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Les guermantes n'étaient pas seulement d'une qualité de chair, de cheveu, de transparent regard, exquise, mais avaient une manière de se sentir, de marcher, de saluer, de regarder avant de serrer la main, par quoi ils étaient aussi différents en tout cela d'un homme du monde quelconque que celui-ci d'un fermier en blouse.
Et malgré leur amabilité on se disait : n'ont-ils pas vraiment le droit, quoiqu'ils le dissimulent, quand ils nous voient marcher, saluer, sortir, toutes ces choses qui, accomplies par eux, devenaient aussi gracieuses que le vol de l'hirondelle ou l'inclinaison de la rose, de penser : " ils sont d'une autre race que nous, et nous sommes, nous, les princes de la terre. " " proust est quelqu'un dont le regard est infiniment plus subtil et plus attentif que le nôtre, et qui nous prête ce regard, tout le temps que nous le lisons.
Et comme les choses qu'il regarde (et si spontanément qu'il n'a jamais l'air d'observer) sont les plus naturelles du monde, il nous semble sans cesse, en le lisant, que c'est en nous qu'il nous permet de voir.
Vous êtes extraordinaire, mon cher proust ! il semble que vous ne parliez que de vous, et vos livres sont aussi peuplés que toute la comédie humaine. " andré gide.
Dans ce 3ème tome de la « Recherche du temps perdu », Marcel Proust convoque les personnages déjà rencontrés dans les deux premiers volumes et comme sous une loupe à effet grossissant, va les voir et les ressentir de manière sinon opposée mais différente. De nombreux personnages s’ajoutent en se reliant les uns aux autres formant le kaléidoscope de cet immense roman fleuve.
Jeune homme, le narrateur n’est plus dans la superficialité de l’image reçue par le regard d’un enfant, ni dans la contemplation admirative de l’adolescence. Il entre dans l’épaisseur de l’observation, de l’analyse et de la réflexion. Il justifie ses points de vue par la démonstration tout en continuant à nous enchanter par les descriptions des scènes témoignant de la vie bourgeoise parisienne à son époque.
Sa famille déménage dans un appartement Boulevard Saint Honoré (où l’air est meilleur pour sa grand-mère), sis dans l’hôtel particulier des Guermantes. Dans un effet de zoom cinématographique, la duchesse de Guermantes qui l’avait fasciné alors qu’il était enfant en vacances à Combray, devient soudainement sa voisine du bas.
Surplombant ses appartements, il va épier tous ses faits et gestes. Subjugué par cette femme, il va tout faire pour un rapprochement plus intime bien que cela s’annonce compliqué car la belle dame menant grand train et tenant salon mondain très privé, ne semble pas du tout calculer ce simple fils de locataire dont le père n’est qu’un haut fonctionnaire du ministère avec qui seul le duc de Guermantes entretiendra bonne relation dans un but intéressé.
Un jour, il lui offre un billet pour un spectacle de Phèdre. Le père à son tour l’offre à son fils, le narrateur, qui alors se réjouit de rejoindre un public mondain où il sait que la somptueuse duchesse sera présente mais encore une fois il est ignoré bien qu’il doute que le salut de la main qu’elle fit de sa baignoire lui fut adressé…
La Berma dans le rôle de Phèdre, qu’il avait vu enfant et qui l’avait déçu, reçoit un regard et une écoute différents de sa part et Proust nous offre à l’occasion de cette scène, de belles pages d’analyse sur le goût et le savoir d’apprécier une voix, un rôle d’artiste et un texte lié au jeu des acteurs comme on apprend à comprendre la peinture ou la musique au-delà d’une perception superficielle.
Les jours suivants, il va sur les pas de la duchesse lors de ses promenades matinales mais pas un regard et il comprend qu’au-delà de devenir un agaçant importun, il risque de se faire prendre en grippe. Il cesse donc cette stratégie mais en échafaude une autre.
Il a idée de retrouver son ami Saint Loup, neveu de la duchesse, pour lui demander son aide en glissant un mot à sa tante le concernant.
Il va le rejoindre à sa caserne située à Doncières.
Proust nous offre alors un témoignage de l’armée à cette époque dans une petite ville de garnison mais surtout il se sert du mess des officiers pour renvoyer au lecteur un témoignage des opinions vives et fiévreuses à ce moment où l’affaire Dreyfus bat son plein.
