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« Et voilà qu'Il éprouvait à présent une passion bien humaine : de la colère mêlée à l'envie de rejeter ses propres fautes sur les autres. C'est qu'après avoir béni tant de membres de son peuple en leur accordant des fils uniques ou des premiers-nés mâles, après avoir donné à Jacob treize enfants, dont douze garçons, il se trouvait que Lui avait eu une fille. » Bonne nouvelle ! Et si l'ange Gabriel avait failli, oubliant de se préoccuper d'un détail anodin : le sexe du divin Enfant ? Voilà ce qui arrive quand on ne fait pas les choses soi-même et qu'on envoie un ange jouer les marieuses. Ainsi naquit Emmanuel, fille de Dieu, dont la vie promet de ne pas être un long fleuve tranquille. Il va lui falloir faire ses preuves auprès de son irascible Père qui est aux cieux, s'imposer en icône révolutionnaire à Jérusalem pour que les prophéties s'accomplissent, malgré l'inénarrable misogynie ambiante et les embûches semées par son frère cadet, Jacob, bientôt connu sous le nom de Jésus...
C'est donc ainsi que la Sainte Trinité devient Tétrade, et que Dieu, dans tout ça, y perd sacrément son latin.
Ce roman est un pari fou relevé avec un talent inouï, un monument irrésistible d'érudition et d'humour.
Evangelia (du grec, bonnes nouvelles) s'ouvre sur la naissance du divin enfant qui doit s'appeler Emmanuel et/ou Jésus mais... Surprise ! Le nouveau-né est une fille. Marie ne se démonte pas pour autant et la prénomme donc tout simplement Emmanuelle. Dépité, Dieu renvoie Gabriel retenter le coup de la fécondation miraculeuse mais à force de cafouillages il finit par se retrouver père de deux enfants, l'un de chair mais pas du bon sexe et l'autre d'essence mystérieuse et dont les tentatives de venue sur terre tournent toujours au fiasco. Et comme si ça n'était pas déjà assez compliqué, Joseph triche en faisant passer son second fils Jacob pour son premier né afin qu'il puisse prendre le rôle de sauveur. Là dessus Jacob, reconnu par Siméon comme l'Oint du Seigneur, décide de se faire appeler Jésus et part comme sa demi-soeur prêcher et faire des miracles à travers le pays. Jusqu'à ce qu'Emmanuelle soit crucifiée puis disparaisse dans la stratosphère…
Diable quelle histoire ! Et que Dieu me pardonne mais j'ai sacrément bien rigolé en découvrant cette réécriture très impertinente des évangiles. C'est tout simplement jubilatoire.
David Toscana y parodie l'histoire de Jésus en racontant les événements connus de tous ou presque, même sans avoir lu la bible, mais appréhendés d'un point de vue humoristique qu'aucun exégète n'oserait envisager. On y rencontre un Dieu pas si puissant que ça, jaloux des poètes grecs qu'il trouve bien meilleurs que lui, un Jésus méchant qui déteste ses disciples, un Saint Esprit pas bien inspiré et bien d'autres joyeusetés du même acabit. C'est tellement drôle que j'ai failli m'étrangler de rire à plusieurs reprises.
Mais j'imagine que Toscana n'a pas écrit Evangelia juste pour amuser ses lecteurs. S'il ne se moque pas, en soulignant les paradoxes et les zones d’ombre de la Bible, source inépuisable d’interprétations, il interroge sur le bien-fondé d'une pensée qui depuis des millénaires s'appuie sur des textes aussi peu crédibles. Et peut-être que son ambition est également de susciter l'envie de lire ou relire le vrai texte qui est considéré comme une grande œuvre littéraire. Le livre de Toscana, lui, est un chef d'œuvre de drôlerie à découvrir absolument !
David Toscana revisite la Bible à sa façon. Ainsi, l'ange Gabriel lors de l'annonciation s'est trompé, il n'a pas accordé sens au sexe de l'enfant et c'est ainsi, dans ce roman, que Marie donne naissance à une fille : Emmanuelle. Cette enfant, devenue femme va devoir faire face à son destin d'élue dans une société très patriarcale, misogyne de cette époque.
Malgré une grande connaissance des textes de l'ancien et du nouveau testament qui composent la Bible, une grande érudition et de beaucoup d'humour, l'auteur n'est pas parvenu à faire vibrer cette femme messie dans ma lecture, à regret. Je l'ai trouvé sans émotion aucune, voilà mon ressenti.
Je me suis quelque peu ennuyée à lire ce livre malgré des débuts prometteurs. Car effectivement l'idée m'a enchantée. Ceci dit, je n'ai rien appris, comme beaucoup de lecteur aucune surprise au final, je m'attendais justement à quelque chose de surprenant, de l'ordre de la farce, mais non l'auteur reste fidèle au texte, à tort ou a raison.
Drôle ? Assurément. Fou ? Indubitablement. Blasphématoire ? Sans doute, s'il est blasphématoire de dire que les femmes n'ont pas de place dans la religion, quelle qu'elle soit. C'est quand même une histoire de mecs dominateurs qui relèguent les femmes au rang de mères -voire carrément de pondeuses puisqu'il faut assurer la descendance et l'influence de la croyance- et d'épouses dévouées, s'occupant des maisons, des enfants, des maris, ... David Toscana insiste évidemment sur l'égalité des sexes et c'est très drôle de lire ce qu'il fait faire et dire à ses personnages ; les hommes sont machistes, veulent le pouvoir, la puissance et jouir du confort, et les femmes prônent l'égalité, veulent qu'on les regarde comme des être humains, histoire de bien se souvenir que l'égalité des sexes est un combat vieux comme le monde loin d'être gagné. Dit comme cela, ça peut paraître un peu léger, mais toute la nuance est dans les personnages secondaires (les apôtres, les disciples, les riches et les pauvres des pays traversés) et dans les réflexions des deux principaux protagonistes, Emmanuelle et Jacob-Jésus.
Il est aussi question de la filiation, de la fraternité et de la sororité, des liens familiaux, et bien sûr de la croyance en un dieu. Je ne suis pas spécialiste de la question, même si j'ai été élevé dans une famille chrétienne. Je me suis émancipé et me considère désormais comme un athée convaincu -j'ai même demandé à être débaptisé, et j'ai réussi à me faire rayer des registres de l'église catholique. Néanmoins, j'ai trouvé intéressantes les questions qu'aborde David Toscana. Son roman est profond, empli d'humanité et irrésistible, certes parfois un peu long et répétitif, mais il lui sera pardonné -ah, les réflexes de l'éducation ! Le romancier aurait pu faire une grosse farce, une pochade, mais il ne tombe pas dans ce piège, il ne cherche ni à démontrer, démonter ou convaincre, il imagine ce qu'aurait pu être une Emmanuelle fille de Dieu. Il peut être cinglant, sensible, il est toujours profondément humain et respectueux des croyances de tous.
Un roman fort drôle mais qui est, vous l'avez compris bien plus que cela, qui pourra faire grincer quelques dents -car s'il parle d'Emmanuelle à la place de Jésus, il est assez aisé de transposer aux autres religions toutes aussi masculines et machistes-, ce seront sans doute les dents de ceux qui restent coincés dans leur vision étriquée du monde et qui ne le regardent qu'au travers du prisme des livres sacrés. Ceux qui ont de la tolérance, de l'humour et qui ont envie que leur religion avance au rythme de la société y verront sans doute une belle matière pour réfléchir.
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