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Marguerite Duras

Marguerite Duras

Marguerite Donnadieu est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, dans la banlieue de Saïgon, en Indochine. Son père, Henri Donnadieu, enseigne les mathématiques et fait carrière au Tonkin, en Cochinchine et au Cambodge, et sa mère, Marie Legrand, née dans une ferme de Picardie est institutrice. « Fille d...

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Marguerite Donnadieu est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, dans la banlieue de Saïgon, en Indochine. Son père, Henri Donnadieu, enseigne les mathématiques et fait carrière au Tonkin, en Cochinchine et au Cambodge, et sa mère, Marie Legrand, née dans une ferme de Picardie est institutrice. « Fille de paysans, elle avait été si bonne écolière que ses parents l’avaient laissée aller jusqu’au brevet supérieur. Après quoi elle avait été institutrice dans un village du nord de la France. On était alors en 1899. Certains dimanches, à la mairie, elle rêvait devant les affiches de propagande coloniale : "Jeunes, allez aux colonies, la fortune vous y attend." À l’ombre d’un bananier croulant sous les fruits, le couple colonial, tout de blanc vêtu, se balançait dans des rocking-chairs tandis que les indigènes s’affairaient en souriant autour d’eux. Elle se maria avec un instituteur qui, comme elle, se mourait d’impatience dans un village du Nord, victime comme elle des ténébreuses lectures de Pierre Loti !. » Son père, rapatrié en France pour se faire soigner d’une dysenterie amibienne en 1918. Après son départ, la vie de sa femme et de leurs enfants, Pierre (qu’elle adore), Paul et Marguerite, alors âgée de quatre ans, change dramatiquement : ils ne peuvent plus demeurer dans une maison de fonction luxueuse, et s’installent à Sadec où leur vie, précaire et difficile, devint celle des « petits blancs », guère meilleure que celle des indigènes qui les entouraient, desquels ils se sentaient plus proches que des riches coloniaux. La mère accepte des postes dangereux dans la brousse. Une petite mendiante de dix-sept ans lui donne son bébé malade avant de disparaître, et Marguerite fut terrifiée par ce geste qui résonnera dan son oeuvre. Son père meurt en France le 4 décembre 1921, âgé de 49 ans. Après la mort d’Emile Donnadieu, Marguerite habite - avec sa mère et ses deux frères - en France à Pardaillan près de Duras, où son père possédait une vieille maison de famille. C’est de là que viendra son nom de plume. Marie essaie la viticulture, et le 5 juin 1924 s’embarque pour être affecté à une école de Phnom-Penh, avec Marguerite, ses deux fils, Pierre, l’aîné, et Paulo, le futur Joseph d’Un Barrage contre le Pacifique, pour poursuivre une carrière modeste dans les écoles indigènes. Le 24 décembre, sa mère quitte Phnom-Penh, avec ses trois enfants, pour Vinh Long, une ville située dans le delta du Mékong. Sa mère sollicite une concession au Cambodge, à Prey-Nop (aujourd’hui Sihanoukville), et en décembre 1928 débarque dans cette parcelle de terre si ardemment convoitée. Mais, trop naïve pour voir la corruption de l’administration et comprendre qu’il n’y a pas de concession cultivable sans dessous-de-table, elle perd toutes ses économies et se ruine en construisant des barrages pour protéger en vain ses rizières contre l’envahissement annuel de la mer. Son frère aîné, Pierre, opiomane, la frappe régulièrement, la traumatise sexuellement ; sa mère, dépressive, hystérique, en découd souvent physiquement avec Marguerite. Marguerite et le plus jeune frère vivent librement et jouent avec leurs copains Annamites dans le jungle et les marais du Mékong. A Sadec, elle est obligée de donner des leçons de français et jouer du piano dans un cinéma