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« Cherchons-nous toujours à obtenir davantage (…) sans jamais nous contenter de moins ? »
A l’époque où les États-Unis, en pleine expansion industrielle, traversent une de ses premières grandes crises financières, Thoreau est un des premiers écrivains américains « techno-critique », s’interrogeant sur le besoin réel et la place des techniques dans la société, le risque d’un épuisement des ressources naturelles, les liens distendus entre l’Homme et la nature par trop d’heures de travail obligé et l’achat d’objets inutiles, les conditions de travail fabriquant des pauvres, esclaves de leurs nouveaux biens, (au-delà de posséder une maison, c’est la maison qui vous possède et vous appauvrit). Thoreau fustige l’esprit business et les progrès industriels à outrance.
« Pourquoi devrions-nous vivre dans une telle hâte en gaspillant nos vies ? »
Il va volontairement s’isoler dans les bois au bord de l’étang Walden et écrire le journal de son expérience, celle d’une immersion totale dans la nature pendant un peu plus de deux ans avant de retourner à la civilisation.
Il va bâtir une cabane en planches sur plots au-dessus d’une cave creusée sur sept pieds de profondeur où il entreposera ses pommes de terre et où durant l’hiver, quelque couple de taupes y nichera à l’abri du froid. Toujours avec du matériau de récupération, il construisit une cheminée au feu de bois et à l’arrière de l’habitation, un abri pour les bûches. Les murs sont faits de planches, pierres et sable. La chaux sera faite à partir de coquillages écrasés ramassés près d’une rivière.
Il prouvera qu’on peut très bien vivre en autosuffisance dans la nature avec un seul vêtement solide, chaud, confortable et utile (il fustige la mode et la déco), l’achat de quelques haricots secs, de la farine de maïs pour la bouillie, les galettes et le pain, ce, avec l’argent gagné à la cueillette des myrtilles une fois de temps en temps (il fustige le travail obligatoire pour un salaire ce qui ruine l’être humain). Pour le reste de la nourriture, il cultive son jardin et pêche.
Il fustige ‘le télégraphe magnétique’ précurseur du téléphone, et aussi le train originalement prévu pour le transport des marchandises et qui étend son service en embarquant des voyageurs. Il prédit le déclin de ce business (ce qui par ailleurs, se révèle exact de nos jours et soulève de nombreux débats encore très récemment), dénonce son enjeux politique par le contrôle des territoires et des populations, et le gouffre financier en investissements.
C’est ce rôle de lanceur d’alertes avant-gardiste qui probablement a fait le succès de ce livre qui, malgré une toute nouvelle traduction, reste toutefois aride à lire. Le regard de cet homme individualiste est critique sur ses congénères, voire suffisant, et le ton est professoral et catégorique.
Une bonne première moitié du livre dénonce le consumérisme et fait état de ses raisonnements parfois simples sinon naïfs, (voire tiré par les cheveux… A quoi sert le téléphone puisqu’une sourde ne peut entendre la déclaration d’amour d’un de ses soupirants…) Ses arguments et nombre de critiques sur le matérialisme et sa surconsommation, sont surexposés dans des justifications sans fin dans le but de prouver absolument qu’il a raison. Thoreau veut convaincre le lecteur à tel point que le livre finit par très vite peser…
Pourtant, à plus d’un siècle et demi de distance, cette remise en question face à ce qu’engendrent les nouvelles technologies en terme de coût, de pollution, de misère de masse et surtout de destruction naturelle de la planète, de dégradation de nos ressources essentielles, la montée des inégalités sociales de plus en plus évidentes, l’extinction d’espèces animales, la modification climatique des plus inquiétante, résonne fort dans notre société actuelle et nous oblige à repenser notre modernité où il va nous falloir trouver un compromis entre le progrès et nos besoins vitaux…
Le plus grand voyage qui soit est en nous-même et c’est ce que propose Thoreau : ma fondation, ma nourriture, mes goûts ; pourquoi suis-je fait ? – mes dons-, mon essentiel ? Explore-toi toi-même où que tu sois, où que tu ailles. Et cela est le véritable, le plus beau et le plus grand des voyages…
« Si les hommes vivaient aussi simplement que moi (…) les vols et cambriolages nous seraient inconnus (…), délits dans les communautés où certains possèdent plus qu’il n’est suffisant quand les autres n’ont pas assez. »
Le ton de la deuxième partie du livre est moins pontifiant. Il relate son quotidien ce qui m’a été plus plaisant à lire. Les saisons, les bois, les fermes alentours, les quelques visiteurs, la végétation, l’observation des animaux, sa connaissance des oiseaux, son jardin, ses promenades et bien sur l’étang Walden un lieu magnifique à une trentaine de kilomètres de Concord près de Boston et surtout d’une pureté rare.
Il consacre un chapitre à ses lectures, bannit les lectures faciles, encourage aux classiques, « seuls oracles à n’avoir jamais vieilli, et ils contiennent des réponses aux questions les plus modernes » et prône Homère, Eschyle, Virgile et les grands poètes.
