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Voici un roman différent. On est à bord d'un semi-remorque transportant des cadavres auprès des deux conducteurs.
Mais tout ne va pas se dérouler comme prévu, entre les lubies du Vieux qui imaginent sa fille parmi les cadavres et le Gros qui se découvre au fur et à mesure dans une délinquance débutée jeune par un meurtre.
Le récit est écrit à la fois en continu, suivant la pensée de Gros, puis de temps à autre, tel un récit descriptif.
L'exercice est certainement difficile pour retracer la pensée d'un personnage aussi simple mais tout en étant si complexe.
C'est une fuite vers une destination connue des deux personnages, un récit qui se termine dans un dénouement prévisible mais libérateur.
Dans la biographie de l’auteur, en dernière page de sa novella "Eye Track", il est écrit que ce titre est sa première incursion en littérature jeunesse. Il est donc normal que je l’ai appréciée puisque l’on dit aussi que vieillir c’est retomber en enfance.
Oui j’ai apprécié ce très court roman malgré le côté science-fiction qu’il développe dans sa seconde partie, beaucoup plus longue, d’ailleurs, que la première. 2017…une manifestation, trois personnages : Margaux, une militante "femen" qui ne craint plus de défiler seins nus, Lucas, photojournaliste et Romain, policier chargé du service d’ordre. 2042… la vie a bien changé et les enfants des héros de 2017 vivent les yeux cachés derrière des lunettes obligatoires, les "Eye Track" qui filtrent tout ou presque et leur cachent le réel. Ils vont essayer de s’en échapper…
J’ai reconnu là toute l’originalité de l’auteur déjà rencontrée dans son roman sélectionné pour le Prix Quais du Polar/20 minutes 2021 "Mitclán". Originalité de l’écriture, vive, sèche et poétique à la fois. Elle est précise, parfaitement équilibrée entre récit et dialogues, entraînante. Originalité aussi du sujet abordé. C’est à la fois une histoire forte, émouvante, captivante, et une véritable réflexion sur la démocratie, l’évolution des mœurs. Ce court roman nous fait prendre conscience de la responsabilité qui est la nôtre dans ce que sera la vie de nos enfants. Belle étude aussi de l’importance du regard, de celui que l’on porte, de celui que l’on échange, de ce que l’on peut regarder ou pas… Le tout est mené tambour battant à un rythme rapide mais parfaitement maîtrisé.
Voilà un ouvrage qui, si j’étais toujours enseignante, ferait partie des textes à étudier tant il contient de pistes à explorer sur les dangers du monde de demain.
https://memo-emoi.fr
Mictlán, en langue nahuatl, famille des langues uto-aztèques, et actuellement la langue indigène la plus parlée au Mexique, signifie « le lieu des morts », où les défunts accèdent à l’oubli après un long voyage à travers le monde d’en bas.
Le titre de ce thriller, peu conventionnel, de par sa traduction résume assez bien l’âme de celui-ci.
Dans un pays d’Amérique latine, jamais nommé, même si Sébastien Rutés a pris comme point de départ un fait divers mexicain datant de 2018, où la criminalité, comme les inégalités et la pauvreté ont explosé, les élections approchent. Le Gouverneur, candidat à sa propre réélection, doit tenter de cacher tous ces cadavres victimes de la violence ordinaire, « vu que les chambres froides des morgues et des hôpitaux et même des boucheries-charcuteries sont pleines, et les cimetières aussi ... ».
Deux hommes, au passé sombre, Gros et Vieux ont accepté de prendre le volant de ce semi-remorque chargé de 157 cadavres. Ils ont l’ordre du Commandant de rouler 24 heures sur 24, sans jamais s’arrêter sauf pour faire le plein de carburant et alors, interdiction d’ouvrir la remorque réfrigérée.
C’est donc à ce voyage que nous sommes conviés, dans cette cabine où les deux protagonistes se relayent et se surveillent. L’auteur nous laisse entendre les points de vue de ces deux hommes hantés par leur passé de misère et de violence livrant leurs pensées, ainsi que celui du narrateur, tout au cours de ce voyage hallucinant et sans pause, comme la longue phrase que constitue le premier chapitre.
Mais le lieu où les morts peuvent enfin accéder à l'oubli, est encore loin et les embûches vont être nombreuses et il va falloir faire face aux narcos, aux gangs, aux flics, aux militaires... Nous sommes plongés dans un pays en proie au chaos le plus total, dans un monde inhumain, où tout est hostile, où la violence, la terreur et la mort règnent : pour survivre, il faut tuer.
C’est un roman noir, très noir, avec cependant des petits instants de beauté et, vers la fin du voyage, une lueur d’humanité et comme une sorte d’apaisement.
Ce petit opus très sombre, assez éprouvant, dérangeant, bouleversant, au style épuré mais non sans une certaine poésie, ne peut en aucun cas laisser le lecteur impassible.
La forme littéraire est en complète adéquation avec le fond du roman, ni trêve, ni respiration : un véritable exploit !
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Ils ne sont jamais nommés. Ils sont juste désignés comme Gros, Vieux et l’Architecte. Le lecteur monte dans le camion avec eux. Le road-trip est alors lancé ! La lecture se fait au rythme du voyage. Lorsque les personnages sont en train de rouler, les phrases sont longues, très longues. Elles sont ponctuées de virgules, au rythme du roulis du camion. Les mots se suivent, les idées s’entrechoquent, les digressions s’immiscent sans interruption. Successivement, on entre dans le cerveau de chaque protagoniste, qui va nous narrer sa vision de la situation en cours.
Quand le véhicule s’arrête, que les hommes descendent sur la terre ferme, la syntaxe « normale » reprend ses droits. Les phrases retrouvent une longueur classique, comme une pause dans le périple. Mais ces courts moments ne sont pour autant pas reposants, parce qu’ils sont le prétexte à des scènes de fusillades débridées et sanglantes. Et cela ne dure jamais longtemps, on reprend très vite le volant.
Le roman est court et c’est une bonne chose. L’effet de style utilisé par l’auteur est très efficace mais pourrait devenir lassant. Ne pas croiser de points durant plus d’une page est assez déroutant et ne laisse que peu de place à la respiration. Comme ce huis clos est oppressant, cette méthode est très adaptée pour faire ressentir les sensations au lecteur. Seulement, à la fin, on est content que ça se termine pour pouvoir reprendre son souffle.
Sébastien Rutés réussit un livre atypique et maîtrisé qui vous stressera tout au long de la route. Durant les longues réflexions des personnages, il en profite pour parler du côté sombre du pays traversé (qu’on imagine en Amérique du sud) et des us et coutumes peu commodes de ses habitants. C’est angoissant, violent, macabre, désespéré, tout ce qu’on aime dans un roman noir !
http://leslivresdek79.com/2020/07/07/568-sebastien-rutes-mictlan/
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