pour payer l’éducation de ses enfants. Entre-temps elle n’a que peu de temps à leur consacrer, excepté à l’aîné, son préféré. En 1930, à Saigon (aujourd’hui Ho Chi Minh-Ville), Marguerite loge à la pension Lyautey pour suivre des études secondaires au lycée Chasseloup-Laubat. Elle rencontre un jeune et riche chinois qui devient son amant. Elle évoquera cette première aventure amoureuse dans l’Amant. En 1932, c’est le retour définitif en France après le baccalauréat. Elle vit à Paris et poursuit des études de mathématiques, de droit, de sciences politiques. En 1937, elle est employée au Ministère des Colonies. Elle épouse Robert Antelme en 1939. Elle publie en collaboration avec Philippe Roques, une oeuvre de propagande, L’Empire français.Mais Gallimard refuse La Famille Taneran . Elle vit alors au 5, rue Saint-Benoït situé idéalement entre le Café de Flore et Les Deux Magots et dans le climat fiévreux du quartier latin, Sartre établit peu à peu son magistère et Duras, en marge, constitue « le groupe de la rue Saint Benoît ». Edgar Morin, Jean-Toussaint Desanti, Georges Semprun, Georges Bataille, Claude Roy, Maurice Blanchot, Maurice Merleau-Ponty, Clara Malraux, Francis Ponge, Gaston Gallimard... se réunissent effectivement presque tous les soirs au 5 de la rue Saint Benoît chez Duras et son mari Robert Antelme, pour y discuter littérature et politique. On est « ivres de joie » et on est bien souvent ivre tout court. Gin, whisky et rhum ne manquent jamais. A l’époque, Duras est une des seules femmes à boire beaucoup comme les hommes, sans pour autant faire scandale. Pendant l’Occupation, elle travaille dans le “Comité d’organisation du livre” qui, dirigé et surveillé par les Allemands, est chargé de l’attribution du papier aux éditeurs. Son enfant meurt à la naissance en 1942. Son frère Paul meurt à Saigon, ayant été laissé sans médicaments par son frère aîné. Elle rencontre Dyonis Mascolo, qui, comme Robert Antelme, travaille chez Gallimard En 1943, elle publie Les Impudents sous le pseudonyme de Marguerite Duras (du nom d’un village du Sud-Ouest de la France d’où sa famille paternelle est originaire) et rejoint la Résistance, aux côtés de François Mitterrand (dit Morland), avec son mari et adhèrent ensemble avec Mascolo au Mouvement national des prisonniers de guerre. Son mari est arrêté le 1 juin 1944 et déporté à Buchenwald, puis à Dachau. Il échappera de justesse à la mort grâce à François Mitterrand et publiera en 1947 un ouvrage de souvenirs et de réflexions : L’Espèce Humaine. Elle parlera de toute cette période dans La douleur, et donc d’une liaison qu’elle eue avec Charles Delval, agent de la Gestapo, qu’elle torturera à la Libération. Elle adhère au Parti Communiste à l’automne et devient la secrétaire de la cellule de la rue Visconti. Elle publie La vie tranquille. Elle crée un service de recherches des personnes disparues que publie le journal Libres. ’J’ai commencé à boire aux fêtes, aux réunions politiques, d’abord les verres de vin et puis le whisky. Dès que j’ai commencé à boire, je suis devenue une alcoolique. J’ai bu tout de suite comme une alcoolique. J’ai laissé tout le monde derrière moi. J’ai commencé à boire le soir, puis j’ai bu à midi, puis le matin, puis j’ai commencé à boire la nuit. Une fois par nuit, et puis toutes les deux heures. Je ne me suis jamais drogué autrement ». En 1945, elle fonde avec Robert Antelme les Editions de la Cité universelle, qui publient, en 1946, L’An zéro de l’Allemagne d’Edgar Morin, les œuvres de Saint-Just présentées par D. Mascolo et, en 1947, L’Espèce humaine de Robert Antelme. En 1947, elle divorce de Robert Antelme et donne la naissance à Jean Mascolo, dit Outa. En 1950, elle publie Un Barrage contre le Pacifique, récit