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Comment se faire un nom ?
Comment émerger de la masse ?
Comment s'arracher à son insignifiance ?
Comment s'acheter une notoriété ?
Comment intriguer, abuser, écraser, challenger ?
Comment mentir sans le paraître ? Comment obtenir la faveur des puissants et leur passer discrètement de la pommade ? Comment évincer les rivaux, embobiner les foules, enfumer les naïfs, amadouer les rogues, écraser les méchants et rabattre leur morgue ? Comment se servir, mine de rien, de ses meilleurs amis ? Par quels savants stratagèmes, par quelles souplesses d'anguille, par quelles supercheries et quels roucoulements gagner la renommée et devenir objet d'adulation ?
S’il n’était autrefois que « la conséquence et non le but d’une œuvre ou d’une action », les priorités se sont aujourd’hui inversées : « Le succès est la nouvelle religion. » C’est lui désormais « le but et non la conséquence », le Graal moderne accessible au plus commun des mortels, pourvu que, même sans talent aucun - « Tout vient prouver, en effet, que le caractère le plus propice au succès est de n’en avoir aucun (talent) et qu’écrire du rien sur du rien (...) ne dessert nullement votre ascension vers les cimes » -, il sache faire siennes certaines règles. Ces règles, Lydie Salvayre les a cyniquement rassemblées en une satire vitriolée, qui, prenant la forme d’un vrai-faux manuel du savoir-réussir, nous renvoie, grotesques Narcisses, à l’inanité de nos impostures.
Ecrivains de tout poil, éditeurs tendant à « privilégier les déjà privilégiés, et à négliger les déjà négligés », journalistes et animateurs dotés de « la désinvolture et de l’élégance crâne d’un Cyril Hanouna », hommes influents qui usent « de leur esprit comme de leur fortune : ne le dépensant que sciemment et à la seule condition qu’il rapporte », ou encore influenceuses « bookstagrameuses » aux « dimensions inversement proportionnelles à celles de l’esprit » et qui vouent « une dévotion toute particulière à leur gueule, à leurs seins, et par-dessus tout à leur cul, qui, comme le rumsteak chez le bœuf, semble constituer à leurs yeux le morceau de choix » : nul n’échappe aux féroces coups de griffe et de plume, gantés d’esprit et d’une élégance d’écriture volontiers désuète, qu’en exutoire à son exaspération et à sa révolte, l’auteur assène avec jubilation, dans un exercice rhétorique aussi sévère que railleur.
Sans même verser dans l’outrance ni la caricature, ses observations caustiques font mouche et construisent un inventaire, ô combien peu flatteur, des différents profils à l’oeuvre dans le monde des livres et de la littérature. Et même si le rire nous emporte, la consternation n’est jamais très loin sous le sarcasme, lorsque tout cela se résume en brochettes d’égos boursouflés, rassemblés en coteries motivées par l’arrivisme bien plus que par la promotion d’oeuvres de qualité, et en un marketing de l’inculture et de la médiocrité, où la notoriété se bâtit sur le brillant de l’apparence et grâce à la supercherie de ces « nouveaux territoires virtuels » où l’on peut « affirmer, sans preuves vérifiables, que vos produits s’arrachent ; les gratifier de vertus qu’ils ne possèdent en rien ; vendre pour authentiques de faux objets de marque ; cameloter la poudre dite de perlimpinpin ; gonfler outrageusement le chiffre de vos likes ; et faire accroire, pour résumer, n’importe quel bobard. »
Alors, comment atteindre au succès quand on est écrivain ? Les recommandations de Lydie Salvayre dans cette parodie de manuel pour les apprentis de la réussite les inciteront peut-être à réviser leurs priorités s’ils n’ont « pas de goût pour le tapin, ni pour les laisses autour du cou » et si, comme Marcel Proust, ils préfèrent penser que « les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie mais de l’obscurité et du silence. » Coup de coeur.
