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«J'ai retrouvé ce journal dans deux cahiers des armoires bleues de Neauphle-le-Château.Je n'ai aucun souvenir de l'avoir écrit.Je sais que je l'ai fait, que c'est moi qui l'ai écrit, je reconnais mon écriture et le détail de ce que je raconte, je revois l'endroit, la gare d'Orsay, les trajets, mais je ne me vois pas écrivant ce Journal. Quand l'aurais-je écrit, en quelle année, à quelles heures du jour, dans quelles maisons? Je ne sais plus rien. [...]Comment ai-je pu écrire cette chose que je ne sais pas encore nommer et qui m'épouvante quand je la relis. Comment ai-je pu de même abandonner ce texte pendant des années dans cette maison de campagne régulièrement inondée en hiver.La douleur est une des choses les plus importantes de ma vie. Le mot «écrit» ne conviendrait pas. Je me suis trouvée devant des pages régulièrement pleines d'une petite écriture extraordinairement régulière et calme. Je me suis trouvée devant un désordre phénoménal de la pensée et du sentiment auquel je n'ai pas osé toucher et au regard de quoi la littérature m'a fait honte.»Marguerite Duras.
J'avais assisté à l'interprétation de ce texte par Dominique Blanc, il y a quelques années et j'avais été absolument bouleversée. Cette interprétation reste encore aujourd'hui l'unes de celles qui m'ont le plus touchées.
J'étais donc dans l'attente de cette hyper émotion et je dois le confesser, je ne l'ai pas retrouvée.
Cependant, j'ai vraiment aimé cet angle différent d'approche de l'après-guerre. Ce regard de l'intérieur, la guerre est officiellement terminée pourtant la vie de certaines personnes restent au milieu du guet. Dans cette attente cruelle. Piégées entre la vie pendant cette guerre, l'incertitude de l'immédiat et l'effroi de la gestion de l'après guerre. Un livre sensible, précis et réaliste (réel).
Une réflexion qui mérite d'être lue.
Je referme le tatoueur d'Auschwitz et j'ouvre La douleur. J'ignore ce qui m'attend. Je le soupçonne. Je le soupconne par ma connaissance des oeuvres de Duras. Par l'écho de son écriture dans ma vie.
Je le soupçonne mais je ne sais rien encore.
Je m'assois comme à ses pieds. Petite fille emmitouflée. J'entends la guerre. La même. Mais plus bruyante. Violente. Inique. Vivante...
Pas de mots. Pas d'autres mots que ceux de Duras. Comme des obus qui claquent. du fracas, partout. Jusque dans ma gorge. Déglutir. Deglutir des sanglots comme Duras boit le rhum, à même ses cris.
Je m'assois comme à ses pieds. Aux pieds de la guerre.
Et comme Duras, j'attends. J'apprends à attendre. le retour de ceux qu'on aime. Et des autres aussi. Avant ils étaient des étrangers. Maintenant on sait. Ceux qui attendent et ceux qui meurent. En Europe, il n'y a plus de patrie.
Il y a ceux qui attendent ceux qui meurent.
Duras attend Robert.
J'attends Robert.
Je sais la guerre. Elle est au fond de ma gorge.
Je sais la douleur.
Je la connais toute entière, emmitouflée dedans. Aux pieds de Duras.
Émerveillée.
Je referme le tatoueur d'Auschwitz et j'ouvre La douleur. J'ignore ce qui m'attend. Je le soupçonne. Je le soupconne par ma connaissance des oeuvres de Duras. Par l'écho de son écriture dans ma vie.
Je le soupçonne mais je ne sais rien encore.
Je m'assois comme à ses pieds. Petite fille emmitouflée. J'entends la guerre. La même. Mais plus bruyante. Violente. Inique. Vivante...
Pas de mots. Pas d'autres mots que ceux de Duras. Comme des obus qui claquent. du fracas, partout. Jusque dans ma gorge. Déglutir. Deglutir des sanglots comme Duras boit le rhum, à même ses cris.
Je m'assois comme à ses pieds. Aux pieds de la guerre.
Et comme Duras, j'attends. J'apprends à attendre. le retour de ceux qu'on aime. Et des autres aussi. Avant ils étaient des étrangers. Maintenant on sait. Ceux qui attendent et ceux qui meurent. En Europe, il n'y a plus de patrie.
Il y a ceux qui attendent ceux qui meurent.
Duras attend Robert.
J'attends Robert.
Je sais la guerre. Elle est au fond de ma gorge.
Je sais la douleur.
Je la connais toute entière, emmitouflée dedans. Aux pieds de Duras.
Émerveillée.
De Marguerite Duras, je n’avais lu que "l’Amant" (Prix Goncourt 1984). Qu’on aime ou pas, elle ne laisse en aucun cas indifférente...
A la lecture de ce recueil, écrit à partir d’un journal tenu par Marguerite D. à l’arrestation de son mari en 44, je suis restée … soufflée, sidérée et sous le choc.