Un passage sur sa première utilisation du téléphone est un témoignage intéressant de la découverte de ce moyen de communication où on entend la voix sans en voir les visages impliquant la psychologie de l’écoute.
Quelques jours après, il retrouve Robert de Saint Loup à Paris qui lui présente l’amour de sa vie, une dénommée Rachel qui est de façon évidente une gourgandine bien que Saint Loup amoureux ne s’en rend pas compte et se fait avoir en lui offrant des cadeaux somptueux qu’elle reçoit comme des salaires magnifiques et non comme des preuves d’amour.
Le narrateur a eu l’occasion de rencontrer cette cocotte par le passé dans une maison de passe où l’avait entrainé son ami Bloch, mais comprend que Saint Loup amoureux fou n’écoutera aucune mise en garde.
Il va assister à une terrible dispute du couple dû à la jalousie de Saint Loup et espère de tout cœur que rupture s’ensuivra car il a peine de savoir son ami (et probable petit ami avec qui il partagea la chambre à Doncières) être arnaqué et rendu malheureux par une personne aussi vile que Rachel.
Suite à cela, le narrateur se rend au salon de Madame de Villeparisis et nous offre un éventail fourni de personnages dont beaucoup déjà rencontrés dans les deux premiers volumes de son roman à qui l’écrivain en leur donnant la parole va les faire se rapprocher de ce qu’ils sont vraiment sous un effet de loupe.
Le narrateur quasi effacé nous fait part des scènes, attitudes, tenues et surtout discussions restituant ainsi l’esprit de la société mondaine parisienne où les propos de l’affaire Dreyfus sont abordées à mi mots impliquant un antisémitisme avéré des bien-pensants et où être un dreyfusard comme Saint Loup et le narrateur le sont en secret, est plutôt mal vu, voire inacceptable.
Madame Oriane de Guermantes présente finit par décevoir le narrateur surpris par ses propos catégoriques d’antidreyfusarde et ses attaques violentes contre son neveu Saint Loup devenu dreyfusard sous l’influence de cette infâme Rachel dont il faut tout faire pour qu’il s’en sépare.
Son riche mari, coureur de jupons notoire, arrive avec les effets d’un roi vaniteux.
L’auteur tresse toutes les ramifications généalogiques de ce monde aristocratique très fermé et enfermé dans les coquilles de relations où le paraître et les titres de noblesse sont obligés.
Ainsi l’élégante Madame Swann, une ancienne prostituée, de peur d’être exclue du sérail, arrive en criant haut et fort son antisémitisme alors que son richissime mari qui lui a offert une vie dans le luxe, est juif.
Proust fréquente les mondains mais reste objectif et n’hésite pas à critiquer cette sphère de nantis où il rencontre des gens biens et des idiots qu’il n’hésite pas à dénoncer le ridicule sous une plume qui peut être acerbe et trempée dans le vitriol.
Le narrateur quittera le salon avec le baron de Charlus qui voudra l’accompagner. En chemin, Charlus lui expliquera qu’il peut lui apporter l’enseignement nécessaire à sa volonté de devenir écrivain et peut devenir par sa puissance, un protecteur dont il aura besoin.
Le baron va aussi tenir des propos antisémites sur Bloch, ce qui déplaira fortement au jeune homme car Bloch est un ami. Après lui avoir proposé de faire un détour promenade de nuit par Boulogne que le narrateur refusera en demandant d’être raccompagné chez lui de suite car sa mère va finir par s’inquiéter de ne pas le voir rentrer, le baron le quitte fâché…
Le narrateur ne s’est pas rendu compte des intentions réelles du baron à son égard mais bien que le trouvant quand même un peu bizarre, il reste flatté par l’attention d’un homme de pouvoir haut placé dans l’aristocratie.
De retour chez lui, il trouvera sa chère grand-mère très malade. Le docteur Cottard se rendra à son chevet mais les parents préféreront un praticien plus renommé qui s’avérera être un charlatan d’une inutilité absolue.
Marcel Proust griffe avec talent, objectivité et causticité l’univers médical.
Alors qu’il pense qu’une sortie au grand air fera du bien à son aïeule, quelques jours après, sur les Champs-Élysées sa grand-mère est victime d’une attaque cardiaque. Ramenée à la maison, le narrateur sait qu’il n’a plus que quelques heures à partager avec elle. Le récit de ces derniers moments est poignant.