Il invective l’État sur le manque d’économie octroyé à l’école et la culture. Il revendique la continuation des études pour tous après la communale pour ne pas interrompre l’éducation.
Nous nourrir intellectuellement est aussi important que nous alimenter ou nous soigner. « Ce village a dépensé 7000 dollars pour une mairie, grâce aux fortunes ou à la politique, mais en un siècle il ne dépensera sans doute pas autant pour l’esprit vivant, la vraie chair à mettre dans cette coquille. » ;
« Et s’il le faut, renonçons à un pont enjambant la rivière, acceptons de faire un petit détour, et lançons au moins une arche au-dessus de l’abîme d’ignorance crasse qui nous entoure. »
Au passage, il donne un bon coup de griffe au monde de l’édition commerciale : « Pourquoi laisser Harper & Brothers ou Redding & Cie, choisir nos lectures à notre place ? »
Actuellement, grâce à la réflexion écologiste de Thoreau avant l’heure, le lac de Walden (un étang en fait), est un site naturel protégé. Nombreuses grandes fortunes (beaucoup d’artistes entre autres) contribuent à son entretien et viennent s’interposer à toutes constructions ou pollutions d’aucunes sortes sinon les visites touristiques à la cabane de l’auteur, toujours présente depuis 1845.
Thoreau était professeur. A Walden, il joue au pionnier sans titre de propriété mais la parcelle lui avait été prêtée par son ami Ralph Waldo Emerson en échange d’un peu de débroussaillage. Ce même ami dit l’avoir connu célibataire toute sa vie, ne jamais l’avoir vu boire d’alcool ni fumer et ni chasser ni manger de viande.
Le lieu l’a inspiré à écrire de belles descriptions paysagères et l’a entrainé dans des pensées philosophiques d’une grande sérénité en proposant une refonte de nos façons de vivre proche des philosophies bouddhistes souvent citées.
Il n’a jamais voté, n’est jamais allé à la messe, a refusé de payer l’impôt. Il a voulu montrer à l’État capitaliste la misère du pays après avoir rencontré à Walden des laissés-pour-compte qui ont travaillé sur la ligne ferroviaire qu'il pouvait voir et entendre de sa cabane, tels des Indiens, des travailleurs immigrés irlandais, des esclaves, mais aussi des ouvriers agricoles avec leurs enfants vivant dans des fermettes proches de masures et pieds et poings liés dans une misère crasse.
Il a connu quelques mois de prison pour s’être battu ouvertement pour l’abolition de l’esclavagisme juste après la guerre entre le Mexique et les USA.
Le livre en lui-même n’est pas une lecture difficile mais pas très agréable à lire non plus, sinon de belles pages quand il est admiratif et sensible à l’intimité de son environnement.
Néanmoins c’est le témoignage intéressant et courageux d’un homme de conviction visionnaire qui interroge et continue de nous interpeler de façon surprenante, 175 ans après…
Une belle personne dotée d’une intelligence du cœur qui voyait loin et assez juste...
« Si nous voulons guérir réellement l’Humanité (…) montrons-nous avant tout nous-mêmes aussi sains et simples que la nature. »
« (…) mettons-nous à faire le bien (…) je dirai plutôt : efforcez-vous d’être bon. »
1846. Thoreau est emprisonné pour avoir refusé de payer un impôt en signe d'opposition à l'esclavage. Trois ans plus tard, il écrit la liberté et la responsabilité politique de chacun. Un livre très court mais très inspirant. A lire n'importe où et n'importe quand et à méditer.
J'ai enfin osé lire Thoreau. Je dois avouer qu'il me faisait un peu peur ce grand monsieur. le nombre de fois où j'ai pris puis reposé Walden en librairie est à peu près équivalent au nombre de jours passés en confinement.
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J'ai donc opté pour cette sélection de textes faite par Michel Granger et trouvé la bonne porte d'entrée pour découvrir la pensée de Thoreau.
Des textes courts à travers lesquels on découvre les grands thèmes qu'il a développé au cours de sa vie: les bienfaits que l'homme peut tirer de la communion avec la nature, la préoccupation écologique, la tyrannie de l'économie, la course au progrès, la décroissance, l'envahissement de la consommation...
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Particulièrement réceptive à ses réflexions sur le travail, plus réticente envers son désintérêt pour la politique, j'ai découvert un penseur non-conformiste, anti-moderne, radical et innovant pour un homme du XIXeme.
La modernité de son propos est désarçonnante et à l'opposé des idées de son époque où l'on mettait en avant la productivité.
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Si vous voulez briller lors d'un futur repas mondain et dire que vous avez lu Thoreau, il vous faut ce livre
Courte lecture mais qui nécessite d'y passer un peu de temps pour bien saisir l'ensemble des idées exposées. Effectivement, l'auteur semble écrire "comme il pense", ce qui ne rend pas toujours la lecture aisée.
Un essai fort intéressant qui ouvre de nombreuses portes si on se donne la peine de réfléchir sur le sujet présenté.
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