Episode 3 : Des conseils de lecture en tout genre, pour un maximum de plaisir !
Quand Sam Zabriski s'installe à Saint-Airy, dans le logis qu'on y appelle à mi-voix la Maison du Disparu, le destin de ce village champêtre au riche passé historique bascule. Ici, on se méfie un peu des étrangers. Ici, on décatit très bien entre-soi. Ici, on a des certitudes, dont celle que l'humanité se compose d'hommes et de femmes. Point. Or impossible de deviner à quel genre appartient Sam. Il se murmure que l'Escargot, comme on le surnomme rapidement, a fait du théâtre sans doute, été agent secret peut-être.
L'incertitude et l'inconnu dérangent. Les tensions s'aiguisent, la violence monte, le drame couve. Après quelques escarmouches, la guerre est bientôt déclarée. Personne n'en sortira indemne. Roman noir, roman politique, étude de moeurs, Indésirable déroule cinq années de la vie d'un microcosme perturbé par l'arrivée d'un corps étranger. Et forge une langue pour exprimer le dissemblable.
Episode 3 : Des conseils de lecture en tout genre, pour un maximum de plaisir !
Sam Zabriski aime les grosses voitures et rouler vite. Il cherche un endroit où installer sa carcasse au sexe indéterminé, ni lui ni elle, donc iel, lae, pronom et article qui le désigneront tout au long du texte sans souci de la fatigue du lecteur qui ne manquera pas de survenir. Il jette son dévolue sur des vieilles pierres à retaper dans le village de Saint-Ary, bénéficiaire d’un passé historique dont il souhaite contribuer à raviver les couleurs. L’étranger au sexe indéterminé aura bien du mal à se faire accepter par la population, mais c’est sans compter sur sa détermination farouche à bousculer le ronron d’une municipalité qui cède trop volontiers au consumérisme moderne en effaçant sans vergogne toute originalité historique de la cité. Les événements qui adviennent, branquignoles à souhait le propulsent, à l’occasion de nouvelles élections dans la nouvelle équipe municipale qui œuvre à la réhabilitation du passé historique de Saint-Ary.
La difficulté à faire accepter sa différence est patente et la présence de Sam est jugée de plus en plus indésirable par la population, malgré le petit cortège de fidèles qu’il parvient à conquérir. Au cœur de l’actualité de l’écriture inclusive pratiquée ici, ce roman laisse un goût amer d’intolérance pour celuielle qui n’est pas dans la norme.
Indésirable est présenté comme un roman noir, un roman politique et une étude de mœurs. Il déroule cinq années de la vie d’un microcosme perturbé par l’arrivée d’un corps étranger, une personne intersexe au passé flou, qui va tomber sous le charme d'un logis médiéval (toute ressemblance sur ce dernier point avec celui qui a tenu la plume ne serait que fortuite, euh ou pas !). Indésirable est effectivement tout cela à la fois et bien plus encore. C'est un roman singulier, inventif, un poil déjanté. De plus, Erwan a eu une idée de génie en forgeant une langue épicène pour exprimer le dissemblable. Comme la plupart des lecteurs, mes yeux ont buté la première fois, j'ai d'abord cru à une coquille. Puis la retrouvant, je me suis questionnée. Peu à peu les pièces du puzzle se sont assemblées. Dès lors, la coquille est devenue logique. Une évidence. Sam læ personnage centralæ est Indésirable. Iel dérange, divise, vient perturber le village de Saint-Airy qui s'apprête à être connu dans toute la France non pas parce qu'il est une plaque tournante d'un trafic de drogue à grande échelle, mais grâce au tournage de cette merveilleuse émission qu'est "L'amour est dans le pré". Une fierté locale perturbée par l'arrivée de Sam qui ne pense qu'à préserver le patrimoine immobilier. Quel être étrange et ce, à plus d'un titre. D'ailleurs les étrangers ne sont pas les bienvenus à Saint-Airy surtout s'ils bousculent l'entre-soi, l'étroitesse d'esprit et le conservatisme des autochtones. Sam s'en rendra vite compte. Iel va déchaîner les passions, être un catalyseur pour certains. Iel va diviser, des clans vont se former jusqu'au sein du conseil municipal. La singularité de Sam va chahuter tout ce petit monde. Iel est l'élément perturbateur qui va permettre d'observer et d'analyser ce microcosme.