autobiographique encore empreint de réalisme. Elle envoie sa lettre de démission au Parti communiste après le Coup de Prague. La même année, après la perte du Vietnam comme colonie française, sa mère retourne en France. Grâce au Collège pour Filles qu’elle avait créé à Saigon, sa situation financière s’est améliorée et elle achète un petit château délabré. Ici elle commence un projet d’élevage de poulets, qui échouera par manque de connaissance. Marguerite recommence d’écrire. Elle habite avec Mascolo. En 1952, elle publie Le Marin de Gibraltar, Les Petits Chevaux de Tarquinia en 1953, Des journées entières dans les arbres en 1954, Le square en 1955. En 1957, elle se sépare de Mascolo pour Gérard Jarlot, journaliste, auteur et scénariste. Pendant cette relation elle se met à boire « Et puis à quarante et un ans j’ai rencontré quelqu’un qui aimait vraiment l’alcool, qui buvait chaque jour mais raisonnablement. Très vite je l’ai dépassé ». Quand sa mère décède, en été, la plus grande partie de l’héritage revient à son frère aîné (l’autre frère est décédé pendant la guerre), qui se dépêchera de tout perdre au jeu. Marguerite augmante la cadence. Jarlot ne suit pas, il fait une attaque. Les médecins sont formels : s’il ne renonce pas à l’alcool, la mort l’emportera rapidement. Quant à Duras, dont l’état n’est pas moins piteux, elle refuse d’aller consulter. Elle connait sa première expérience journalistique à France-Observateur. Elle luttera alors contre la poursuite de la guerre d’Algérie et pour le droit à l’insoumission, et contre le pouvoir gaulliste. Marguerite achète une maison à Neauphle-le-Château avec les droits cinématographique du Barrage contre le Pacifique de René Clément, mais elle garde son appartement à Paris. En 1958, elle publie Moderato Cantabile, n" d’une aventure érotique qui la conduit à une crise suicidaire et lui impose le choix d’une " forme d’autant plus rigoureuse que l’expérience (a été) vécue violemment". Elle publie également le scénario de Hiroshima mon amour pour Alain Resnais. En 1960, elle entre au jury du prix Médicis, dont elle démissionne quelques années après. Elle fréquente Maurice Blanchot. A l’automne, elle est parmi les signataires du Manifeste des 121 (proposé par Mascolo, Blanchot et Jean Schuster), qui prennent position contre la guerre d’Algérie. En 1961, elle écrit Une aussi longue absence pour le film d’Henri Colpi. Ce scénario est le fruit d’une collaboration avec Gérard Jarlot, prix Médicis 1963. Sa relation avec Jarlot se termine et Marguerite se sent de plus en plus seule. En 1963 elle achète un autre appartement à Trouville dans la résidence des Roches Noires. En 1962, elle publie L’Après-midi de M. Andesmas. En 1963, à Trouville, Marguerite Duras achète l’appartement 105, au premier étage de l’hôtel des Roches noires où Proust a séjourné soixante-dix ans plus tôt. En 1964, elle publie Le Ravissement de Lol. V. Stein, en 1965 Le Vice-Consul. En 1966, elle coréalise La Musica avec Paul Seba et rencontre avec Delphine Seyrig. Pendant une quinzaine d’années, elle élabore une oeuvre cinématographique hors norme, cohérente, un cinéma de la fascination fondé sur la durée et sur les jeux croisés des voix et de la musique. En 1968, elle participe aux événements de Mai. Dans Les Yeux verts se trouve le texte politique sur la naissance du Comité d’action étudiants-écrivains, texte rejeté par le Comité qui se disloque rapidement. Elle porte au cinéma Détruire, dit-elle en 1969. En 1970, elle publie Abahn Sabana David. En 1971, elle publie L’Amour et réalise Jaune le soleil. Elle signe l’appel du 5 avril 1971 des « 343 salopes » avec entre autres Deneuve, Moreau, Beauvoir, réclamant l’abolition de la loi punissant l’avortement. En 1973, elle réalise La femme du