On ne peut pas lâcher "Cette nuit" le roman de Joachim Schnerf
David Lurie, 52 ans, deux fois divorcé, enseigne à l'université du Cap. Une jeune étudiante, parmi ses nombreuses conquêtes, finit par l'accuser de harcèlement sexuel. Contraint à la démission, David se réfugie auprès de sa fille, Lucy, qui vit dans une ferme isolée. Mais les temps ont changé et sa retraite vire au drame. La bourgeoisie sud-africaine doit payer pour les crimes de l'apartheid.
On ne peut pas lâcher "Cette nuit" le roman de Joachim Schnerf
Intemporelle, éclectique, de nouveaux titres à découvrir ou de grands classiques à relire
Un des « avantages » du confinement (regardons le verre à moitié plein !), c'est que je ne peux plus emprunter à ma médiathèque préférée ni ne reçois de livres de maisons d'édition.
Le moment paraît donc choisi pour lire, enfin, des romans qui sont dans ma PAL depuis parfois bien longtemps.
Mon choix s'est porté sur « Disgrâce » qui m'avait été recommandé par la Kube.
Ecrit en 1999 et publié en France en 2001, ce roman nous raconte le désenchantement et la descente aux enfers de David Lurie. Celui-ci, professeur d'université, divorcé deux fois, la petite cinquantaine a pris l'habitude de rencontres tarifées pour satisfaire ses besoins sexuels. le campus lui a aussi servi pendant très longtemps de terrain de chasse.
Presque par hasard, il jette un soir son dévolu sur une de ses étudiantes, Mélanie Isaacs. Celle-ci ne semble pas réellement consentante et déposera plainte contre lui pour harcèlement.
A ce moment de ma lecture, je me suis dit que l'auteur avait dénoncé, bien avant le mouvement #me too, le harcèlement fait aux femmes. Mais ce n'est pas le seul sujet de ce roman car dans la deuxième partie, après avoir été licencié et déchu de sa position sociale, David Lurie va panser ses plaies chez sa fille Lucy, propriétaire d'une ferme dans le bush.
Là, on découvre avec lui la réalité de la période post-apartheid et le désir de vengeance, non verbalisé mais acté, que des sud-africains ont manifesté à l'égard des blancs.
Même si le désir de réconciliation était très fort chez certains, il reste des barrières entre les deux communautés, notamment au niveau du langage : « de plus en plus, il est persuadé que l'anglais n'est pas le médium capable d'exprimer la vérité de l'Afrique du Sud. de longues suites de mots dans le code anglais, ont perdu leurs articulations, se sont désarticulées, raidies, roidies. Comme un dinosaure qui expire et s'enfonce dans la boue, la langue a perdu sa souplesse. Si elle devait épouser le moule de l'anglais, l'histoire de Petrus en ressortirait percluse, un conte d'antan. »
J'ai aimé lire cet excellent roman même si l'histoire est plutôt déprimante. Ca doit être ça le talent d'un Prix Nobel de Littérature.
J’aime beaucoup les arcs-en-ciel, ce qui n’a rien d’original, n’est-ce-pas ? C’est l’instant magique où une lumière céleste triomphe du mauvais temps qui l’a précédée. On a tous envie de figer cela dans une photographie parce qu’on sait que ça ne durera pas. C’est magique comme ce 24 juin 1995, où à Johannesburg, Nelson Mandela, revêtu du maillot Springbok, remet, dans la liesse générale, la Coupe du monde de rugby à quinze de ses compatriotes blancs (quatorze) et noir (un). Le monde entier découvre alors avec ravissement que les plus longues et terribles tragédies peuvent parfois se terminer en conte de Noël. La nation Arc-en-ciel, inventée par Desmond Tutu, est révélée au monde ce jour-là. Johnny Clegg, le « zoulou blanc » (Asimbonanga, vous vous souvenez ?) et ses musiciens de Savuka font chanter le stade, danser la planète tandis que les dingues de rugby détournent le regard pour essuyer une larme.
Disgrâce date de 1999, la lumière s’est éteinte, Mandela commence à s’effacer, les lourds nuages noirs sont de retour, l’arc-en-ciel n’est plus qu’un souvenir et la nation éponyme voit ses différentes couleurs se séparer à nouveau pour recommencer à se déchirer.
