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Dans cet hôtel à l'orée de la forêt, trois clients qui ne se connaissent pas, silencieux, solitaires : élisabeth Alione, Max Thor qui la regarde, et Stein qui regarde Max Thor. Plus tard viendront Alissa Thor, puis Bernard Alione...
Fulgurant comme l'amour, silencieux comme la mort, grave comme la folie, âpre comme la révolution, magique comme un jeu sacré, mystérieux comme l'humour, Détruire dit-elle ne ressemble à rien.
Marguerite Duras (1914 - 1996) a publié Détruire dit-elle en avril 1969. Ce sera, la même année, le premier film qu'elle réalisera entièrement. Anne Villelaur dans Les Lettres françaises écrivait que " Détruire dit-elle est le plus étrange des livres de Marguerite Duras. Il ressemble à une cérémonie dont nous ignorerions le rituel et suivrions néanmoins, fascinés, le déroulement ". Et Maurice Blanchot dans L'Amitié : " Détruire. Comme cela retentit : doucement, tendrement, absolument. Un mot - infinitif marqué par l'infini - sans sujet ; une oeuvre - la destruction - qui s'accomplit par le mot même : rien que notre connaissance puisse ressaisir, surtout si elle en attend les possibilités d'action. C'est comme une clarté au coeur ; un secret soudain. Il nous est confié, afin que, se détruisant, il nous détruise pur un avenir à jamais séparé de tout présent ".
Ce roman est complexe, avec des changements de direction amoureuse dont 2 femmes qui s’interpellent. Cela pourrait ressembler à une chaine de Racine : Elisabeth n’aime pas (ou peut-être le docteur), Max est fasciné puis dégoûté par Elisabeth, Alissa est fasciné par Elisabeth et sûrement par son mari Max même si elle lui est infidèle, Stein est fasciné par Alissa que lui offre Max avec le consentement de l’intéressée.
Plus précisément, Elisabeth ALIONE, d’abord imaginée tuberculeuse (mais qui ne l’est pas) est à l’hôtel sans son mari ni sa fille suite à une dépression après une fausse couche et la tentative de suicide d'un prétendant (un médecin). Elle a 18 ans depuis au moins 14 ans (p.28 et 67), ses cheveux sont noirs, elle est maigre, très pâle, avec des yeux bleus qui sont souvent invisibles (elle baisse le regard ou dû à la lumière…). Elle dort beaucoup (calmants, dépression). Cette description physique n’est pas sans rappeler les protagonistes féminins des autres romans de Marguerite DURAS. Cette Elisabeth semble être une DURAS rangée, dévastée par une fausse couche (qu’elle a réellement vécue), éteinte par le mariage et un mari bien sous tous rapports mais qui ne comprend rien et surtout pas elle. Elle est tantôt décrite comme « belle » (p.13), tantôt comme ayant les cheveux qui « ne sont pas beaux, secs » (p.10) jusqu’à « elle est décolorée, vieillie » (p. 14) voire "cette chose-là" (p. 130). Elle fascine Max THOR qui l’approche grâce à sa femme Alissa en lui offrant en échange M. Stein. Pourtant, vers la fin, il semble dégoûté d'Elisabeth.
Alissa THOR est une épouse infidèle avec la complaisance de son mari Max Thor, avec parfois des jeux quelques peu douteux (voyeurisme orchestré pour Stein – p. 52 par exemple). Elle a aussi 18 ans mais depuis 2 ans (p. 134), et elle a les yeux bleus. Avec la complaisance de son mari, elle se laisse séduire et toucher par Stein, tout en étant en recherche de l’interaction avec Elisabeth pour comprendre ce qui peut attirer Max et ce, jusqu'à déclarer avoir du désir pour elle (p. 101, 131). C’est Alissa qui va prononcer ces mots « détruire, dit-elle ». En effet, en entrant en relation avec Elisabeth, elle sonne le glas des couples et de la mascarade sociale. Elle semble être une DURAS jeune, rebelle, libre, pleine de désir.
Il y a une très belle réflexion sur la solitude dû à la différence d’âge car, selon l’ordre des choses, l’un survivra longtemps à l’autre (p.31) : « Sauf pour la fin de ma vie qui sera sans doute solitaire. Mais tu vois, j’ai accepté cet abandon dès le premier jour ». Alissa était étudiante et Max un professeur d’université quadra qui voudrait être écrivain sans réussir à écrire. D’entrée de jeu, la différence d’âge pose la question de la solitude, et non celle de la déchéance physique.
Il y a aussi les peurs d’Alissa qui semble résonner avec celles que Duras a toujours exprimées dans ces œuvres : « Je suis quelqu’un qui a peur, peur d’être délaissée, peur de l’avenir, peur d’aimer, peur de la violence, du nombre, peur de l’inconnu, de la faim, de la misère, de la vérité » (p. 72, p. 95).
Alissa est désignée comme la destructrice tout autant que le fut l’accouchement et la fausse couche : « détruire, dit-elle » (p. 34), « la destruction capitale en passera d’abord par les mains d’Alissa » (p. 59), « Déchirée [Elisabeth], en sang » (p. 62), « la destruction capitale » en lien avec l’accouchement (p. 71).
Dans une deuxième partie, on pourrait comprendre mais sans conviction qu'elle aurait pu détruir le docteur épris d'elle et qui tenta de se suicider.
Le réponse d'Elisabeth m'a beaucoup touchée quand Alissa lui demande "Qu'est-ce que vous allez devenir?" quand Elisabeth sera de nouveau chez elle avec son mari et sa fille, et que cette dernière répond : "Pourquoi ?.... oh... comme avant..." (p. 94). Ce "comme avant", le silence face à la tristesse intérieure, l'obligation sociale, familiale et surtout conjugale de faire comme si de rien n'était.
Ce livre se termine sur une musique tumultueuse : Bach bwv1080/18 et 19 (si j'ai bien compris la phrase "la musique est de Jean-Sébastien Bach. Il s'agit précisément de la fugue n°15de l'Art de la fugue (numérotée 18 ou 19 - d'après la classification de Groeser).
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