Gange. Elle réalise India Song en 1974 qui obtient le prix de l’Association française des cinémas d’art et d’essai au Festival de Cannes en 1975. En 1975, c’est la rechute. Dépressive, pendant cinq ans, elle se claquemure seule dans sa maison à Neauphle, dans les Yvelines. Dès lors, seules la boisson et l’écriture comptent . Elle écrit ici que l’alcool supprime « l’effroi du face à face » avec elle-même. Elle écrit autre part qu’il prend la place des hommes qu’elle a tant aimés, qu’il remplace « l’événement de la jouissance ». Elle passe des nuits entières dans de sombres cafés des Yvelines à côtoyer des ivrognes. Elle a des caisses entières de vin bon marché chez elle. Les rares fois où elle invite des amis, elle leur demande de taire leurs inquiétudes face à son alcoolisme : « Si vous m’aimez, vous ne voyez rien, vous ne dites rien ». Elle réalise Baxter, Vera Baxter, Son nom de Venise dans Calcutta désert en 1976 et Des journées entières dans les arbres en 1977 qui est récompensé par le prix Jean Cocteau. Elle abandonne le cinéma narratif et dissocie de plus en plus la bande son de l’image, s’acheminant vers un cinéma expérimental, confidentiel où certains décèlent un moment de la modernité. En 1977, elle réalise Le Camion, se consacre régulièrement au cinéma et publie les textes de ses films. Entre 1978, elle tourne Le Navire Night, et fait un voyage en Israël, pays que, dès sa naissance, elle at défendu. Elle y présente avec succès India song et Le camion. Il lui semble revivre l’histoire du Christ en traversant le pays qu’il avait parcouru. À Césarée, lieu qui lui paait sensuel et mystique, elle a un coup de foudre qui l’amene à réaliser Césarée en 1979. Elle réalise également Les Mains négatives, Aurélia Steiner . En 1980, Serge July, rédacteur en chef de Libération offre à Marguerite Duras d’y tenir une chronique quotidienne. Elle ne le fait qu’au cours des trois mois de l’été, une fois par semaine, parlant de tout dans ces textes d’humeur et sont rassemblées dans L’Eté 80. Mélancolique, hagarde, elle prend rendez-vous chez le médecin, sans lui avouer pour autant qu’elle boit litre de vin sur litre de vin. La dépression est manifeste et il lui administre des antidépresseurs. Irresponsable ou suicidaire, elle s’enivre toujours autant tout en suivant son traitement. Résultat : elle fait des syncopes pendant trois jours. Elle est transportée sine die à l’hôpital de Saint Germain en Laye où elle demeure cinq semaines. Après quelques mois d’abstinence, elle sombre une nouvelle fois dans la mélancolie, qui va naturellement de pair chez elle avec l’alcool. A une différence près : elle vit dès lors sa dépression avec Yann Lemée, un homosexuel de 27 ans qui lui a écrit plusieurs lettres et qu’elle invite à Trouville. Elle change son nom en Yann Andréa et il lui reste dévoué jusqu’à la fin. En 1981, elle voyage au Canada pour une série de conférences de presse à Montréal, publie une série d’articles réunis avec Yann Andréa. Elle réalise Agatha ou les lectures illimitées et L’Homme atlantique. Elle entre en cure de désintoxication à l’Hôpital américain de Neuilly en octobre 1982. Yann Andréa publie M.D. Il témoigne dans son livre de leur relation décadente. Du matin au soir, ils boivent. C’est lui qui lui écrit ses textes car Duras tremble trop pour cela. Elle ne change plus de vêtements et marche difficilement, obligée alors de se tenir au mur pour ne pas chuter. Elle vomit les verres de vin du matin et reboit. Elle avoue être en dépression mais ne s’estime pas pour autant malade : « Vous dites : ce n’est pas la peine de m’examiner, je ne suis pas malade, je suis simplement alcoolique, je le sais complètement ». Pendant un temps, n’aimant pas les médecins, elle refuse de se faire soigner : « Vous dites votre méfiance à l’endroit de la médecine.