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Le roman est construit autour du dialogue entre Sacha, jeune homme fraîchement installé à Minsk et sa voisine de palier, une vieille dame de 91 ans atteinte de la maladie d'Alzheimer, Tatiana Alexeïevna.
Tous deux ont vécu une tragédie et le destin croisé de ces deux personnages souligne leurs ressemblances mais aussi et surtout leurs différences, qui tiennent essentiellement à la période historique. Tatiana lui raconte son passé au Commissariat du peuple aux Affaires étrangères où, pendant la guerre elle a eu à tra- duire la correspondance avec le CICR. Ce dernier avait envoyé maints courriers proposant aux autorités soviétiques de s'occuper de leurs prisonniers de guerre selon les conventions de Genève et de La Haye.
On lui opposa un refus constant. C'est par ce biais qu'elle a trouvé un jour le nom de son mari dans une liste de prisonniers russes en Roumanie. Prise de panique, parce qu'en seul instant elle pouvait devenir l'épouse d'un ennemi du peuple, elle décide de traduire le document en supprimant le nom de son mari et en recopiant deux fois le nom du prisonnier qui le précédait. Elle a vécu dès lors dans la peur, malgré le soulagement de savoir son mari en vie. Le destin la rattrape à la victoire, car son mari a été arrêté puis fusillé. Leur fille lui a été arrachée (elle mourra de faim un peu plus tard) et elle-même a été condamnée à 15 ans de camp. Sacha vient, lui, de perdre sa jeune épouse alors qu'elle portait leur enfant. Cet arbitre de football (dont la profession donne lieu à quelques réflexions sur le libre arbitre) n'a pas perdu sa petite fille et il est libre de refaire sa vie. Et s'il décide de s'installer à Minsk, c'est parce que sa mère y habite, mais aussi sans doute parce que la Biélorussie est l'ancienne république soviétique qui rappelle le mieux ce que fut l'URSS.
Le titre réfère en premier lieu au CICR et rappelle le sort tragique des soldats soviétiques faits prison- niers. Mais la croix rouge c'est aussi le signe que dessine sur les portes l'héroïne malade pour retrouver celle de son appartement ou encore la croix que portaient les citoyens soviétiques soumis à la terreur. C'est en- fin l'objet des dernières volontés de la vieille dame. Malgré le thème grave, la guerre de l'URSS contre ses propres citoyens, la disparition des derniers témoins des répressions staliniennes, l'idéalisation du régime soviétique, le roman n'est nullement focalisé sur l'horreur de la terreur ou même sur Staline. Filipenko laisse au lecteur le choix des réponses aux questions suscitées par les récits des personnages tout en attirant l'attention sur la difficulté tout autant que l'actualité de la question mémorielle en Russie.
Croix rouges est le quatrième roman du jeune écrivain biélorusse Sacha Filipenko, né en 1984. Ses précé- dents textes ont eu du succès et lui ont valu plusieurs récompenses littéraires.
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