Aucun doute, Erwan Larher est un grand auteur, pour preuve tout au long du roman, il parvient à tenir le cap et à ne jamais "genrer" Sam. Une véritable prouesse. Et comme si cet exploit ne suffisait pas, il nous propose un livre sans style. Attention, pas de méprise, je n'écris pas l'inverse de ce que je viens de déclamer au début de ce paragraphe, je veux juste dire qu'Indésirable embrasse tous les styles. Il m'est revenu en mémoire la citation de Jules Renard, "Le style, c’est l’oubli de tous les styles". Indésirable c'est exactement cela. À quoi bon vouloir faire rentrer ce roman très dense et riche dans une case ? À l'instar de Sam, Indésirable est inclassable. Il oscille entre littérature blanche et noire, roman sociétal et politique, étude de mœurs, thriller, fiction, tous les styles y sont. Il a brassé large Erwan Larher, sans compter les références à ses précédents romans et ceux qui ont fait l'actualité qu'il s'est amusé à glisser, de même que les pointes d'humour et les petits pics de-ci de-là. Indésirable est tout son contraire. Un désirable. Un conseil, lisez-le !
https://the-fab-blog.blogspot.com/2021/06/mon-avis-sur-indesirable-derwan-larher.html
J'ai toujours rêvé de caler « protéiforme » dans une chronique et j'ai trouvé le roman parfait. Avec un « grand » mot comme ça, immédiatement ton petit avis gagne en crédibilité et en légitimité.
Dans « Indésirable », Erwan Larher mélange les fils narratifs et livre un roman protéiforme qui n'entre dans aucune case, si ce n'est celle du roman addictif.
Est-on face à un roman sociétal ? un polar ? une fiction politique ? Peu importe après tout. Peu importe, tout comme le sexe du personnage principal, Sam.
L'installation de Sam dans le village de Saint-Airy va venir remuer bien des choses. Ici tout est un peu figé, très traditionnel, très archaïque même. le conseil municipal fait la pluie et le beau temps, les notables mènent leurs petites magouilles, si besoin on ferme les yeux sur les maris violents, on regarde d'un sale oeil ceux qui mangent bio, etc… Alors l'arrivée de Sam dont on n'arrive pas à savoir si c'est un homme ou une femme, autant vous dire que ça n'a pas fini de faire parler, d'alimenter les conversations au café comme chez la coiffeuse, de perturber l'entre soi et la routine qui convient à certains. Les tensions ne vont faire qu'augmenter pour finir en véritable guerre.
Un roman très riche dans lequel Erwan Larher va intelligemment aborder un large panel de sujets qui font notre époque : l'identité sexuelle, l'altérité, la différence, l'intégration, le changement politique, la possibilité d'une autre forme de gouvernance. Un fourmillement de questions sociétales et politiques qui sont autant de fils conducteurs dans cette histoire qui brouille les pistes en se présentant dans un premier temps comme une simple querelle à Clochemerle.
Rythmé, fin, amusant, insolent, plein de trouvailles, « Indésirables » ne vous lâche pas et nous rappelle au passage que le collectif peut engendrer le pire comme le meilleur.
Impossible de ne pas conclure en parlant de l'écriture et du tour de force de l'auteur qui jamais ne fera de faux pas, jamais ne tranchera entre le « il » et le « elle », choisissant le « iel », déroulant toute la grammaire et la syntaxe qui vont avec.
Saint-Airy, petit village champêtre.
On y boit des coups au Crystal entre vieux amis, on cancane les uns sur les autres, on se réjouit de la célébrité que va bientôt apporter l'émission L'amour est dans le pré. Et on rêve au jour où on aura enfin un McDo !
Alors, quand Sam, au genre pas bien défini, débarque dans leur village, et décide de rénover une maison et de participer à la vie de la commune, autant dire que ça en fait grincer des dentiers !
Dès la description de Sam, je me læ suis imaginæ sous les traits de Job dans Banshee, pour ceux qui ont vu cette excellente série B. La suite de ma lecture m'a souvent amenée à y repenser d'ailleurs.
Les personnages ne sont pas toujours ceux qu'ils paraissent être, le village est en réalité animé par des moteurs aussi différents que l'envie, la trahison, la soif de pouvoir, la quête d'argent, ou encore le besoin d'authenticité, l'altruisme, le désir, le besoin affectif.