( ...) Vous dites : je ne supporte pas les médecins, personne ne peut rien faire pour moi. Je dois seule décider ». Elle publie L’Homme atlantique et La Maladie de la mort Cependant, elle décide dans un dernier élan de survie de mettre un frein à ce calvaire autodestructeur et accepte de suivre une cure de désintoxication le 18 octobre 1982 à l’hôpital américain. Le traitement est le suivant : deux comprimés de Témesta® et une piqûre de Tranxène® pour dormir ; Aldactone® et Atrium® trois fois par jour. Diagnostic du médecin : la cure se passe bien et Duras remonte la pente plus vite que la moyenne. La cirrhose a été prise à temps. L’ultime stade avait été atteint et seul le sevrage brutal pouvait arrêter la destruction des cellules. Mais son foie est dans un tel état qu’il ne parvient plus à éliminer l’alcool et les toxines médicamenteuses. Aussi le mélange de ces deux éléments provoque chez elle de nombreuses crises délirantes : elle croit voir des poissons dans les bouteilles d’eau et des infirmières en smoking ! A posteriori, elle a très mal vécu sa cure : « Je vais faire un article, je dirai comment c’est effrayant une cure antialcoolique. Je regrette de l’avoir faite ». En 1983, elle réalise Dialogue de Rome. Elle décroche le prix Goncourt pour L’Amant en 1984 et le prix Ritz-Paris-Hemingway en 1986, "meilleur roman publié dans l’année en anglais ". Elle réalise Les enfants . Après avoir obtenu le prix Goncourt elle fait une rechute violente, durant laquelle elle boit 6 à 8 litres de vin par jour En 1985, elle publie La Douleur et prend position dans l’affaire Villemin, qualifiant le meurtre de cet enfant de « sublime ! forcément sublime ! »,ce qui soulève, dans Libération le 17 juillet, l’hostilité d’une partie des lecteurs et la polémique chez plusieurs féministes. Elle tourne Les Enfants. En 1987, elle publie Emily L. et La Vie matérielle dans lequel elle .donne une explication, d’ordre métaphysique, à son alcoolisme profond. Dieu est mort, l’alcool est là comme substitut : « On manque d’un Dieu. Ce vide qu’on découvre un jour d’adolescence, rien ne peut faire qu’il n’ait jamais eu lieu. L’alcool a été fait pour supporter le vide de l’univers, le balancement des planètes, leur rotation imperturbable dans l’espace, leur silencieuse indifférence à l’endroit de votre douleur. L’homme qui boit est un homme interplanétaire. C’est dans cet espace interplanétaire qu’il se meut. C’est là qu’il guette. L’alcool ne console en rien, il ne meuble pas les espaces psychologiques de l’individu, il ne remplace que le manque de Dieu. Il ne console pas l’homme. C’est le contraire, l’alcool conforte l’homme dans sa folie. Aucun être humain, aucune femme, aucun poème, aucune musique, aucune littérature ne peut remplacer l’alcool dans cette fonction qu’il a auprès de l’homme, l’illusion de la création capitale. Il est là pour la remplacer. Et il le fait auprès de toute une partie du monde qui aurait dû croire en Dieu et qui n’y croit plus ». A la fin de 1988, elle doit être hospitalisée et reste dans le coma pendant plusieurs mois. Contre toute attente elle se remet et elle reste optimiste, bien que régulièrement elle ait besoin d’aide respiratoire suite à un emphysème. En 1990, elle publie La Pluie d’été. Robert Antelme meurt. En 1991, elle publie L’Amant de la Chine du Nord, Yann Andréa Steiner en 1992, Ecrire en 1993. En 1994 apparaissent les premières symptômes de déclin et on parle même d’Alzheimer. Les visiteurs sont refusés exceptés les fidèles comme son fils, Yan Andrea, Dionys Mascolo et ses deux soignantes. C’est tout est publié en 1995. Elle meurt à Paris, le dimanche 3 mars 1996, à son domicile parisien, 5 rue Saint-Benoît, à l’âge de 82 ans.

