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Germán sort de prison avec une «commande» : l'attaque d'un transport de fonds blindé.
Úrsula, rencontrée lors de l'enlèvement de l'homme d'affaires Santiago Losada (L'autre femme, Quidam 2022), accepte de s'allier avec lui pour, en fait, voler les voleurs.
Úrsula épie toujours ses voisins, mais surtout tisse sa toile, sortant des clous, car elle a pris goût à la délinquance et s'est affirmée («Allons, Germán. Le monde n'est pas pour les lâches. Dieu vomit les tièdes.»).
Úrsula apparaît toujours comme une magnifique antihéroïne pleine de frustrations, mais qui garde son sens de l'humour et de l'autodérision, incarnant la subversion quant à l'esthétique féminine dominante, et prête à tout pour parvenir au but qu'elle s'est fixé.
Un page turner exaltant !
Adrénaline fois mille !
« Des larmes de crocodile » est d’emblée un antidote face à la morosité. Une fois en main, impossible de le reposer. On veut savoir, coopérer, se prendre au jeu d’une trame trépidante et captivante.
C’est un film à ciel ouvert. Tout est en mouvement, suspens, et merveilleusement déplié. Le magnétisme nous touche en plein cœur.
On aime les retrouvailles avec Úrsula López. L’héroïne de « L’Autre femme », qui vient de paraître en poche, toujours chez Quidam éditeur.
Rebelle, cachottière, elle n’aura de cesse de se venger d’une enfance frustrée et malheureuse. Son père était oppressant, quelque peu sadique avec sa fille boulimique.
« Elle lève à peine la tête à hauteur de sa poitrine, tremble, et fixe de nouveau le sol, les chaussures comme des miroirs sombres. La peur l’attaque, l’assaille. - Non, Papa. »
Il l’enfermait dans sa chambre jusqu’à plus d’heure. Tournait la clef et fermait les volets. Recluse, plus de nourriture et la peur au ventre.
Úrsula López est originale, succulente, imprévisible et rancunière. Elle habite à Montevideo, dans l’antre familial, seule. Son père est décédé. Mais les souvenirs sont prégnants et elle fait tout pour changer le décorum de sa vie, et comment !
L’Uruguay s’élève dans toute son idiosyncrasie. Les ruelles gorgées de soleil, entre splendeur et crépuscule. Nous sommes dans un roman noir, ne l’oublions pas.
Il y a les petites combines et les corruptions, les filatures et les manies. Ici, tout est en action, en ordre de bataille. Le récit est à tiroirs. Un puzzle qui s’assemble immanquablement et les évènements enclenchent la vitesse supérieure.
Mais, il y a aussi l’autre versant. L’absolu d’une beauté d’écriture profonde et surdouée. Elle rehausse le sombre des lignes. La sensibilité de Mercedes Rosende qui arrime ses protagonistes avec un tremblant d’humanité. Suivre le fil des larmes de crocodile et comprendre qu’ici, il y a des hommes et des femmes dont les existences sont de pluie, de quête ou d’enfermement. C’est l’arbre que cache la forêt en quelque sorte.
« La nuit de la prison pénètre en toi et il n’y a pas de lumière du jour ni de bonnes nouvelles pour la chasser comme ça, aussi vite, comme on se débarrasse d’une poussière. »
« Le monde était si loin qu’à l’intérieur de la pièce on pouvait entendre jusqu’au craquement des meubles. »
Mercedes Rosende déplace les pions. Échec et mat.
« Il y a deux Úrsula López. La femme de Santiago et moi. - Qui êtes-vous alors ? - En fait, je m’appelle bien Úrsula López. Mais je suis une autre Úrsula López. Vous comprenez ? - Non. - Nous sommes des homonymes, nous portons le même nom. Quand vous avez appelé pour réclamer une rançon à Úrsula López, la femme de Santiago Losada, vous avez composé le mauvais numéro, le mien. Vous avez appelé la mauvaise femme. »
D’une haute intelligence, sociologique, parfois politique, ce trépidant roman dévoile les diktats d’un pays entre les poussières et les crimes, les fausses identités, et les enquêtes menées d’une main de fer et de sang.
C’est une histoire effrénée, fascinante, comme un tour de magie, du grand art. Un spectacle dont on ne lâche rien. Mercedes Rosende nous entraîne sur la piste. On garde, certes, parfois, les mâchoires serrées, mais qu’importe !
Réjouissant, subtil, sous ses faux airs de clown au nez rouge, se lovent les grandes importances et les blessures humaines.
Les vulnérabilités, les trahisons et reste l’adage de Prosper Mérimée : « Apprendre à toujours se méfier. »
Sous le masque, les tragédies enfantines qui persistent. La vengeance aux abois.
C’est un roman d’une extrême capacité intérieure. Une référence dans un genre, qui, par sa maîtrise et sa haute qualité est unique.
Le bouquet final d’un feu d’artifice qui brille de mille feux. L’apothéose et le crime parfait.
« Entre le marteau et l’enclume, toi, comme toujours. »
Serré comme un café fort, « Des larmes de crocodile » est un pur divertissement ! L’arc-en-ciel après les giboulées. Et que ça fait du bien !
Fais ce que tu dois, advienne que pourra !
Traduit de l’espagnol (Uruguay) par Marianne Millon. Publié par les majeures Éditions Quidam éditeur.
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