Dans un style froid, sec, distancié qui convient parfaitement au propos, le narrateur nous décrit la rapide descente aux enfers de cet enseignant vieillissant spécialiste de poésie romantique qui ne se résignait pas à renoncer au désir. Il y a bien l’amour tarifé mais si une jeune et jolie étudiante se laissait faire, ce serait tellement mieux… « Elle ne résiste pas. Elle se contente de se détourner. Elle détourne les lèvres, elle détourne les yeux. Elle le laisse l’étendre sur le lit et la déshabiller : elle lui vient même en aide en soulevant les bras et les hanches… Ce n’est pas un viol, pas tout à fait, mais sans désir, sans le moindre désir au plus profond de son être. Comme si elle avait décidé de n’être qu’une chiffe, de faire la morte au fin fond d’elle-même le temps que cela dure, comme un lapin lorsque les mâchoires du renard se referment sur son col. »
C’est mal parti et ça va mal finir. Il y a la civilisation, ses collègues de l’université qui examinent la plainte de l’étudiante, qui condamnent avec formalisme et méthode le plaisir passé d’âge qu’elle avait pourtant laissé passer. Passé un certain âge, un âge certain plutôt, que reste-t-il à celui que les femmes plus jeunes attirent encore ? Offrir de l’argent ou de l’influence. Ce n’est pas moral, il en convient mais… « Est-ce que vous regrettez ? Est-ce que vous regrettez ce que vous avez fait ? Non, dit-il. C’était une expérience enrichissante. » Il avoue, reconnaît son forfait et disparaît. Il se réfugie chez sa fille, dans une ferme isolée, dans un espace où la peur a changé de camp, où les Blancs baissent la tête et rasent les murs comme le faisaient jadis les Noirs. Il y a la manière douce et sournoise du voisin qui étend son domaine et offre sa « protection », et il y a la manière brutale et barbare des trois violeurs. Il s’agit de souiller, de punir, de prendre une revanche. A présent, c’est sa fille qui a subi les derniers outrages (le titre anglais disgrace s’emploie également pour honte, souillure, outrage) et lorsqu’elle fait mine de s’en accommoder, comme le font, partout de par le monde, quelle que soit leur couleur de peau, ceux qui n’ont aucun espoir d’échapper à leurs tourmenteurs, il ne comprend pas, il ne voit pas le parallèle avec l’étudiante qui « avait décidé de n’être qu’une chiffe, de faire la morte ». C’est un roman d’un pessimisme très sombre qui traite des affres de la vieillesse concupiscente, de la solitude et de la violence de la société sud-africaine, à travers les non-dits et les explosions soudaines et brutales de barbarie qui peuvent frapper en totale impunité et à tout moment. Ajoutons-y, pour faire bonne mesure, la souffrance des animaux, innocents entre les innocents dont le sort terrible ne peut être adouci, avant la mort, que par un regard ou un caresse dispensée par celui qui, avant sa chute, ne leur reconnaissait aucun droit, aucune existence et qui, au fond de sa déchéance, dans un monde qui semble retourner à l’âge de fer (la quatrième de couverture qui utilise cette image n’exagère pas), n’a plus qu’eux pour exprimer la tendresse que même sa propre fille refuse. Le roman, qui se termine sur une dernière phrase accablante, est puissant, d’une richesse insoupçonnable au début de la lecture, et marque profondément le lecteur ainsi interpellé sur le monde qui vient et qui risque fort de ressembler peu ou prou à l’ex-nation arc-en-ciel. Ca ne donne pas envie de passer de prochaines vacances en Afrique du Sud mais convainc de poursuivre l’exploration de l’œuvre de J.M Cotzee.
« Il y a dans le désespoir quelque chose qui nous rend incapable d'accepter de l'affection. »
R. Goolrick – Arrive un vagabond.
Les hommes les meilleurs sont ceux qui ont les plus grandes faiblesses, c'est à ça qu'on les reconnaît. Et leur disgrâce les honore. Dieu que c'est bon de lire un roman qui ne se perd pas dans les bons sentiments, un peu plus près de "Lolita", et si loin de TOUS les livres de Douglas Kennedy qu'on suspectera d'avoir puisé chez le sud-africain la thématique récurrente de son oeuvre : la mise en abîme et la déchéance. C'est aussi un tableau réaliste et sans concession d'une Afrique du Sud qui a bien du mal à suivre les recommandations de Nelson Mandela. "Ne tombez pas dans le ressentiment, ne cédez pas à la vengeance, la haine de vos ennemis fera de vous des esclaves". Ah oui, vraiment ? En attendant, les noirs africains violent les filles d'afrikaners et on incinère les chiens dont l'oeil triste devant la mort inspire la plus grande des compassions. Le récit d'une vie bouleversée : pour ceux qui ne voient pas l'histoire les rattraper.
On suit dans ce roman les aventures de David Lurie, personnage insipide qui va être confronté à un monde en plein changement dans l'Afrique du sud post-apartheid. Durant les évènements, il va errer comme un fantôme spectateur de l'injustice des hommes, des différences de générations, de races ou de catégories sociales. Il va alors subir les décisions des autres sans arriver à s'adapter ou à imposer ses choix. Il comprend que les lois ont changé et qu'il doit pâtir de cette nouvelle existence où l'illégalité s'est inversée dans certains milieux ruraux.
J'ai eu beaucoup de mal à avoir de l'empathie pour ce personnage tant sa capitulation est déconcertante mais à travers ces tribulations, JM Coetzee analyse l'Afrique du Sud de cette époque pour mettre le doigt sur une réalité peu ragoûtante. C'est un livre qui agit après sa fermeture et qui apporte plus d'importance aux idées transmises qu'à l'histoire proprement dite.
Avec un écriture agréable, l'auteur nous convie à cette perte d'espoir croissante dans un monde où les puissants ne sont plus les mêmes.
Roman bien écrit et agréable, sans plus. Le personnage principal dont la vie se retrouve dans une impasse tente de normaliser ses relations avec sa fille.
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