Dans la deuxième partie, le narrateur retrouve Albertine dont il était tombé amoureux à Balbec dans « Les jeunes filles en fleurs ». Ayant subi sa cruelle indifférence, le narrateur s’était fait une raison et l’avait oublié.
De nouveau, l’écrivain opère un rapprochement zoom avec un personnage non seulement éloigné mais idéalisé.
A la surprise du narrateur, Albertine va se montrer très entreprenante et sa joue n’a pas le goût de rose escompté… De plus, il lui découvre une intelligence très limitée et un parler assez surprenant utilisant souvent l’adverbe « parfaitement » au lieu de « tout à fait ».
Son désir assouvi, son esprit est ailleurs. Saint Loup qui s’était fâché avec lui car Rachel avait raconté que le narrateur lui avait fait des avances ce que ce dernier a fermement démenti, a été envoyé au Maroc. Restant amis, il lui a écrit qu’il l’avait chaudement recommandé à une dénommée Madame de Stermania, une divorcée rencontrée à Tanger. Le narrateur a immédiatement envoyé une demande de rendez-vous à cette mondaine avec qui il s’imagine déjà convoler.
Le même jour, il répond à une autre invitation de Madame de Villeparisis où il rencontrera à nouveau la duchesse de Guermantes pour qui sa passion s’est éteinte depuis la dernière fois qu’il la vue. Mais la duchesse ce soir-là est alors tout à fait différente. S’asseyant auprès de lui à l’écart, la voici aimable et douce. Elle le convie à diner. Il acceptera mais son cœur ne bat plus pour elle. Il ne pense plus qu’à sa rencontre avec madame de Stermania.
En rentrant chez lui, il trouve Albertine qui s’imagine une relation durable depuis qu’elle s’est donnée à lui sur son lit. Avec peu de délicatesse, il va lui demander d’organiser la visite de Madame Stermania qu’il ne connait toujours pas. Au cas où elle ne serait pas à son goût Albertine servirait de pis-aller. Un message arrive par cocher, lui signifiant que Madame de Stermania reporte le rendez-vous ultérieurement.
Proust joue aussi avec les différentes facettes du narrateur comme pétrissant de la glaise et faisant changer l’aspect de ses personnages en les modelant de diverses manières. Le narrateur distant et taiseux devient ici un odieux personnage.
Albertine représente la mémoire de Balbec qu’il va malaxer avec l’effet du temps et refusera l’habitude qu’il contrecarre avec l’excitation de l’inconnu.
Entre temps Saint Loup revenu du Maroc l’invite à diner au restaurant avec ses amis.
Alors qu’il paye le cocher, il dit au narrateur fragile de santé de rentrer avant lui.
Le restaurant est partagé en 2 ailes : les aristocrates du Jockey d’un côté et les autres dans une salle séparée.
Le patron place le narrateur avec le tout-venant. Quand Saint Loup entre, il est offusqué de voir son ami relégué et tance le tenancier qui se confond en mile excuses et courbettes et s’adresse au narrateur avec une batterie de titres en vrac sans notion de ce qu’ils représentent lui donnant successivement du Monsieur le Baron, Monsieur le Comte, Monsieur le Marquis. Mais Saint Loup va finir par s’en amuser en grimpant sur le haut des banquettes rouges et comme un équilibriste va rejoindre son camarade et s’installer auprès de lui qui pour finir aura plus chaud dans la grande salle où il a été placé par erreur. Il s’apprécie l’un l’autre. Saint Loup fait part à son ami que son oncle, le Baron de Charlus aimerait le revoir et l’attend chez lui à onze heures. Le narrateur s’en voit flatté.
Comme prévu, le narrateur se rendra au diner de la duchesse de Guermantes où en général, les invités sont triés sur le volet. Il y admirera quelques tableaux d’Elstir, son peintre préféré avant de rejoindre les invités. Il sera présenté aux membres de la haute aristocratie présents dont la princesse de Parme habitée par une admiration inconditionnelle de la duchesse la fait paraître un peu sotte.
A nouveau, Proust choisit le cadre d’un salon où on cause dont la réputation est hautement distinguée par son esprit intellectuel au sein de l’aristocratie dirigé par la ravissante et intelligente duchesse pour témoigner de l’esprit du Paris mondain. Peu conformiste et très instruite, elle n’hésite pas à se railler d’à peu près tout le monde.
