Et si vous pouviez y trouver vos prochaines lectures ?
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Objet esthétique, thématique pointue, le beau livre retient toujours l'attention et notamment lors de périodes de fêtes, propice à un cadeau de qualité. Aussi, en cette fin d'année, nous avons demandé à Karine Henry, libraire...
Et si vous pouviez y trouver vos prochaines lectures ?
Merci à Jean-Paul pour ses impressions, ses rencontres, ses Correspondances
Objet esthétique, thématique pointue, le beau livre retient toujours l'attention et notamment lors de période de fêtes, propice à un cadeau de qualité.
Je ne pensais pas lire un Marguerite Duras un jour. Un stupide préjugé venu de je ne sais où me faisait imaginer une écriture trop académique ,trop intello et trop destinée aux femmes, pour moi. Pas du tout ! J'ai pris un vrai plaisir à lire ce roman qui révèle un réel style comme seuls les grands auteurs peuvent en développer. Duras est donc bien un grand auteur. C'était déjà établit mais je peux maintenant le confirmer.
Son écriture paraît maladroite mais ne l'est que pour nous retranscrire la maladresse d'expression et de raisonnement de Suzanne et Joseph qui grandirent presque sans éducation.
Ce qui est remarquable c'est que les personnages principaux, la mère et ses deux enfants, ne sont pas du tout sympathique. Ils sont méchants, ignobles, amoraux et veinaux. Mais leur misère, leur manque d'éducation, leur isolement, la folie de la mère qui s'explique par les épreuves injustes qu'on lui a imposées et auxquelles elle s'accroche, car c'est tout ce qu'elle a, tout ça fait qu'on ne leur en veut pas vraiment. On les comprend et on les plains.
Marguerite Duras a su nous faire entrer dans l'état d'esprit de ces personnages par son seul talent d'écriture. Le récit n'est pas complètement linéaire chronologiquement : ça reflète la confusion qui règne dans leur esprit. Il y a de nombreuses répétitions et redondances dans le texte : ça reflète l'obstination, les idées fixes et obsessives de ces personnages.
Il n'y a qu'une écriture unique et créative comme celle de Duras qui peut faire ressortir tout ça.
Il y a un autre aspect qui m'a convaincu du talent de l'auteur, c'est qu'elle arrive à faire raisonner et réagir ses personnages masculins réellement comme des hommes. Elle a intégré l'état d'esprit masculin et a su le restituer comme seul un homme peut le faire. En tout cas c'est la seule écrivaine que j'aie lu qui y arrive. Toutes les autres auteurs féminines que j'ai eu entre les mains écrivent comme des femmes et leurs personnages masculins sonnent faux. Ils ont toujours trop de féminité, non pas que ce soit le personnage qui veut ça, mais du fait que l'autrice n'arrive pas à se dépouiller de sa propre féminité pour animer un personnage masculin.
Voilà mon avis. Je suis content d'avoir pu juger par moi même du grand talent de cet auteur dont je connaissais bien sûr la renommée mais que je n'avais jamais lu ni étudié au lycée par exemple. Je me suis donc fait mon opinion sans influence et c'est assez rare.
Nathalie GRANGER comme La Femme du Gange sont des scénarii. Ce qui les relie aussi c'est la musique (mélodie) de fond : Blue Moon (1961).
Je m'attendais à ce que Nathalie GRANGER soit une adulte. Il n'en est rien. C'est une enfant de 8 ans, transparente aux yeux de tous : sa mère, sa soeur aînée parfaite (excellente en piano, charmante, proche de l'Amie...), l'Amie de sa mère, son père. Du côté lecteur, elle n'existe quasiment pas non plus car on suit l'apathie de la mère perdue pour elle-même, loin de tout et qui pourtant dit craindre la séparation avec sa fille (Nathalie) qui doit entrer dans un pensionnat privé. En effet, Nathalie est exclue de l'école publique pour violence sur autrui et non investissement scolaire. Toute cette nouvelle est en tension, on perçoit cette violence sourde, froide non pas de l'enfant mais du monde des adultes sur l'enfant. Elle rode et les deux femmes, la mère et l'Amie, sont complètement à l'Ouest et même méchantes / cruelles (cf. l'épisode avec le vendeur de machine à laver à domicile). Nathalie est laissé à l'abandon.
Certains passages font penser à Moderato Cantabile par rapport à l'enfant et le piano.
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La Femme du Gange est difficile à lire, complexe. C'est "la maladie de la douleur" (p. 173) à l'état brut où seule la folie semble être l'issue ou bien de pourrir dans la mort. C'est une réécriture de "Le Ravissement de Lol V. Stein" qui s'appuie sur son roman "L'Amour". Il y a L.V.S. qui erre, absente à elle-même, dans la ville de S. Thala. Elle a bien essayé de survivre à l'amour de son fiancé Michael Richardson - qui l'abandonne soudainement pour Anne-Marie Stretter - en se mariant deux fois mais la folie l'a rattrapé. L'amour de ces deux amants (sic dans le livre) qui l'ont exclue violemment lors du bal de S. Thala n'est pas possible. La folie est son seul moyen d'annuler l'issue du bal de S. Thala : l'abandon de son fiancé.