Ces livres que l’on referme mais qui vous reste en tête et dans le cœur des jours, des années… Un chef d’œuvre en somme. Ce livre je ne pouvais pas le chroniquer ni à chaud, ni après… ce fut long, très long à assimiler. Toute cette horreur, l’indicible...
Même si des polémiques se sont élevées à l’époque de sa parution (doute sur la véracité du récit) il n’en reste pas moins que ces choses ont existé et peu importe si Duras l’a romancé après coup. D’ailleurs peut-on parler de « romance » ???!!!
Même si elle a retranscrit le réel en le modifiant, et quand bien même ? Elle nous dit bien qu’il s’agit un livre écrit « à partir » d’un journal écrit « à l’époque » et dont elle ne se souviens pas l’avoir écrit ? Donc il y a fatalement, réinterprétation… je le répète : et quand bien même … cela reste un témoignage fort, dénué de sensibilité certes, mais saisissant, ce qui donne une profondeur particulière au récit.
Les phrases succinctes, brèves, brusques, syncopées et sans apparat contribue à l’effet « choc ». Elle nous balance l’horreur en pleine figure. C’est un récit de l’attente, d’une longue attente. Les trajets, les va-et-vient de son appartement à la Gare d’Orsay et de son appartement à l’hôtel Lutétia aussi.
J’ai reçu les mots comme des coups de poings. Ces mots qui claquent comme des coups de fusil marquent votre esprit, durablement. Un condensé brut d’émotions qu’elle n’exprime pourtant pas. Parce que la « douleur » est au-delà des mots.
J’ai attendu de prendre de la distance. De laisser les émotions fortes retomber un peu. J’ai attendu 12 ans… eh, oui, 12 années pour réussir à avoir la tête à peu près froide et pour être capable de parler de cet écrit. Livre peut être lu trop jeune… et qui m'a fait l'effet d'une déflagration.
Oui, ce livre m’a terrassée, me laissant horrifiée. La force du propos vous gifle et vous laisse K.O. scotchée et même pire.
C’est une œuvre féroce et terriblement « humaine » dans la déshumanisation ». Souffrances physiques, souffrances morales et la redondance des termes scatologiques entre pour beaucoup dans la violence que produit le texte.
La minutie des descriptions de toutes les étapes endurées par son mari (la nourriture, les excréments) et par elle par contrecoup est éprouvante. C'est un lent et difficile chemin vers la « résurrection » où rien ne nous est épargné à la limite du tolérable parfois. C’est déchirant d’impuissance.
S’agit-il d’exorciser la douleur en la couchant sur du papier, en la nommant dans toute son ignominie avec la plus grande impudeur. Transformer la douleur en spectacle pour en déplacer la source puis l’oublier (c’est la raison pour laquelle elle ne se souvient pas de ce journal ?).
Marguerite Duras fait partie du courant néo-réaliste avec un style d’écriture bien particulière. Ses phrases déstructurées, épileptiques, spasmodiques, saccadées nous fait penser à du langage vernaculaire (langage parlé par une communauté - qu’elle seule connaitrait...), où l’espoir est martelé comme un mantra puis succède au désespoir ou entre désespérance et espoir dans la même phrase. Parfois même il n'y a pas d’alternance, c’est les deux à la fois simultanément.
Ceci relève d’un très grand modernisme pour l’époque où les romans « classiques » ne marquent pas de discontinuité dans le temps, entre autres.
Ce style révolutionnaire (révolution du style dit classique) n’est pas compris par tous (et jusqu’à maintenant). De même que ses prises de position ultérieures feront débat. Son alcoolisme avéré n’aidera pas non plus. Elle reste cependant une grande femme de lettres contemporaine complètement avant-gardiste et novatrice.
Ce récit est suivi de cinq autres nouvelles sur les réseaux de résistance, l'épurement forcené et aveugle (tuer tous au moindre soupçon – comme en 1789 !) exprime le besoin de vengeance. Ces nouvelles parlent des persécutés et des délaissés. Un condensé des différentes facettes de la guerre, un panel de situations aussi bien du côté des « vainqueurs » que des « vaincus ».
Fiction ou non, ou en partie, ça reste et restera une œuvre majeure à mon sens.
D'autres choniques sur mon site: bouquinista.net
Ayant vu et aimé le film, je dois bien reconnaître que j’ai ouvert le livre parce qu’on me l’a tendu. Mais quelle erreur aurai-je commise si je n’avais pas suivi ce geste ! Je connaissais l’histoire, je savais ce que la période de fin de la seconde guerre mondiale avait dévoilé d’atrocités, notamment les souffrances des déportés sans ignorer les affaires troubles qui s’étaient tramées au sein des réseaux de la Résistance.
Mais que la plume de Marguerite Duras avait du talent pour raconter et faire naître les frissons de la douleur !
Résistants dans le réseau Morland, le 1er juin 1944, Robert L. mari de la narratrice, est arrêté par La Gestapo. Dans l’attente d’un improbable retour, elle déploie toutes ses forces et son imagination pour savoir. L’état des soldats épargnés parlent d’eux-mêmes des conditions de leur détention, la découverte des charniers dans les camps… oui, la littérature transmet toujours les messages de l’horreur, mais c’est d’autant plus émouvant lorsque l’écriture parle vraie.