Le narrateur se lasse des chamailleries entre branches familiales qui occupent une bonne partie des conversations de la soirée. Il observe et en écoutant les rappels des nombreuses ramifications familiales de la noblesse, il se prend à rêver et voyager dans l’histoire de France et sa géographie.
Le narrateur quitte la soirée pour se rendre chez Charlus qui sur place, va lui faire une surprenante scène en l’accusant d’avoir dit des choses sur lui ce que le narrateur réfute. Il décide de partir sous cet accès de violence incompréhensible quand Charlus le supplie de rester dormir chez lui. Le narrateur refuse et s’en va.
Quelques jours après, le narrateur reçoit une invitation du Prince et de la Princesse de Guermantes. Cela lui semble improbable et pense que c’est une blague. Pourtant il va attendre le retour de ses voisins, le duc et la duchesse de Guermantes pour l’aider à savoir de quoi il s'agit. Ils ne l’aideront pas car ils craignent alors que le Prince et la Princesse pense à une remontrance d’une non invitation ce qui serait grossier de leur part.
D’autre part, il y a beaucoup d’agitation chez eux ce soir-là.
Alors que la duchesse se prépare pour sortir, le duc reçoit deux cousines lui annonçant la mort proche d’un de leurs cousins. Le duc ne veut rien entendre. Sa soirée est beaucoup plus importante. Le cousin tiendra le coup jusqu’à demain et peut-être vivra-t-il jusqu’à cent ans.
Puis arrive à brule-pourpoint Charles Swann qui apporte une photo grand format que la duchesse lui a demandée. Le narrateur est surpris de revoir cet homme rencontré quand il était enfant à Combray, toujours aussi élégant, mais très amaigri et le visage ravagé par la maladie.
Pressés par le temps, le duc et son épouse doivent partir à leur soirée et la duchesse pour s’excuser propose à Swann de les accompagner en Italie l’année prochaine pour profiter de son amitié mais aussi de ses connaissances du pays quand elle se rend compte de sa maladresse à laquelle Swann répond avec beaucoup d’élégance sur le temps qui lui est compté.
Dans ce 3ème volume le narrateur devient un adulte qui sait se forger une opinion et entre dans un raisonnement psychologique intelligent avec une bonne dose de causticité.
Ce roman que je lis avec plaisir est la trace d’un témoignage dans le temps avec un contenu dont l’esprit et les valeurs restent intemporels.
Une écriture qui me porte comme un ami qui me raconterait sa vie et ses soirées. J'adore.
Proust-o-thon Round 3
Et chaque tome m'enchante plus que le précédent.
Dans Le côté de Guermantes, c'est un narrateur plus mâture et un peu moins fragile (mais à peine) que nous retrouvons.
Finies les petites amourettes avec des jeunes filles, cette fois-ci, c'est une femme, la duchesse de Guermantes, qui est l'objet de toutes ses attentions.
Ce tome est très mondain, c'est un aspect qui m'a énormément plu.
Les joutes verbales, les jeux d'influence, sont un délice à découvrir sous la plume de Marcel Proust, qui y met toute sa finesse d'analyse mais aussi beaucoup de malice.
L'affaire Dreyfus occupe toutes les conversations, à défaut d'occuper réellement les pensées de ce microcosme bourgeois et égocentré.
Mais s'il y a un aspect clairement ironique dans ce tome, il y a également un côté plus sombre, plus triste, et certains passages m'ont tiré des larmes.
Je me demande maintenant ce que me réserve la suite de ce Proust-o-thon, j'ai hâte de le découvrir !
