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Suis-je aujourd'hui ce que j'ai mangé hier ? De quoi ai-je hérité au moment de passer à table ?
Dans De pain et de lait, Karolina Ramqvist explore ses madeleines proustiennes et nous invite à découvrir l'histoire culinaire et affective d'une famille sur trois générations. Elle se souvient de l'ivresse d'une orgie de clémentines, de la recette du riz au lait cuisiné par sa grand-mère et de l'amertume des crêpes laissées par sa mère pour le goûter qui lui signalaient qu'elle serait seule à la maison.
En retraçant son autobiographie par le prisme de la nourriture, Karolina Ramqvist interroge avec délicatesse ce qui l'a construite, et ce qu'elle tente de transmettre.
Dans cette fiction autobiographique, Karolina Ramqvist revient sur son enfance et les saveurs qui l’ont façonnée. Des souvenirs culinaires comme une madeleine proustienne nous dit la quatrième de couverture. Pourtant, ce récit écrit à la première personne va bien au-delà de la nostalgie d’u passé fait de brioches à la cannelle et de riz au lait de sa grand-mère. On découvre le désarroi et la solitude d’une enfant qui vit avec sa mère et que celle-ci laisse souvent seule le soir quand elle va retrouver son amant.
La fillette mange pour remplir ce vide en elle.
« De temps en temps elle me préparait des crêpes au sucre. Parce que c’était tout ce que j’étais capable d’avaler en son absence, ce plat est devenu le signe qu’elle allait s’en aller »
Sa vie sociale est difficile, c’est une solitaire. Heureusement, il y a les visites des grands parents et les plats préparés avec amour par la grand-mère. La fillette puis la femme découvre le plaisir de cuisiner pour faire plaisir. Cuisiner, c’est une expérience sensorielle qu’elle tente de nous restituer à travers les odeurs, les saveurs les consistances.
« A force de lire des recettes, j’ai appris à faire à manger, mais j’avais du mal à me mettre aux fourneaux pour moi toute seule. »
Mais la nourriture est aussi un moyen de se protéger contre l’abandon parental, cette mère souvent absente et ce père que la narratrice ne voit que très rarement et qui l’intimide.
Très vite, elle devient boulimique, et vomit le trop d’aliments qu’elle ingurgite.
« Je voulais me remplir jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de place pour rien d’autre, j’avais l’impression que la nourriture me rattachait au monde, c’était le signe que j’y appartenais. »
Le chemin sera long pour réapprendre à manger normalement.
« Je me suis rendue compte que la cuisine, outre tout le reste, était une forme de bouclier. »
L’auteure ne porte pas de jugement, elle décrit simplement ses sentiments d’enfant délaissée, et ses expériences nourricières. J’ai trouvé que les pages sur sa grand-mère et les plats qu’elle lui préparait sont tendres et pleines de nostalgie.
Par contre, l’histoire traine en longueur et il y a beaucoup de redondances. Le récit est très centré sur la fillette puis sur l’adulte qu’elle est devenue, mais les autres personnages sont assez transparents.
Un récit qui m’a laissée sur ma faim !
Manger. On ne pense jamais à ce que représente cette habitude évidente, ce geste millénaire, ce réflexe primitif. On a des plats, des jolis couverts, des maniques trouées, des recettes de grands-mères, des assiettes dépareillées dans lesquelles on mange tous les jours, l’air de rien. Karolina Ramqvist y pense, elle. À la nourriture, à outrance, depuis toujours.
Elle explore trois générations de gourmandise. Sa grand-mère, végétarienne avant l’heure, qui a connu la guerre et la privation, et sa recette espiègle de riz au lait. Sa mère, plus frugale, qui s’étonne à peine lorsque la petite engloutit treize clémentines. Et puis ses propres souvenirs de douceur, d’amertume, d’acidité. D’inquiétude aussi. “Un matin, lorsque je suis entrée dans la cuisine, ma mère m’a dit qu’il n’y avait ni lait ni pain. Plus rien.”
“Affamée non seulement de nourriture mais du reste”, Karolina prend conscience de la puissance et de la richesse de la cuisine. Le réconfort d’un bol de bonbons. Le pouvoir de consolation des brioches préparées par une grand-mère - “si j’avais un coup de blues, il me suffisait d’en manger quelques-unes.” L’odeur du pain grillé, capable à elle seule d’effacer les querelles et les chagrins. “La cannelle et la pomme râpée. Le crissement des noisettes que je coupais en morceaux et frottais les unes contre les autres, leur forme et leur couleur. La manière dont tout fusionnait.” L’importance de l’alimentation, celle qui est bonne pour la santé, l’autre qui est bonne tout court. Les bavardages à table comme nulle part ailleurs. L’espoir qu’on place dans une petite assiette pleine d’amour. La déception face à une main d’enfant qui la repousse, dédaigneuse. La joie lorsqu’un convive se ressert. Comme nos goûts changent lorsqu’on grandit ou lorsqu’on rencontre quelqu’un. L’apprentissage des saisons, celle des huîtres et celle des asperges. La désolation de dîner seul. Le corps qui réclame ou qui rejette. Toutes ces choses qu’on n’arrive pas à exprimer et qui terminent dans nos ventres.
Il faut des années à Karolina pour comprendre que la nourriture est pour elle une prison. “À la moindre difficulté, j’en venais à penser à quelque chose à manger, n’importe quoi.” Dépendance, trouble alimentaire, addiction, difficile de mettre des mots sur cette faim insatiable qu’elle tente en vain d’apprivoiser. Sur cette sensation de vide malgré l’abondance.
Reste l’autre sensation. Celle de la délectation. Celle qu’on a reçue en héritage ou apprise. Celle qui nous envahit après un bon repas, ou après un bon livre, les mains croisées sur le ventre, les yeux mi-clos, un soupir de ravissement aux lèvres.
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