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Peut-on faire du « retard français » un objet des sciences sociales ? Oui, à la condition de s'attacher au discours sur le retard et de délaisser la posture évaluative qui conduit soit à la « tardophilie » soit à la « tardophobie », néologismes sur lesquels commence le livre.
Depuis le XVIIIe siècle, le discours sur le retard, lié à l'idéologie du progrès, a envahi l'espace public en devenant une rhétorique de l'insuffisance et du changement. L'analyse de cette rhétorique en action permet de rendre compte des multiples significations qui lui sont attachées, des croyances et des représentations associées et de ses évolutions dans le temps.
L'analyse du corpus des rapports de la planification des années 1950-1960 en matière de science et de technologie montre comment ce discours a été un élément de la politique scientifique et technologique. Les retards sont définis à travers quatre grands « régimes de normativité » : celui fondé sur l'idée du progrès de la science pour lui-même ; celui fondé sur l'idée d'une interdépendance entre les disciplines scientifiques ou entre la science et la société ; celui fondé sur la comparaison géographique et, enfin, celui fondé sur l'objectif administratif ou managérial. Constatant au cours du dernier demi-siècle la montée en puissance du régime de la « géocomparaison », ce phénomène est expliqué par les représentations des élites, l'institutionnalisation de la comparaison internationale et la mise en place d'un dispositif intellectuel qui la sert : les statistiques sur la science et la technologie.
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