Voici venu le temps des rêves et des désirs, des lentes manœuvres et des amitiés utiles pouvant entrouvrir la porte du paradis où règnent les Guermantes. Voici, enfin, un regard, un salut et un sourire tombé un soir d’opéra pour enflammer le cœur et l’esprit du jeune homme. Le voici, à forces d’intrigues subtiles, élu entre mille, invité à côtoyer les « Immortels », et le voilà finalement, un soir terrible où toutes ses illusions se brisent sur des souliers noirs qui auraient du être rouges et se fracassent sur un « grand et cher ami » qui ne pourra accompagner la duchesse en Sicile, au printemps prochain, parce que … « ma chère amie, c’est que je serai mort depuis plusieurs mois», et parce que cet ami Swann connaissant la valeur de ces amitiés, «savait que, pour les autres, leurs propres obligations mondaines priment la mort d’un ami et qu’il se mettait à leur place, grâce à sa politesse. »
C’est le roman des Illusions Perdues mais aussi du chagrin que lui cause la longue maladie de sa grand’mère et de sa mort, de l’irruption dans la vie sociale de l’Affaire Dreyfus, de l’aveuglement de l’amour (Saint-Loup est le pendant de Swann) mais aussi de Françoise, la cuisinière-gouvernante qui parle parfois comme La Bruyère, ce qui donne toujours lieu à des passages aussi drôles que réjouissants.
On y trouve des pages fascinantes sur l’utilisation du téléphone qui, si vous y prenez gare, vous feront envisager les appels à vos êtres chers sous un angle nouveau. Et toujours ces formules aussi inattendues que brillantes comme quand « s’avance le sommelier, aussi poussiéreux que ses bouteilles, bancroche et ébloui comme si, venant de la cave, il s’était tordu le pied avant de remonter au jour. »
Les pages sur la maladie de sa grand’mère chérie sont admirables ; elles n’épargnent pas les médecins dont les diagnostics aussi contradictoires que péremptoires ne parviennent pas, consultation terminée et verdict implacable posé (« votre grand’mère est perdue ») à masquer qu’ils ont d’autres chats à fouetter (« vous savez que je dîne chez le ministre du Commerce »). L’évolution de la maladie, les phases d’espoir succédant aux phases de découragement, tout cela parlera à qui l’a traversé, tout comme la solitude qui s’empare de celui qui a vraiment du chagrin : « Ce n’est pas que le duc de Guermantes fût mal élevé, au contraire. Mais il était de ces hommes incapables de se mettre à la place des autres, de ces hommes ressemblant en cela à la plupart des médecins et aux croque-morts, et qui, après avoir pris une figure de circonstance et dit : «Ce sont des instants très pénibles », vous avoir au besoin embrassé et conseillé le repos, ne considèrent plus une agonie ou un enterrement que comme une réunion mondaine plus ou moins restreinte où, avec une jovialité comprimée un moment, ils cherchent des yeux la personne à qui ils peuvent parler de leurs petites affaires …) »
Mais que dire de cet adieu magnifique à cette grand’mère qui semble avoir tellement compté ? Rien, juste le lire et sentir l’émotion vous gagner :
« Maintenant (ses cheveux) étaient seuls à imposer la couronne de la vieillesse sur le visage redevenu jeune d’où avaient disparu les rides, les contractions, les empâtements, les tensions, les fléchissements que, depuis tant d’années, lui avait ajoutés la souffrance. Comme au temps lointain où ses parents lui avaient choisi un époux, elle avait les traits délicatement tracés par la pureté et la soumission, les joues brillantes d’une chaste espérance, d’un rêve de bonheur, même d’une innocente gaieté, que les années avaient peu à peu détruits. La vie en se retirant venait d’emporter les désillusions de la vie. Un sourire semblait posé sur les lèvres de ma grand’mère. Sur ce lit funèbre, la mort comme le sculpteur du Moyen Age, l’avait couchée sous l’apparence d’une jeune fille. »
Le récit commence avec l’emménagement de la famille dans une aile de l’hôtel particulier des Guermantes, rapprochant ainsi le narrateur de Mme de Guermantes dont il est tombé amoureux. Pour se rapprocher d’elle, il contacte Saint-Loup. S’ensuivent de nombreuses pages sur l’art militaire.
Une page également sur les différentes sortes de sommeil, et de nombreuses sur l’Affaire Dreyfus qui divise les familles.
La maîtresse de Robert est désignée par « Rachel quand du Seigneur« , d’après les premiers mots d’un opéra d’Halevy « La juive« .
Dans la seconde partie, la grand-mère du narrateur décède après une maladie qui la fait beaucoup souffrir et la diminue physiquement.
Le narrateur revoit Albertine à Paris, mais ses stratagème pour se rapprochèrent de Mme de Guermantes échouent. Celle-ci ne lui accorde son amitié que lorsque sa mère le convainc du ridicule de la situation. Son affection se reporte alors sur Mme de Stermaria.