Cela-dit, Indésirable ne se limite pas à quelques luttes de pouvoir plus ou moins musclées au sein d'un village rural.
Il aborde aussi et surtout le sujet de la différence, de l'acceptation et de la peur de ce qu'on ne connaît pas. L'obsession à Saint-Airy devient vite de savoir ce que Sam "a entre les jambes" tandis qu'iel refuse de se définir par un genre ou un sexe.
L'étroitesse d'esprit est présente dans les petits villages comme ailleurs et l'auteur la dépeint avec beaucoup de véracité.
Avec Indésirable, je découvrais l'écriture d'Erwan Larher, à défaut de son nom, et j'ai été séduite. J'ai aimé sa manière de manier les mots, en jongleur habile. J'ai aimé plonger dans plusieurs univers lors d'une seule lecture, sans que la cohérence du récit en soit affectée.
L'écriture du genre neutre ne m'a pas dérangée, au contraire, j'en ai découvert les subtilités tout au long du roman et j'ai trouvé cet aspect fascinant, et sa lecture plutôt fluide.
Erwan Larher est un excellent conteur et je n'ai pas boudé mon plaisir durant ces plus de 300 pages que j'ai englouties en quelques heures !
Il n’a fallu que quelques phrases pour être séduite par l’écriture de ce roman.
La rencontre initiale avec le personnage central laisse tout de suite présager une originalité, quelque chose d’indéfini, qui en fait un être singulier. Le doute ressenti à la lecture d’un curieux pronom personnel (une coquille ?…) laisse la place aux interrogations lorsque cette coquille se répéte, et définit ainsi l’ambiguïté de Sam.
Son arrivée dans la bourgade de Saint-Airy ( le clin d’oeil à Martin Mongin est réjouissant), ne passe pas inaperçu. Et lorsque son intention de s’y installer se précise, l’on parle, beaucoup, Clochermerle se réveille, pour le meilleur et surtout pour le pire.
L’intrigue m’a tenue en haleine, sans faillir jusqu’à la fin, soutenue par la magie de l’écriture. De l’écriture inclusive, qui aurait pu être un obstacle mais qui finalement est parfaitement justifiée par le propos, à l’emploi de néologismes, d’adjectifs déclinés en verbe, comme des bijoux dans un coffret.
L'auteur a un talent certain pour insérer des anecdotes à la fois drôles et informatives. Comme l'histoire de la vie de Mark Twain, et de sa relation à la comète de Haley. Et pour éviter l'effet wikipédia, recours au Jeu des Mille Francs !
Brève allusion à la pandémie, qui est une histoire ancienne et donc situe le roman dans un futur proche. De même que la polémique autour des humanoïdes. Et pourtant, on n'a aucune envie de classer le roman dans la catégorie SF.
La psychologie des personnages est subtilement mise en scène et le poids de l’exaltation collective démontre la fragilité de l’opinion personnelle face à l’irruption de sentiments refoulés.
La vie en collectivité dans une petite ville est bien cernée, avec les remous de conseils municipaux à haut risque, et la réputation des absents qui se construit entre les bacs à shampoings et le bar du centre-ville.
Très belle découverte d’un auteur lu pour la première fois mais pas la dernière.
Indésirable Erwan Larher
Saint-Airy, petit village français, conservateur, dans lequel on préfère se retrouver entre natifs du lieu. Là bas, tout ce qui est étranger ou étrange dérange.
Sam y achète une maison qui était à vendre depuis longtemps et cela ne plaît pas à tout le monde. Sam est un être différent, non genré, ce qui questionne et inquiète les habitants du village. Rapidement, deux clans se forment, ceux qui tolèrent, côtoient, voire admirent Sam, et ceux qui lui font porter tout ce qui a changé depuis son arrivée. Au cours du roman, le lecteur découvre Sam, être plein de ressources inattendues.
Un bon roman assez sombre qui aborde des thèmes sociétaux importants . Une écriture agréable et un parti-pris de l'auteur très intéressant pour d'une part faire ressentir aux lecteurs ce que ressent son personnage et aussi pour qualifier le genre neutre assez peu traité en littérature. J'aurais mis cinq étoiles à ce roman poignant mais je n'ai pas aimé la fin, je ne peux m'étendre sans en dévoiler plus que je ne voudrais. A découvrir !
