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Ma passion pour le monde ferroviaire remonte à mon enfance ; des petits trains en bois ou en tôle que je faisais rouler sur le parquet, en les tirant avec une ficelle.
Je devais avoir sept ou huit ans lorsque mon père me dit un jour : «Tu veux aller voir les vrais trains ?» Nous habitions à Villejuif dans la Seine, aujourd'hui Val de Marne, à peu près à un kilomètre et demi de la Porte d'Italie. Je ne me fis pas prier et, par un bel après-midi de printemps, je pris la main de mon père, c'était le genre à l'époque, et nous allâmes à Ivry-sur-Seine à environ deux kilomètres de notre domicile.
Le lieu choisi était idéal : un pont routier enjambant les voies de la ligne d'Orléans. Il y avait un trafic intéressant, des locomotives (à vapeur) allaient et venaient, seules ou en tête d'un train. Lorsque j'en voyais une venir vers nous, je me plaçais au-dessus de la voie où elle circulait «pour être dans la fumée». Ah ! La bonne odeur de charbon, de vapeur et d'huile chaude. Je traversais rapidement la rue pour «rattraper la fumée» de l'autre côté du pont. Parfois, des trains arrivaient des deux côtés : «Tiens, celui-là est mieux...» disait mon père qui semblait s'y connaître, accoudé contre le parapet en roulant une cigarette. Ainsi, sans le savoir, j'ai dû voir des matériels portant encore les inscriptions du P.O. (Paris-Orléans). Lorsque nous rentrions au domicile, ma mère disait au paternel : «Tu l'as encore amené voir vos sacrés trains... Fais voir tes mains... Oh là là ! Vous empestez le charbon». En effet, après avoir baigné dans les effluves des locomotives, nous sentions l'acre.
Mon père n'en resta pas là ; il me fit découvrir le P.L.M. et m'emmena à Charenton où une longue passerelle pour piétons traversait les garages de Conflans. Il y avait une profusion de locomotives, wagons, voitures voyageurs. Les voies de grandes lignes et de banlieue longeaient un grand mur de soutènement ; elles étaient en courbe et les trains passaient en une gracieuse inclinaison, laissant derrière eux un grand panache de fumée qui s'élevait doucement en caressant le mur. Sans m'en rendre compte, j'ai dû voir passer la plupart des locomotives du P.L.M. en service à l'époque sur la ligne impériale.
Nos escapades ferroviaires, hélas, ne durèrent pas longtemps. A la fin de l'été 1939 c'était la guerre et, en juin 1940, ma mère décida de partir vers le sud. Sans armes, mais avec bagages, avec une de mes soeurs et mon jeune frère, nous prîmes le chemin de l'exode en nous mêlant au sinistre cortège des réfugiés. Après plusieurs jours de route ou alternèrent les parcours à pied, en autobus, en train, nous arrivâmes à Saint-Jacques des Blats, dans le Cantal. La maison de ma grand-mère maternelle était située à la sortie du village, au bord de la nationale 122 qui relie Aurillac à Massiac et Clermont-Ferrand. Une heureuse surprise m'attendait ; la maison se trouvait à environ trois cents mètres de la ligne Aurillac à Arvant de l'ancienne compagnie du P.O. et serpentait aux flans du puy Brunet et du Plomb du Cantal. En face, il y avait un splendide viaduc en courbe (je sus plus tard qu'il s'appelait viaduc d'Elbarat et mesurait 173 mètres de long.)
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