La troisième partie m’a moins plue, n’étant pas passionnée par les conversations de salons ni par les généalogies de tout ce petit monde.
Et puis j’ai eu l’impression de relire, en plus délayée, « Contre Sainte-Beuve » du même auteur.
Toujours la présence de la lanterne magique, du style composite et du snobisme, entre autre.
L’image que je tiendrai :
Celle du valet de Mme de Guermantes et ses amours contrariées par sa maîtresse.
Quelques citations :
« Mais demander pitié à notre corps, c’est discourir devant une pieuvre. »
« Dans la vie de la plupart des femmes, tout, même le plus grand chagrin, aboutit à une question d’essayage. »
« Le genre de charme que je pouvais trouver chez elle et d’avoir l’humilité de ne me plaire que comme un herbier, plein de plantes démodées. »
http://alexmotamots.fr/?p=2407
De ce tome, je garde en mémoire trois thèmes principaux, celui de l'amitié entre le narrateur et Robert de Saint-Loup que Marcel Proust sait parfaitement dépeindre; il est à mon avis meilleur dans la description de ces amitiés viriles que dans les amours hétérosexuelles. Bien sûr, Proust nous présente le lien qui unît les deux hommes sans aucune ambiguïté et il leur donne à l'un une maîtresse et à l'autre un attachement sentimental mais on ne peut douter que ce qui lien ces deux garçons va au delà de ça. D'ailleurs, quand Proust décrit les amours de Robert et de sa maîtresse, on a l'impresion de revivre celui de Swann pour Odette mais en plus ridicule puisque Robert s'entiche d'une prostituée dont tout le monde peut se payer les faveurs alors que Robert se ruine pour elle. Je me demande quelle vision Proust avait des femmes pour ne décrire que des hommes enamourés par des femmes qui donnent ou vendent leurs charmes à d'autres. Le narrateur, quant à lui, tombe amoureux de la duchesse de Guermantes qui s'agace de le voir constamment sur sa route. A la fin du tome, il découvrira à quel point l'esprit de cette dame ne mérite pas son amour. Le troisième thème important est celui de la déchéance de sa grand-mère qui est de plus en plus mal en point avec une scène très touchante où il la voit alors qu'elle ne l'a pas encore vu. Pour la première fois, il la sent fragile, comme une vieille femme proche de la mort. Dans ce roman, on sent à quel point l'affaire Dreyfus divisait, même si dans la société dans laquelle vit le narrateur, on était majoritairement anti-Dreyfusard. Et dans ce tome, les références anti-sémites ne m'ont pas gênée car elles sont liées à des personnages dont on sent bien que Proust se moque. J'ai beaucoup aimé comment Proust utilise le théâtre pour symboliser à la fois la mort mais aussi la double personnalité des gens. Dans la deuxième partie de ce tome, il y a aussi de très beaux moments qui concernent des thèmes très différents : la relation mère-fille à la fin de la vie de la mère, la différence entre les nobles et les riches, le passage du temps qui peut filer ou pas selon qu'on attend qu'un moment arrive ou qu'on le vive, les garçons à la recherche d'une femme fortunée mais aussi la littérature à travers Hugo, Flaubert et Balzac. Et j'ai beaucoup aimé aussi l'intrusion de mots alors nouveaux, dont les protagonistes discutent en se demandant s'ils resteront dans le vocabulaire, comme talentueux ou mentalité. C'est le tome que j'ai préféré depuis le début d'A la recherche du temps perdu.
Ce qui est fort intéressant dans ce volume-ci, c'est justement de suivre l'affaire Dreyfus de l'intérieur même de ces salons mondains. L'auteur dresse là un témoignage inestimable pour les générations futures.
je n'ai pas réussi à aller au bout... il ne faut pas s'attendre à une histoire mais vraiment à des réflexions de l'auteur, c'est très intéressant , mais je pense que pour lire Proust et tout comprendre il faut partir du début de sa fresque littéraire... j'entreprendrais cela un jour.. malgré tout je le conseil!!
J' ai été moins séduite par cette suite de " La Recherche " : la description, l' ambiance des salons m' ont peu intéressée. Je reconnais toutefois le talent de Marcel Proust pour ses si jolies phrases. Ce qu' il m' a manqué, ce sont les sentimlents du Narrateur que l' on suivait dans les deux volumes précédents.
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