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Géralde est une jeune femme de 30 ans. Elle est belle, cultivée, maline mais, voilà, ça ne marche pas avec le s garçons. Il faut dire que, bizarrement, elle collectionne les mauvais coups ... Pourtant, une rencontre lu i redonne espoir: Pierce, un jeune homme néozélandais, posé, séduisant, d'une délicatesse et d'une attention auxquelles elle n'était pas habituée. Cela n'est pas vraiment un coup de foudre, mais une agréable opportunité. La contrepartie est que si elle veut que cela ne soit pas sans len- demain, elle doit rejoindre Pierce en Nouvelle Zélande où il est rentré.
Un détail que nous vous livrons dans le cours de cet argumentaire, comme Nicolas Fargues le fait, lui, après un bon nombre de pages (27 exactement) de son roman (mais beaucoup moins habilement que lui) : Géralde est noire. Dè s lors le lecteur comprend mieux certaines de ses réactions socia le s ou amoureuses tandis que Nicolas Fargues en accélère la fréquence en même temps qu'il campe une Géralde secrètement assai llie de doutes et de complexes. Mais déjà le s relations avec Pierce, l'accueil de sa famille déconcertée, voire gênée par sa couleur et qui ne trouve qu'à s'extasier sur sa coiffure, préfigurent une rupture qui devient inéluctable. Si voilà Géralde de nouveau libre, c'est pour retomber aussitôt dans le s bras d'un journaliste quadragénaire séduisant qui donne une conférence à l'Alliance française de Wellington. Il s'appel le Hadrien Brach-Rousseau, il est blanc.
Dè s lors commence un ballet, un marivaudage qui ne seront pas sans conclusion mais se prolongeront au-delà de cette conclusion, alo rs qu'ils visitent en amoureux les plus beaux paysages de l'île. Un marivaudage étrange, agrémenté d'étreintes torrides, au cours duquel les réserves de Géralde nées de la différence qu'elle pense fondamentale entre eux s'envolent, puis reviennent pour disparaître encore, et revenir sans cesse jusqu'à parfois en faire à ses propres yeux une angry black woman à moins que ce ne soit, à l'inverse, une bounty. Si l'on ajoute à cela que Géralde sauve d'une mort certaine une députée du coin, qu'elle devient de ce fait, le temps d'un emballement des réseaux sociaux, une vedette internationale, et qu'à l'occasion d'un malaise d'Hadrien elle découvre qu'il lui a caché une double vie, tous les ingrédients d'une crise personnelle majeure semblent réunis.
Prenant pour la première fois, et avec quelle réussite, une femme comme personnage principal et narratrice, Nicolas Fargues poursuit et approfondit dans ce nouveau roman sa réflexion sur le s société s, sur la passion, les malentendus amoureux et notre solitude. Il s'attache aussi à analyser avec acuité, humour et cruauté tous les malentendus, toutes les arrière-pensées qui creusent d'infranchissables fossés entre le s cultures et le s origines.
Ce portrait de Géralde m'a touchée, cette jeune française d'origine camerounaise face à ses interrogations et ses questions existentielles, identitaires (sa couleur de peau lui étant sans cesse renvoyée à la figure) et amoureuses. Dans la première partie, cette trentenaire, face à ses nombreux échecs amoureux, se demande « si le grand amour partagé, l'écho des coeurs, le don à deux, la danse en apesanteur, la complicité de l'implicite, la merveilleuse bienveillance : si toute cette bonbonnière de mots n'était au bout du compte qu'un fantasme de petite fille capricieuse et autocentrée ? ». Par peur de la solitude (malgré les réseaux sociaux omniprésents dans sa vie), elle multiplie les mauvaises expériences, même si elle sait d'avance, lucide, qu'elles ne seront que galères, frustrations et déceptions. Géralde a arrêté Tinder : « C'est comme le McDo : tu salives avant et tu regrettes après. » Belle et cultivée, elle s'épuise pourtant à ne croiser que des « Jimmy », des types d'une nuit, d'une semaine, quelques mois au mieux, et désespère de rencontrer un jour un « Jim », « le vrai, le définitif, le solide, l'indubitable ».
Jusqu'à son départ, sur un coup de tête en Nouvelle-Zélande où elle va rencontrer, contre toute attente, Hadrien, un conférencier reporter, et trouver enfin – peut-être – son Jim et le chemin du bonheur. Nicolas Fargues nous offre alors de magnifiques pages sur l'amour, et sur « l'homme » par qui le bonheur peut arriver. « Tout ce que je peux dire, c'est que c'est un homme… Quelqu'un qui, pour une fois, ne te fasse pas entrevoir immédiatement l'envers du décor. Quelqu'un qui te donne envie de lui montrer qui tu es vraiment, pour de bon, sans craindre que tout cela ne tombe dans l'oreille d'un sourd et dans l'oeil d'un borgne. Qui te fasse prendre conscience de tout ce que tu as à donner mais que personne jusqu'ici n'aura su venir chercher… Quelqu'un qui te fasse enfin sentir que tu es de la confiture pour une autre confiture et qu'il est une pantoufle de vair à ton pied. »
« Je vivais ce que toute femme amoureuse rêve de vivre : des sentiments sans cesse confirmés et régénérés par des faits. Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. »
En prime, une belle balade en Nouvelle-Zélande qui donne à Géralde la distance nécessaire pour ouvrir la porte fermée, celle de son coeur immense.
Enfin, pour Nicolas Fargues, se mettre dans la peau d'une femme à la peau noire était un défi audacieux et c'est plutôt réussi. Un roman subtil, très ancré dans la réalité.
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