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Anicette était la petite dernière, la jolie poupée choyée par sa famille. Jusqu'au jour où on la surprend en train de commettre le plus indicible des péchés : poser la main sur son corps, se caresser. Petite fille devenue fille perdue, voici l'enfant chassée de sa famille et condamnée à grandir entre les murs de «l'institution». C'est là que des religieuses tentent de chasser le vice du corps et des esprits de ces filles de rien. Celles dont les mères se prostituent, celles qui sont nées de pères inconnus, celles dont le corps ne ressemble pas à ce que l'on attend d'une femme... Et si la foi ne suffit pas, c'est peut-être à Paris, entre les mains des médecins que ces enfants devront être conduites.
Roman construit sur un fond historique passé sous silence, Fille perdue nous parle d'une époque où la morale et la science conjuguaient leurs efforts pour maintenir le joug pesant sur le corps des femmes.
« La petite monte les trois marches de pierre du bureau de la quincaillerie. »
Poignant, « Fille perdue » est une page arrachée du cahier des désespérances. Ce roman social, engagé, lève le voile sur un XIXème siècle encerclé par les aprioris, les conventions. Les femmes dans ces années austères avaient par obligation la posture du silence, les désirs renfloués, le corps effacé. Ne jamais frôler des yeux l’annonce d’une gestuelle déplacée dans cette époque muselière. Mais voilà Anicette (prénom de l’enfant) ressent les prémices d’un printemps en son corps. Elle est vue, montrée du doigt, dénoncée à son père. L’enfance vole en éclat. Anicette est la seule fille dans une fratrie masculine. La quincaillerie familiale est gérée d’une main de fer par son père. Gâtée, heureuse, choyée, Anicette est jusqu’alors bercée par ses peintures, ses dessins, les loisirs d’une fillette épanouie. La famille est aisée, mais la parole des femmes est enfouie sous terre. Mutisme.
« Dans la maison Bru, toutes les voix ont changé. -Ainsi soit-il. Une voiture te conduira demain à l’institution des sœurs. Adieu. »
Son arrière-grand-mère, pour le dernier soir lui implore un ultime dessin. L’enfant ressent l’ombre à venir subrepticement. Le dessin est exutoire, cendres retenues par une arrière-grand-mère avant-gardiste et brillante. Aimante et féministe, le mystère caché dans cette maisonnée pétrie de faux-semblants.
« Et il y a la terrifiante découverte, ceux qui aimaient haïssent. Ceux qui aiment mènent à l’échafaud. Elle avait lu ça dans les livres d’histoire. Des familles soudain déchirées. Fauchées par on ne sait quoi. Par la faute de l’un. La poupée et la vicieuse. »
Anicette et les écritures, la lecture, la peinture, bandeau sur sa mémoire. La voici dans l’antre des Sœurs, vingt fillettes auprès d’elle. La rigueur, la froideur, le spartiate, l’abolition de la libre-pensée, son corps en arrêt de vie. Elle va se lier avec Vinciane. Affronter les affres, l’institution muraille.
« Jure-moi de ne pas m’abandonner. -Je te l’ai juré déjà, Vinciane. -Quoi que tu découvres, jures-moi. »
Vinciane, sa fidèle, cache aussi un lourd secret. Comment ces deux enfants grandissantes peuvent-elles se métamorphoser ? Devenir des femmes, lorsque les aspirations sont reflouées, boue sale devenue. Les religiosités, les mesquines croyances et les tabous trop prégnants effacent tout espoir. « Fille perdue » est un témoignage. Superbement écrit par Adeline Yzac, son olympien apaise les drames. Ces femmes mutilées dans leur chair, le corps caché, linge sale. Anicette est un symbole. Lisez ce grand livre qui rend hommage aux femmes meurtrissures. Mémoriel, douloureux car véridique. La morale bien-pensante, la science aux abois, les femmes au fronton de la parole brisée en mille morceaux. « Fille perdue » est une urgence de lecture. Publié par les majeures Éditions La Manufacture des livres.
Fille perdue d’ Adeline Yzac
Un pan entier de l’histoire des femmes et de la médecine dont on soulève enfin le voile. Cela s’est passé en France mais pas que, au XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle, avant que l’on ne comprenne que ces pratiques étaient barbares et mutilantes. Plus j’avançais dans ma lecture plus je sentais monter en moi le vent de la révolte et du courroux. L’histoire poignante de cette enfant, de cette petite fille qui pour un geste « déplacé » on parle ici de masturbation, vu comme tel à son époque, et dans une famille bourgeoise et moralisatrice, va voir sa vie entière s’effondrer. Anicette va être envoyée dans une « Institution religieuse » une sorte de maison de redressement mais le fait est qu’on se débarrasse d’elle de la pire des manières.
« Vous savez pas, la jolie poupée des Bru, je l’ai trouvée qui s’affairait la main au panier. Et ça y allait ! »
J’ai été un peu surprise du style de l’auteure et je me suis même retrouvée en difficulté parfois mais l’histoire elle-même est tellement bouleversante que c’est rapidement passé au second plan. Une astuce littéraire pour nous plonger dans l’ambiance des années 1800. L’auteure nous raconte au travers d’Anicette et de son amie Vincianne, l’intolérance, l’hypocrisie d’une caste qui se veut bien pensante, j’y trouve surtout une ignorance crasse de l’évolution de l’être humain et un irrespect total de la personne. Je ne peux même pas me consoler en me disant qu’il s’agissait d’une autre époque. Non, parce que, aujourd’hui encore la pratique de l’excision n’a pas disparu. Les temps changent et on n’hésite plus fait appel à la médecine, à la chirurgie pour « corriger » ce qui a besoin de l’être dans les cas de transgenres. On ne confond plus la découverte de son corps chez l’enfant et une soi-disant perversion. Mais toute cette violence faite aux femmes me reste en travers de la gorge. Un livre puissant à découvrir. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2021/05/26/38971914.html
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