Cette semaine, Jean-François a choisi Nadine pour partager sa lecture et son avis sur le livre Demande, et tu recevras de Sam Lipsyte (Monsieur Toussaint Louverture), pour le Club des Explorateurs de lecteurs.com
DEMANDE , ET TU RECEVRAS de Sam Lipsyte
La quarantaine bedonnante, époux de Maura et père de Bernie, son fils de quatre ans, Milo Burke perd son travail de chasseur de mécène pour une université new-yorkaise de second ordre qui, avec la crise et le boom des nouvelles technologies, commence à battre de l'aile.
L'université lui donne une seconde chance : Purdy Stuart, son pote qui a « effectivement bâti sa fortune seul mais grâce à celle de son père »veut faire un don à l'université à condition d'avoir affaire à Milo.
Autour de cette histoire, l'auteur développe avec ironie, cynisme voire cruauté, les rencontres et les évènements que vit le héros , « un vrai loser.....sa Majesté des losers, Beurk 1er », dit de lui Llewellin, leur « modèle à tous » à l'université.
Milo, toujours à distance de lui-même et des autres, subit les évènements, même sa fureur, face à une vie qui n'a rien à voir avec celle qu'il désirait. Milo voulait être peintre et parle au début du roman de son « amertume, ce grondement solitaire » pour finir après beaucoup d'épisodes « amer d'amertume ».
Dans un monde sans repères, l'absence des pères est d'ailleurs un des signes des personnages, Milo se veut présent pour Bernie et les rapports avec son fils nous donnent les seuls moments de tendresse du livre.
Dans sa confusion et ses doutes, Milo nous et se pose la question : quels modèles adopter dans un monde globalisé où le seul curseur de réussite est l'argent ? En ce sens , Demande,et tu recevras est éminemment politique.
Ce livre est dérangeant par l'effet miroir que nous renvoie le personnage de Milo. Nous doutons et nous méfions de modèles, de standards qu'on voudrait nous imposer mais qui ne nous conviennent pas sans pour autant résister de manière effective à ce mouvement. L'auteur d'ailleurs pense à tout car vers la fin du livre, Milo nous prend à parti : et vous, qu'est ce que vous feriez ?
Sans avoir aimé ce livre, ni l'histoire ni les personnages, je ne suis pas rentrée dedans, je vous invite à le lire pour les interrogations et les traces qu'il laisse chez le lecteur : qui est loser ? Qui est winner ? Qu'est-ce que le collectif, la vie en société ? Quelles valeurs sommes-nous prêts à défendre ? Bref, des questions très actuelles et je suis peut-être passée à côté .... Je vais le relire ! .
Très doux euphémisme que de dire de Milo Burke qu’il est un looser. S’il y avait une compétition pour cette catégorie dans la fiction américaine, il serait sans nul doute sur le podium au jour de la remise des médailles. Salarié obscur et peu respecté d’une Université américaine à la cote usée, mari trompé, père totalement dépassé, le héros de ce roman ne maîtrise absolument plus rien. Et quand un vieux copain de Fac blindé réapparait dans sa vie, la chance espérée se transforme très vite en descente aux enfers. Dans la veine des personnages classiques des Frères Cohen ou de celui du « After Hours » de Scorsese, le héros de Sam Lipsyte apparait très cinématographique de par les situations on ne peut plus décalées, et des pages hyper-dialoguées. Le pessimisme est roi dans cette errance à l’humour d’initié. Est-ce un cauchemar ? Non. Seulement la vie quotidienne d’un quadra américain qui perd une à une toutes ses illusions en prenant les mauvais aiguillages. D’autant plus que nul personnage gravitant autour de Milo n’est à sauver. L’Amérique n’a pas protégé ses enfants, que ce soient les anciens étudiants ou les anciens combattants. Les femmes n’ont pas droit non plus à un régime de faveur et les enfants sont en pôle-position pour devenir pires que leurs parents. Pour tenir un tel rythme de désolation, de cynisme et d’humour plus noir que noir, Lipsyte fait preuve d’un talent évident pour la satire et se pose en héritier des Stephen Dixon et Raymond Carver, peintres à l’acide de la nation bien aimée.
Monsieur Toussaint l’Ouverture démontre encore une fois sa qualité première d’éditeur en allant nous dénicher ce petit bonheur de littérature américaine qui faute de créer de l’espoir, nous aidera encore à affronter le désespoir avec le sourire.
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