Les mœurs de ce siècle
Tout à la fois pamphlet et pastiche, cet essai de Lydie Salvayre nous propose toutes les recettes pour avoir du succès. Né d’une saine colère, ce petit bijou d’ironie vacharde est admirablement bien ciselé.
Il serait bien dommage de suivre l'ultime conseil de Lydie Salvayre, «jetez au loin ce livre», tant sa lecture est réjouissante. Avec son humour vachard, sa grande érudition et son sens de la formule, son essai vaut vraiment le détour.
S'il ne faut pas hésiter à se plonger dans cet « Irréfutable essai de successologie », c'est d'abord parce que nous avons affaire à un ouvrage littéraire, à un style inimitable, à des phrases ciselées.
Ensuite, parce que ce panorama de notre société, qui fait la part belle au superficiel et à la course à la notoriété, est une mise en garde qu'il ne faut pas négliger. Car qui peut affirmer qu'il n'a jamais vu son visage se refléter dans ce miroir aux alouettes? N'a jamais cédé à la facilité en s'abrutissant devant une émission de télé racoleuse ou en se noyant dans les réseaux sociaux avec une belle collection d'émojis à la clé.
En forçant le trait et en nous encourageant à pousser le bouchon encore plus loin, Lydie Salvayre nous suggère qu'il y a sûrement mieux à faire, même si les miettes butinées sur les réseaux sont «bien plus faciles à digérer qu'un pavé de 600 pages».
Construit comme un vrai-faux manuel de développement personnel, le livre nous propose ses recettes en intertitres et en caractères gras, nous offre la conduite à tenir, le tout complété de quelques remarques très loin d’être anodines.
Bien entendu, ce guide est accompagné de portraits bien sentis de ces champions toutes catégories du succès, à commencer par l’influenceuse qui fait son miel des réseaux sociaux. Suivront le capitaine d’industrie en homme influent, toute une série d’écrivains – un milieu que Lydie Salvayre connaît fort bien, des débutants aux tueurs – les critiques et bien entendu, l’homme politique qui n’est pas avare lui non plus de flagornerie et de compromissions.
On pense bien entendu aux moralistes qui depuis Horace en passant par Rabelais et La Bruyère ont su railler avec talent les mœurs de leurs confrères et de la Cour qui se pressait autour des monarques. On y ajoutera Jonathan Swift qui a soufflé à Lydie son titre en proposant en 1699 un Irréfutable essai sur les facultés de l’âme.
Du coup, comme l’a si bien écrit Frédéric Beigbeder dans le Figaro, «le retour de Lydie Salvayre à la satire est une bonne nouvelle: si elle a envie de stigmatiser le milieu littéraire, cela prouve qu’il existe encore. (…) Son Irréfutable essai de successologie est absolument réjouissant de bout en bout. On en prend tous plein la gueule.» Dans la bibliographie de l’écrivaine, il vient se placer dans la lignée de Quelques conseils utiles aux élèves huissiers (1997) et Portrait de l’écrivain en animal domestique (2007), mais aussi pour la vivacité du style à Rêver debout (2021).
Alors non, il ne faut vraiment pas jeter au loin ce livre à la langue si férocement chatoyante, aux citations habilement semées, à la mauvaise foi si brillamment mise en scène. Il faut le lire et le relire. Car alors nous ferons partie d’une caste bien particulière, celle des «lecteurs véritables», infime partie de la population «qui n’a pas le cerveau saturé d'informations incessantes et sans lien les unes avec les autres» mais garde «un contact intime, direct, charnel, avec les œuvres littéraires».
https://urlz.fr/lm13
Récit, plus journalistique que romanesque qui nous raconte l’histoire du tueur en série Israël Keyes qui a sévit aux états unis dans les années 2010. Une enquête menée à la manière d’un roman policier, avec du suspens, des rebondissements et la preuve que certains individus dont les motivations et le comportement échappent aux standards connus des tueurs en série peuvent passer longtemps entre les mailles du filet et n’être identifiés et alpagués qu’accidentellement.
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