Sam Zabriski traverse le premier chapitre du nouveau roman d'Erwan Larher sans que l'on sache si c'est un homme ou une femme. Par réflexe, je l'ai imaginé homme. Puis, arrivée au troisième chapitre, je suis allée relire le premier pour vérifier et obtenir confirmation : à aucun moment le genre de Sam n'apparaît, une jolie prouesse d'écriture. Par la suite, nous apprendrons que Sam est neutre. Ni homme ni femme. Nous devrons nous adapter aux drôles d'articles et autres terminaisons grammaticales inventées pour permettre à ce genre neutre d'exister. Un peu ahuris, incrédules. Sourire sarcastique au coin des lèvres. Neutre ? Nan mais qu'est-ce qu'il ne va pas nous inventer... Il a fumé la moquette ou quoi ? Neutre, ça n'existe pas ! Et pourtant, Sam débarque bien dans le village de Saint-Airy, en plein cœur de cette France rurale qui oscille entre préservation des vieilles pierres témoins de son riche passé historique et nécessaire adaptation à la vie moderne. Les habitants sont bien moins accueillants que les lecteurs habitués aux facéties de l'écrivain et aux libertés offertes par la fiction, non les habitants ne rigolent pas, étranger et neutre, ça ne colle pas bien avec l'image qu'ils se font de la normalité d'une vie bien tranquille. Peu importe, Sam a l'habitude. Sam se méfie des humains. La chaleur, ce sont les vieilles pierres qui la lui apportent. Et justement, dans le bourg de Saint-Airy c'est le coup de foudre pour celle que l'on appelle La maison du disparu. Sam la ressent au plus profond de son corps, Sam la veut, Sam l'achète, Sam s'installe. Et Sam emmerde pas mal de monde.
Dans ce roman étrange et protéiforme, Erwan Larher fait de Saint-Airy une sorte de laboratoire d'étude de la société française et même de la communauté humaine. Sam est le corps étranger qui vient perturber les petites affaires du clan du pouvoir, un être sans passé, mystérieux et différent. Autour de lui vont se cristalliser toutes les haines, les convoitises et autres intolérances. Mais son arrivée va également influencer les initiatives, donner à certains le courage d'entreprendre et de changer les choses. Ce qui offre à l'auteur l'occasion de développer pas mal de thèmes sociétaux et politiques tout en s'appuyant sur des personnages et une intrigue à haut pouvoir romanesque qui flirte parfois avec le fantastique. Sam Zabriski a des accents du Nicholaï Hel de Trevanian, toutes proportions gardées. Sam est peut-être de ceux qui fuient, comme le fameux Jo qui se cache pas très loin de là (voir Pourquoi les hommes fuient ?), les mafieux ne sont pas l'apanage des grandes villes et les murs de pierres multi centenaires sont de parfaits abris pour les trafiquants en tous genres. Il y a les apparences, celles et ceux qui vont au-delà et les autres. Et dans ce texte foisonnant à la densité aussi intelligente que tourmentée il y a une profonde interrogation sur l'existence et sa réalité. Sur ce qui définit un être vivant. Un genre ? Un passé ? Une appartenance ? Des idées ? Un comportement ?
"Elle a l'impression que ça n'existe pas quelqu'un. Il y a des moments de quelqu'un, des facettes de quelqu'un, des instantanés de quelqu'un. Elle n'est jamais une, elle se sent multiple, mouvante."
Faire un bout de chemin avec Sam est une drôle d'expérience dans laquelle on retrouve avec plaisir quelques ingrédients de l'univers d'Erwan Larher en plus de croiser certains personnages de son précédent roman. A la fois nouvelle et ancrée dans une œuvre qui se construit livre après livre. L'expérience d'un langage, d'une immersion dans un monde parallèle qui ressemble pourtant étrangement au notre. Cette expérience a quelque chose d'un peu désespéré par ce qu'elle reflète de la communauté humaine par le prisme d'un regard devant lequel semblent être passées trop de déceptions. De désillusions. Trop d'articles de journaux sur la Fête des fleurs. Sam a bien raison et je l'adore : "Il faudrait ne pouvoir vivre que des premières fois".
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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