« Dans un jour ou deux, nous pourrions descendre vers la mer. Je sais qu'elle attend ça, c'est ce que tous les pensionnaires attendent. Ce que j'ai remarqué, c'est que tous ces gens qui passent par chez nous sont différents. Par leur physique, leur caractère, leur personnalité. Mais une fois face à l'océan, ils deviennent tous semblables. Comme si regarder la bande bleue de l'horizon, les vagues qui se brisent sur la plage, et l'éclat de l'écume, mélangeait les visages. Et les gestes. Les voix aussi, qui toutes finissent par dire : « Oh, comme c'est merveilleux ! » Au début, il y a les bras et les jambes qui dessinent des étoiles sur le sable. Puis les corps s'alignent, comme des civières dressées côte à côte. Les yeux sont levés vers le ciel, comme s'ils le voyaient pour la première fois. Puis ils se ferment. Alors ils paraissent tous morts. Mais c'est une impression fausse. Parce que c'est peut-être le moment où ils sont le plus vivants.
Au début, j'étais étonné. Mais maintenant, je suis habitué. Et en réfléchissant bien, je me dis que c'est dans l'ordre des choses. Parce que les gens sont bizarres, et souvent incompréhensibles. » Corinne Wargnier est née et vit à Paris. Après s'être engagée dans différents projets d'écriture cinématographique, et parallèlement à son activité d'auteur-photographe, elle se consacre aujourd'hui à la littérature. Elle a déjà publié La Saison des ombres (2009) et Les Fous ordinaires (2013).
C'est ainsi que la vie s'est arrêtée, son troisième roman, explore l'âme humaine à travers une vision du monde singulière, empreinte de poésie, de subtilité et d'étonnement.
Voici un roman (et sans aucun doute une auteure) qui ne devrait pas vous décevoir si, tout comme moi, vous aimez cette littérature américaine qui depuis les années 30 et leur succession de valeurs sûres (Flannery O'Connor, William Faulkner, John Steinbeck et bien d'autres) jusqu'à Louise Erdrich aujourd'hui, ou encore Pat Conroy par certains aspects, enchantent nos longues soirées d'hiver de leurs oeuvres singulières.
'C'est ainsi que la vie s'est arrêtée' nous conduit dans une petite ville du bout du monde, qui dans la fine et intelligente description qu'en fait l'auteure pourrait se situer quelque part dans le sud des Etats-Unis. Là, dans la moiteur et la lenteur propres à ces climats subtropicaux,Tessa et son fils Gab tiennent une pension de famille. Un à un les voyageurs arrivent, se découvrent les uns les autres, se sentent, s'observent, se reniflent. Séjourner chez Tessa, c'est se mettre entre parenthèses, c'est tenter de trouver une forme d'apaisement quand la vie fait mal. Seulement voilà, les choses ne se passent pas exactement comme chacun l'aurait souhaité. Les histoires personnelles de chaque protagoniste se mêlent, s'entrecroisent et se livrent, dépassant les vies de chacun pour s'étendre de manière subtile à l'humanité tout entière sous forme de compassion envers les gens ordinaires. Et à travers le personnage de Gab, dont je ne dévoilerai rien pour laisser à chacun le plaisir de la découverte, l'auteure dresse un éloge de la différence.
J'ai été emportée dans un monde d'une sidérante singularité, j'ai été émue, souvent bouleversée, et je vous souhaite le même voyage !
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