Le Fou, un amoureux éperdu de L.V.S. qui a connu l'époque du bal, a aussi sombré dans la folie pour ne pas voir que Lola ne l'aimera jamais. Le Voyageur est Michael Richardson qui s'aperçoit que son amour pour Anne-Marie Stretter n'était que le désir transposé de Lola. Il n'arrive pas à ce suicider et il rejoint la Folie.
Et puis La Femme, cette âme revenante, l'âme échappée du corps de L.V.S probablement, celle qui agit comme un Choeur antique grec, comme celle qui révèle, celle qui n'a pas de repos.
C'est complexe, terriblement triste. J'ai l'impression d'entendre tout le chagrin que Marguerite Duras n'arrivera pas à verbaliser concernant la perte de son Amant. La folie aurait pu aussi être son issue : l'envahir.
J'avais assisté à l'interprétation de ce texte par Dominique Blanc, il y a quelques années et j'avais été absolument bouleversée. Cette interprétation reste encore aujourd'hui l'unes de celles qui m'ont le plus touchées.
J'étais donc dans l'attente de cette hyper émotion et je dois le confesser, je ne l'ai pas retrouvée.
Cependant, j'ai vraiment aimé cet angle différent d'approche de l'après-guerre. Ce regard de l'intérieur, la guerre est officiellement terminée pourtant la vie de certaines personnes restent au milieu du guet. Dans cette attente cruelle. Piégées entre la vie pendant cette guerre, l'incertitude de l'immédiat et l'effroi de la gestion de l'après guerre. Un livre sensible, précis et réaliste (réel).
Une réflexion qui mérite d'être lue.
"L'amour" est tout sauf une belle histoire d'amour. Le style est très haché, peu de mots. Il faut bien suivre les descriptions au début, imaginer les lieux, les déplacements car tout va prendre sens petit à petit. Ce n'est pas très accrocheur mais au fil des pages cela va aller mieux : les phrases vont être plus construites et fournies.
Marguerite Duras revisite le Ravissement de Lol V. Stein et imagine une fin des plus glauques :
- "Lola Stein" (elle n'a pas dans nom dans "Amour") finit à moitié sans domicile fixe à S. Thala et prostituée, errante, suivant le ou les hommes, comme ayant perdue une partie de sa raison, essayant de s'ancrer sans succès dans le sol en plantant ses mains dans le sable
- l'un des hommes, le Voyageur, est Richardson, l'ancien fiancé de Lola Stein qui l'abandonna lors d'un bal à S. Thala pour partir avec la belle Anne-Marie Stretter
- Une femme, dont la description tant d'elle-même que de sa maison, fait penser à Anne-Marie Stretter, ayant perdue de sa superbe, sorte de bourgeoise qui traine son spleen, seule, chez elle. Elle en même temps une autre femme: celle du Voyageur, l'officielle.
Celui que Marguerite Duras appelle le Voyageur, est un homme marié, 3 enfants, qui revient à S. Thala et s'éprend de cette femme qui fait penser à Lola Stein, celle qui l'a aimé il y a 17 ans et qu'il a abandonné après un bal pour suivre Stretter. Il n'arrive pas à envoyer la lettre à sa femme pour lui dire de ne pas le rejoindre et passer à l'acte (sexuel) avec "Lola" qui lui a fait passer l'envie de mourir (il est venu à S. Thala pour se suicider).
Pendant ce temps, "Lola" suit comme un chien le Marcheur (un homme de S. Thala). Ils ont tous les deux les mêmes dialogues régulièrement et font l'amour derrière la digue, là où le Voyageur a été crier un soir (ce qui rappelle le cri de Lonsdale dans India Song). Ils sont aussi tous les deux pyromanes.
Et puis tout à coup, à la page 87, l'histoire se modifie et la femme du Voyageur avec les enfants surgit. C'est un beau moment sur l'impossibilité de verbaliser d'un homme dans la rupture et dans son indécision à se suicider (par médicaments semble-t-il dans son projet initial). On devine, à la fin de l'oeuvre, qu'il regrette d'avoir abandonné Lola pour Stretter. Sa femme crie, de folie, de désespoir, pendant qu'un incendie ravage une partie de S. Thala (incendie allumé par "Lola" jalouse) et que les enfants reçoivent la nouvelle de la séparation de leurs parents de manière froide.
De nouveau, le livre se recentre sur la femme et les deux hommes (le Voyageur et le Marcheur). A la p.124, le titre "Amour" est explicité : "Lola" est enfermée dans sa folie et repense à son amour pour Richardson (le Voyageur) avant la séparation suite au bal à S. Thala. C'est un mot qu'elle dit, comme une incantation, une folie, un désir impossible. "Il n'est plus là. Elle est seule sur le sable au soleil, pourrissante, chien mort de l'idée" (p. 125)
Ce n'est pas le livre le plus facile d'accès de Marguerite Duras. Toutefois, au fil de l'avancée de l'histoire, on veut savoir où toute cette folie et cette destruction au nom de "l'amour" peut conduire.
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"Vous n'ont plus, vous n'avez plus rien maintenant" - p. 102 de l'édition brochée de 1971 (la femme au Voyageur après sa séparation avec sa femme et ses enfants). Ces femmes de Duras qui sont vidées et qui détruisent tout autour d'elles... Un leitmotiv.
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