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Avis sur cet auteur (141)

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    Couverture du livre « Un barrage contre le Pacifique » de Marguerite Duras aux éditions Folio

    C. Souli sur Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras

    Je ne pensais pas lire un Marguerite Duras un jour. Un stupide préjugé venu de je ne sais où me faisait imaginer une écriture trop académique ,trop intello et trop destinée aux femmes, pour moi. Pas du tout ! J'ai pris un vrai plaisir à lire ce roman qui révèle un réel style comme seuls les...
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    Je ne pensais pas lire un Marguerite Duras un jour. Un stupide préjugé venu de je ne sais où me faisait imaginer une écriture trop académique ,trop intello et trop destinée aux femmes, pour moi. Pas du tout ! J'ai pris un vrai plaisir à lire ce roman qui révèle un réel style comme seuls les grands auteurs peuvent en développer. Duras est donc bien un grand auteur. C'était déjà établit mais je peux maintenant le confirmer.
    Son écriture paraît maladroite mais ne l'est que pour nous retranscrire la maladresse d'expression et de raisonnement de Suzanne et Joseph qui grandirent presque sans éducation.
    Ce qui est remarquable c'est que les personnages principaux, la mère et ses deux enfants, ne sont pas du tout sympathique. Ils sont méchants, ignobles, amoraux et veinaux. Mais leur misère, leur manque d'éducation, leur isolement, la folie de la mère qui s'explique par les épreuves injustes qu'on lui a imposées et auxquelles elle s'accroche, car c'est tout ce qu'elle a, tout ça fait qu'on ne leur en veut pas vraiment. On les comprend et on les plains.
    Marguerite Duras a su nous faire entrer dans l'état d'esprit de ces personnages par son seul talent d'écriture. Le récit n'est pas complètement linéaire chronologiquement : ça reflète la confusion qui règne dans leur esprit. Il y a de nombreuses répétitions et redondances dans le texte : ça reflète l'obstination, les idées fixes et obsessives de ces personnages.
    Il n'y a qu'une écriture unique et créative comme celle de Duras qui peut faire ressortir tout ça.
    Il y a un autre aspect qui m'a convaincu du talent de l'auteur, c'est qu'elle arrive à faire raisonner et réagir ses personnages masculins réellement comme des hommes. Elle a intégré l'état d'esprit masculin et a su le restituer comme seul un homme peut le faire. En tout cas c'est la seule écrivaine que j'aie lu qui y arrive. Toutes les autres auteurs féminines que j'ai eu entre les mains écrivent comme des femmes et leurs personnages masculins sonnent faux. Ils ont toujours trop de féminité, non pas que ce soit le personnage qui veut ça, mais du fait que l'autrice n'arrive pas à se dépouiller de sa propre féminité pour animer un personnage masculin.
    Voilà mon avis. Je suis content d'avoir pu juger par moi même du grand talent de cet auteur dont je connaissais bien sûr la renommée mais que je n'avais jamais lu ni étudié au lycée par exemple. Je me suis donc fait mon opinion sans influence et c'est assez rare.

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    Couverture du livre « Nathalie Granger ; la femme du Gange » de Marguerite Duras aux éditions Gallimard

    Ophelie GAUDIN sur Nathalie Granger ; la femme du Gange de Marguerite Duras

    Nathalie GRANGER comme La Femme du Gange sont des scénarii. Ce qui les relie aussi c'est la musique (mélodie) de fond : Blue Moon (1961).

    Je m'attendais à ce que Nathalie GRANGER soit une adulte. Il n'en est rien. C'est une enfant de 8 ans, transparente aux yeux de tous : sa mère, sa soeur...
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    Nathalie GRANGER comme La Femme du Gange sont des scénarii. Ce qui les relie aussi c'est la musique (mélodie) de fond : Blue Moon (1961).

