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Alors qu'elle est à peine âgée de trente ans, Euphrosinia Kersnovskaïa voit l'URSS imposer le joug soviétique à la Bessarabie, où sa famille s'est installée après la révolution. Victime de la collectivisation, Euphrosinia perd tout. Très vite, elle est envoyée sur un chantier d'abattage de bois en Sibérie. Elle s'évade, erre des mois seule dans la taïga, puis finit par être arrêtée et condamnée à des années de camp - pour finalement travailler dans des mines de charbon. Une fois libre, elle produit cette oeuvre inouïe : un récit où le témoignage écrit cohabite avec des dessins réalisés sur des cahiers d'écolier - en illustrant elle-même son histoire, elle restitue dans les moindres détails les scènes dont elle a été témoin et auxquelles elle a participé.
Sa destinée s'apparente à celle des plus grandes héroïnes de roman. On se demande avec stupéfaction comment autant d'épreuves et de malheurs peuvent tenir en une seule vie : Euphrosinia affronte les obstacles de sa vie d'un coeur pur et candide, faisant toujours passer les autres avant elle-même. Le dessin, qui aurait pu n'être pour elle qu'un simple passe-temps, devient entre ses mains la lance de Don Quichotte qui lui sert à pourfendre inlassablement le mal.
Écrit à l'insu des autorités, Envers et contre tout est le récit d'un destin hors du commun. Un témoignage fort et inspirant, l'odyssée d'une irréductible qui constitue une source de joie profonde, un antidote aux compromissions et à la peur, au mensonge et à l'oubli.
Euphrosinia Kersnovskaïa est née en 1907 à Odessa. Fille d’un juriste criminologue, toute sa famille doit fuir en Bessarabie suite à la révolution russe.
Mais le joug soviétique s’étendit aussi à cette région: collectivisation forcée puis relégations pour la jeune femme condamnée, enfin, à des années de camp.
Voilà une chronique du goulag différente de celles que j’ai pu lire auparavant. Tout d’abord car elle est écrite par une femme.
Les prisonniers hommes étant une écrasante majorité, les récits traduits reprennent le plus souvent leur point de vue.
Ici, l’expérience montre des pans de la réalité du goulag pour ces dernières comme la prostitution ou la maternité.
Mais ces chroniques sont également remarquables pour les illustrations qui les accompagnent.
Ce récit est une série d’instantanés sur l’expérience d’Euphrosinia, avec à chaque fois une illustration, qu’elle a réalisé, terrible et poignante par l’aspect à la fois doux et naïf du dessin et la réalité qui y est retranscrite. J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail éditorial sur ce livre.
Au fil des pages, on retrouve les ravages de la faim, la déshumanisation de ce monde carcéral. Son iniquité, et sa corruption. Certains passages, avec les dessins correspondants, sont difficilement supportables.
J’aurais néanmoins une réserve à ce récit, que je partage avec Nicolas Werth, auteur de la préface. Le récit est « trop heroïsé ». On a l’impression que seule Euphrosinia résiste et garde une ligne morale irréprochable, malgré la faim. Certains passage semblent plus présent dans un souci romanesque qu’historique.
Mais, mis à part cette réserve, un beau et terrible ouvrage.
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