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A Brest, deux anciens amis se retrouvent après vingt années de séparation. Le premier, en devenant écrivain, semble avoir réussi sa vie ; le second, en dépit de débuts prometteurs, n'est jamais devenu ce qu'on attendait de lui. Et si l'amertume rattrape souvent les grandes espérances, l'idée même de réussite peut parfois s'avérer illusoire.
De Tel-Aviv à la presqu'île de Crozon, de la cour de Normale Sup' aux monts d'Arrée, ces deux destins parallèles nous racontent la soif d'exotisme, la passion qui dévore et la littérature qui consume.
Variation jubilatoire sur le thème du voyage en Orient, réflexion sur la honte et la cruauté, Avec les hommes est aussi et surtout un magistral roman d'amour.
Michael Hirsch sonde l’âme humaine comme personne. On ne peut être léger et complaisant avec l’amour, semble-t-il nous dire. C’est un sentiment trop noble pour être galvaudé, maltraité. L’histoire de Paul et Valérie échappe à la banalité, au quotidien. Extra-ordinaire, elle nous paraît pourtant si familière.
Extrait :
Tout ce qu’on fait, et jusqu’à ce livre, ne le fait-on pas pour plaire à l’être aimé ? On croit provoquer des guerres pour le contrôle du pétrole, le pouvoir et l’argent, mais en réalité, secrètement, on cherche à rabrouer les filles qui nous ont autrefois rabroués : « tu vois que je ne suis pas un minable ; regarde, chérie, j’ai envahi la Pologne ! » Soumission totale de l’histoire à la domesticité. Voilà pourquoi je crois à Priam, à Hélène de Troie, bien plus qu’en n’importe quelle bondieuserie.
Je retrouve avec bonheur l'écriture de Mikaël Hirsch que j'avais déjà appréciée dans Le Réprouvé et dans Les Successions. Dans son dernier roman, il reprend les thèmes de son premier, Le réprouvé : la judaïté, l'écriture et la littérature en tant qu'idéal de vie, la rencontre de deux hommes l'un admirant l'autre pour sa réussite littéraire. S'y ajoute là le mal-être d'un jeune homme brillant, Paul Rubinstein, promis à un bel avenir, mais qui peine à se faire une place dans un monde qui n'est pas le sien. Sa mère est alcoolique, il habite en cité et étudie à Normale Sup' auprès de gens de bonnes familles. Il s'amourache d'une fille, qui, mollement, lui rend la pareille, mais lorsqu'elle s'aperçoit qu'il loge en HLM, elle le quitte tout aussi mollement, sans vraiment le lui dire mais lui s'accroche. "Elle ne l'avait pas quitté par déception, regret ou incompatibilité d'humeur. Elle ne s'était pas débarrassée de lui parce qu'en lieu et place d'un amoureux transi, elle aurait préféré un homme confiant et assuré. Elle aurait sans doute pu s'accommoder de la situation et se serait alors enfoncée, comme tant d'autres, dans une vie de couple ordinaire et frustrante, mais à toutes choses, elle avait privilégié l'argent." (p.14/15)
Mikaël Hirsch n'est pas tendre avec ses personnages, dans la première partie au moins. Pas de compassion, mais d'ailleurs pourquoi en faudrait-il ? Ni pour l'écrivain-narrateur qui recueille les confidences et qui est assez réaliste quant à sa pseudo-réussite sociale sachant et mesurant tout ce à quoi il a dû renoncer pour arriver à une petite reconnaissance. Ni pour la femme aimée qui ne peut envisager rester avec un garçon issu de la classe populaire, aussi brillant soit-il ; les pages consacrées à cette partie sont terribles, sarcastiques, ironiques et très vraies, comme lorsque Paul tente de la revoir après son calamiteux séjour de quelques mois au kibboutz en Israël, et qu'elle est restée étudier à Paris : "Elle vivait là [canal saint Martin], provisoirement, estudiantine, à la marge des quartiers véritablement populaires, comme on s'encanaillait autrefois dans les troquets apaches. Elle attendait le beau mariage qui la propulserait à nouveau vers le standing d'Haussmann, sans avoir à réclamer toujours plus à ses généreux géniteurs. Sans avoir connu la mansarde, le lavabo sur le palier et les toilettes à la turque, elle pourrait tout de même se vanter un jour d'avoir vécu la bohème, telle qu'elle la concevait, c'est à dire supportable, temporaire et délicieusement exotique, précédant l'inexorable migration vers l'ouest, comme ces baleines qui, avant de rejoindre les eaux chaudes du golfe pour mettre bas, se gavent de plancton près du pôle." (p.56/57) Ni enfin, pour Paul Rubinstein qui ne réussit pas à surmonter sa déception amoureuse et qui par dépit se jette dans les situations les plus improbables, les plus humiliantes. Sur un coup de tête, il part trois mois au kibboutz, une sorte de pèlerinage, de point sur sa judaïté, lui qui jusque là ne s'y est jamais vraiment intéressé et sur son désir de construire une œuvre littéraire. On a envie de le secouer Paul, de lui dire de se bouger plutôt que de se complaire dans son mal-être, dans sa dépression. Il est une sorte de bouc émissaire ou de punching-ball universel : tout le monde se fout de lui, le méprise. Il lui faudra tout quitter, femme aimée sans retour, études, Paris et rejoindre Brest pour tenter de revivre.
C'est un roman sombre avec des personnages de la même teinte, qui néanmoins ne finit pas dans le noir absolu : la Bretagne en rédemption et Brest salvatrice (je vois des sourires bretons aux lèvres qui vont s'agrandir lorsque je vais dire que les descriptions de cette région sont belles -peut-être pas toujours flatteuses pour Brest- mais il me semble que M. Hirsch connaît et aime la région) ! Ce roman est un mélange pour le meilleur des deux précédents de l'auteur : les thèmes du premier avec l'excellence de l'écriture du second : une vraie réussite. La langue est belle, travaillée, sans omettre parfois, au détour d'un virgule, un langage plus direct, franc et cru pour décrire des situations chocs ou gênantes. Aucune phrase, aucun mot ne sont inutiles, tout le superflu a été ôté pour arriver à ce roman de 122 pages. J'aurais pu citer encore plus de passages pour tenter d'appâter le chaland ou dit plus élégamment, pour flatter l'intelligence du futur lecteur, mais je fais confiance à la curiosité et à l'envie de découverte.
Mikaël Hirsch est un écrivain qui se bonifie de livre en livre, sachant qu'il était déjà parti d'assez haut...
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