    Je m'attendais à ce que Nathalie GRANGER soit une adulte. Il n'en est rien. C'est une enfant de 8 ans, transparente aux yeux de tous : sa mère, sa soeur aînée parfaite (excellente en piano, charmante, proche de l'Amie...), l'Amie de sa mère, son père. Du côté lecteur, elle n'existe quasiment pas non plus car on suit l'apathie de la mère perdue pour elle-même, loin de tout et qui pourtant dit craindre la séparation avec sa fille (Nathalie) qui doit entrer dans un pensionnat privé. En effet, Nathalie est exclue de l'école publique pour violence sur autrui et non investissement scolaire. Toute cette nouvelle est en tension, on perçoit cette violence sourde, froide non pas de l'enfant mais du monde des adultes sur l'enfant. Elle rode et les deux femmes, la mère et l'Amie, sont complètement à l'Ouest et même méchantes / cruelles (cf. l'épisode avec le vendeur de machine à laver à domicile). Nathalie est laissé à l'abandon.
    Certains passages font penser à Moderato Cantabile par rapport à l'enfant et le piano.

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    La Femme du Gange est difficile à lire, complexe. C'est "la maladie de la douleur" (p. 173) à l'état brut où seule la folie semble être l'issue ou bien de pourrir dans la mort. C'est une réécriture de "Le Ravissement de Lol V. Stein" qui s'appuie sur son roman "L'Amour". Il y a L.V.S. qui erre, absente à elle-même, dans la ville de S. Thala. Elle a bien essayé de survivre à l'amour de son fiancé Michael Richardson - qui l'abandonne soudainement pour Anne-Marie Stretter - en se mariant deux fois mais la folie l'a rattrapé. L'amour de ces deux amants (sic dans le livre) qui l'ont exclue violemment lors du bal de S. Thala n'est pas possible. La folie est son seul moyen d'annuler l'issue du bal de S. Thala : l'abandon de son fiancé.

    Le Fou, un amoureux éperdu de L.V.S. qui a connu l'époque du bal, a aussi sombré dans la folie pour ne pas voir que Lola ne l'aimera jamais. Le Voyageur est Michael Richardson qui s'aperçoit que son amour pour Anne-Marie Stretter n'était que le désir transposé de Lola. Il n'arrive pas à ce suicider et il rejoint la Folie.
    Et puis La Femme, cette âme revenante, l'âme échappée du corps de L.V.S probablement, celle qui agit comme un Choeur antique grec, comme celle qui révèle, celle qui n'a pas de repos.

    C'est complexe, terriblement triste. J'ai l'impression d'entendre tout le chagrin que Marguerite Duras n'arrivera pas à verbaliser concernant la perte de son Amant. La folie aurait pu aussi être son issue : l'envahir.

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    Couverture du livre « La douleur » de Marguerite Duras aux éditions Folio

    Rose Chambon sur La douleur de Marguerite Duras

    J'avais assisté à l'interprétation de ce texte par Dominique Blanc, il y a quelques années et j'avais été absolument bouleversée. Cette interprétation reste encore aujourd'hui l'unes de celles qui m'ont le plus touchées.
    J'étais donc dans l'attente de cette hyper émotion et je dois le...
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    J'avais assisté à l'interprétation de ce texte par Dominique Blanc, il y a quelques années et j'avais été absolument bouleversée. Cette interprétation reste encore aujourd'hui l'unes de celles qui m'ont le plus touchées.
    J'étais donc dans l'attente de cette hyper émotion et je dois le confesser, je ne l'ai pas retrouvée.
    Cependant, j'ai vraiment aimé cet angle différent d'approche de l'après-guerre. Ce regard de l'intérieur, la guerre est officiellement terminée pourtant la vie de certaines personnes restent au milieu du guet. Dans cette attente cruelle. Piégées entre la vie pendant cette guerre, l'incertitude de l'immédiat et l'effroi de la gestion de l'après guerre. Un livre sensible, précis et réaliste (réel).
    Une réflexion qui mérite d'être lue.

