareil critique : introduction générale de Pierre Ayçoberry, présentation des sources et de leur histoire par les historiens allemands Horst Möller et Stefan Martens ; une mise en perspective d chaque journée, ainsi que des notes sur les événements, les personnages et les organismes cités ; des cartes de la situation du front ; un index des noms, ainsi que des listes des sigles et des grades. Les droits de ce livre seront reversés à la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
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