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"Démolition" est l'histoire d'une jeune femme de près de quarante ans, Alice Augustus, à la fois comblée de succès professionnels et profondément malheureuse dans sa vie intime, qu'elle envisage comme une suite d'échecs. Avec ce roman, Anna Enquist revient à ses fondamentaux : la musique, la médecine, la psychanalyse, dans un récit intense d'une très grande maîtrise.
Le premier chapitre nous place face à un mur de vingt-cinq mètres. Ce mur, sur lequel est représentée une fillette en train de sauter à la corde, est sur le point d’être détruit par une boule de démolition.
Si la scène semble muette au lecteur, elle est une œuvre symphonique en puissance pour Alice, l’héroïne de ce roman. “Je pourrais mettre ces images en musique, se dit-elle”, non sans mélancolie. “Bien sûr, ce n’est jamais drôle, une œuvre d’art qui disparaît. Mais il faut évidemment chercher ailleurs la vraie raison de cette tristesse. D’autres ravages, restés secrets.” Le visionnage de cette scène de démolition fait surgir l’inspiration artistique chez Alice, mais aussi les traumatismes du passé et l’inquiétude du présent.
Alice, compositrice néerlandaise de renom, est tiraillée entre maternité et création à différentes périodes de sa vie. Pendant ses études au conservatoire, on lui conseille de “ne pas se charger d’une progéniture” pour se consacrer à sa vocation. Mais aujourd’hui, à près de quarante ans, elle tente désespérément d’avoir un enfant. Un désir que son mari partage “un peu, par sympathie”, semble-t-il. “Un enfant ? D’accord. Pas d’enfant ? D’accord aussi.” Comment savoir ? Comment être sûre ? Et ce malgré un corps, un ventre, qui résiste à la maternité ? “Je voudrais parler de cet absurde désir d’enfant qui me fait honte. De l’effarement que j’ai ressenti en voyant les images de la petite fille démolie à la masse. De mon insatisfaction, de ma nervosité. Je ne peux même pas juste être triste.”
Anna Enquist nous donne accès à tout ce qu’Alice garde pour elle. Ses doutes, sa colère, ses secrets, ce “marécage empoisonné qui se cache en moi” : tout ce qu’elle a d’enfoui nous est offert grâce à l’usage du discours direct libre. Dans une seule et même phrase, les pensées du personnage qui dit “je” ou qui dit “tu” s’infiltrent dans la narration qui dit “elle”. Comme s’il y avait plusieurs lignes mélodiques dans ce roman. Plusieurs mélodies à composer - plutôt qu’à démolir.
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