Dans ce journal retrouvé, Marguerite Duras emploie des mots simples et justes, écrit de courtes phrases pour marteler les faits, accentuer la douleur dévastatrice de l’attente, du questionnement, de la séparation, de l’espoir furtif suivi du plus profond désespoir…
Outre l’expression forte d’une foule de sentiments, le lecteur est plongé dans le contexte troublant de l’Occupation et les agissements de l'humain, que seule pareille époque peut envisager sans jamais toutefois justifier.
Objet littéraire ou objet de mémoire ? « la douleur » est le livre de Marguerite Duras à lire à tout prix.
Ce livre se compose de plusieurs récits se déroulant tous à l'époque de la seconde guerre mondiale. Il est relativement difficile de les englober dans un même avis parce que leur intensité, et à mon avis, leurs qualités, ne sont pas comparables. Certains m'ont laissée de marbre mais il est vrai qu'il était très difficile de passer après La Douleur, le premier texte, qui traite de l'attente de Marguerite Duras à la fermeture progressive des camps et au retour des déportés, puis de ce qui se produit après le retour de celui qu'elle attend. Ce texte est très fort et émouvant. Je pourrais en citer de longs extraits et il m'est difficile de choisir. En tant que membre du PC, avec lequel on sent pourtant qu'elle a récemment pris de la distance, elle critique De Gaulle et ne pardonne ni sa phrase, "Les jours des pleurs sont passés. Les jours de gloire sont revenus", ni son silence sur les camps. Elle s'interroge sur la nationalité allemande:
On est étonné. Comment être encore Allemand? On cherche des équivalences ailleurs, dans d'autres temps. Il n'y a rien. D'autres resteront éblouis, inguérissables. Une des plus grandes nations civilisées du monde, la capitale de la musique de tous les temps vient d'assassiner onze millions d'êtres humains à la façon méthodique, parfaite, d'une industrie d'état.
La scène au cours de laquelle les deux amis de Robert Antelme (appelé ici Robert L. pour une raison que je ne m'explique pas), habillés en vêtements militaires, l'un vêtu d'ailleurs du costume de colonel de Mitterand, alias François Morland, son nom de résistant, viennent le chercher dans les camps, l'habillent en soldat et le soutiennent pour qu'il puisse sortir du camp avant que la mort ne le prenne est d'une force incroyable. Puis, il y a les retrouvailles avec cet être qui ne ressemble plus à celui qui est parti, ce qui rappelle immanquablement un passage fort de L'Espèce Humaine, qu'écrira Robert Antelme, et cette lutte avec la mort pendant des semaines, réapprendre à manger sans en mourir, et ces passages indispensables car extrêmement parlants sur les excréments de Robert:
Pendant dix-sept jours, l'aspect de cette merde resta la même. Elle était inhumaine. Elle le séparait de nous plus que la fièvre, plus que la maigreur, les doigts désonglés , les traces des coups des S.S.
Comment ne pas être profondément touché par cet être qui revenant des camps, n'a pas mangé à sa faim pendant très longtemps et qu'on doit rationner pour le garder en vie, au point qu'il en arrive à voler dans le frigidaire?
Marguerite Duras mentionne le fait qu'après l'écriture de L'espèce humaine, il n'a plus parlé des camps. Jamais, dit-elle. La lecture de l'entretien entre le seconde épouse de Robert Antelme et Laure Adler, entretien truffé de fautes mais passionnant car il m'a menée à m'interroger sur La Douleur, sur ce droit que s'est arrogé Duras de décrire Antelme dans des postures on ne peut plus délicates, dément cette idée.
J'ai tellement parlé de La douleur que je n'ai plus envie de m'étaler sur les autres textes. Je vais tout de même mentionner le fait qu'un autre récit mentionne le besoin, l'envie de torturer et Duras le clame, celle qui souhaite cette torture, c'est elle.
A vous de décider si La Douleur est un texte qu'il faut lire. Je n'ai pas de réponse. Je sais qu'il m'a emmenée là où je n'avais pas forcément envie d'aller mais que j'y suis allée consentante et avec l'impression d'avoir vécu un instant très fort, qui répondait à L'Espèce humaine, qui me permettait sans doute de rester encore un peu avec cet homme que j'ai admiré. Pour autant, sur le fond, c'est tout ce que je n'aime pas, ce non-respect de la vie d'autrui. Mais comme tout un chacun, je suis un être plein de contradictions et on touche ici à l'une des questions éthiques de la littérature : la force et la beauté d'un texte justifient-ils l'usurpation de morceaux de vie?
https://bruitdepapier.wordpress.com/2016/08/08/la-douleur-marguerite-duras/
Ce livre m'a réconcilié avec DURAS (la jeune)
Superbe, l'attente d'une femme du retour de son mari des camps de concentration
Le retour et la reprise du quotidien.
Très très réaliste et surprenant
très profond et pas du tout sentimental
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