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    Couverture du livre « L'amour » de Marguerite Duras aux éditions Folio

    Ophelie GAUDIN sur L'amour de Marguerite Duras

    "L'amour" est tout sauf une belle histoire d'amour. Le style est très haché, peu de mots. Il faut bien suivre les descriptions au début, imaginer les lieux, les déplacements car tout va prendre sens petit à petit. Ce n'est pas très accrocheur mais au fil des pages cela va aller mieux : les...
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    "L'amour" est tout sauf une belle histoire d'amour. Le style est très haché, peu de mots. Il faut bien suivre les descriptions au début, imaginer les lieux, les déplacements car tout va prendre sens petit à petit. Ce n'est pas très accrocheur mais au fil des pages cela va aller mieux : les phrases vont être plus construites et fournies.

    Marguerite Duras revisite le Ravissement de Lol V. Stein et imagine une fin des plus glauques :
    - "Lola Stein" (elle n'a pas dans nom dans "Amour") finit à moitié sans domicile fixe à S. Thala et prostituée, errante, suivant le ou les hommes, comme ayant perdue une partie de sa raison, essayant de s'ancrer sans succès dans le sol en plantant ses mains dans le sable
    - l'un des hommes, le Voyageur, est Richardson, l'ancien fiancé de Lola Stein qui l'abandonna lors d'un bal à S. Thala pour partir avec la belle Anne-Marie Stretter
    - Une femme, dont la description tant d'elle-même que de sa maison, fait penser à Anne-Marie Stretter, ayant perdue de sa superbe, sorte de bourgeoise qui traine son spleen, seule, chez elle. Elle en même temps une autre femme: celle du Voyageur, l'officielle.

    Celui que Marguerite Duras appelle le Voyageur, est un homme marié, 3 enfants, qui revient à S. Thala et s'éprend de cette femme qui fait penser à Lola Stein, celle qui l'a aimé il y a 17 ans et qu'il a abandonné après un bal pour suivre Stretter. Il n'arrive pas à envoyer la lettre à sa femme pour lui dire de ne pas le rejoindre et passer à l'acte (sexuel) avec "Lola" qui lui a fait passer l'envie de mourir (il est venu à S. Thala pour se suicider).

    Pendant ce temps, "Lola" suit comme un chien le Marcheur (un homme de S. Thala). Ils ont tous les deux les mêmes dialogues régulièrement et font l'amour derrière la digue, là où le Voyageur a été crier un soir (ce qui rappelle le cri de Lonsdale dans India Song). Ils sont aussi tous les deux pyromanes.

    Et puis tout à coup, à la page 87, l'histoire se modifie et la femme du Voyageur avec les enfants surgit. C'est un beau moment sur l'impossibilité de verbaliser d'un homme dans la rupture et dans son indécision à se suicider (par médicaments semble-t-il dans son projet initial). On devine, à la fin de l'oeuvre, qu'il regrette d'avoir abandonné Lola pour Stretter. Sa femme crie, de folie, de désespoir, pendant qu'un incendie ravage une partie de S. Thala (incendie allumé par "Lola" jalouse) et que les enfants reçoivent la nouvelle de la séparation de leurs parents de manière froide.

    De nouveau, le livre se recentre sur la femme et les deux hommes (le Voyageur et le Marcheur). A la p.124, le titre "Amour" est explicité : "Lola" est enfermée dans sa folie et repense à son amour pour Richardson (le Voyageur) avant la séparation suite au bal à S. Thala. C'est un mot qu'elle dit, comme une incantation, une folie, un désir impossible. "Il n'est plus là. Elle est seule sur le sable au soleil, pourrissante, chien mort de l'idée" (p. 125)

    Ce n'est pas le livre le plus facile d'accès de Marguerite Duras. Toutefois, au fil de l'avancée de l'histoire, on veut savoir où toute cette folie et cette destruction au nom de "l'amour" peut conduire.
    __________________

    "Vous n'ont plus, vous n'avez plus rien maintenant" - p. 102 de l'édition brochée de 1971 (la femme au Voyageur après sa séparation avec sa femme et ses enfants). Ces femmes de Duras qui sont vidées et qui détruisent tout autour d'elles... Un leitmotiv.

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