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Il existe des livres où l'on traîne la patte pour tourner les pages. Non qu'ils soient inintéressants, mais plutôt parce qu'ils sont compliqués : on connaît déjà la fin. Certes en lisant des livres d'histoire, on connaît toujours la fin des événements. On sait que Marie-Antoinette va finir décapiter et qu'Anne Franck va finir sa vie dans un camp. Mais ici c'est différent. C'est différent parce que Robert Pike a pris le temps de reconstituer aussi minutieusement que possible la vie de ce village. Politique, mariage, naissance, éducation, religion, fête, sport, orchestre, camp de réfugiés... toute la vie de ce village renaît sous la plume de l’historien. Redonnant ainsi une dimension vivante à ce village fantôme.
Un village en France :
Débutant son livre à une date antérieure à 1939, Robert Pike va nous donner l'occasion de voir comment vivait ce village rural avant la guerre. De ses gantières à ses commerçants, en passant par ses paysans, il apparaît au final que ce livre sur Oradour est plus largement une prise de vue réelle de ces villages français de l'entre deux guerres, qui se développaient à la lisière des agglomérations. Brassage de population, où l'urbain et le rural se croisent tantôt pour un week-end à la campagne tantôt pour travailler en ville, avec son tramway Oradour sur Glane est une bourgade prospère ouverte sur les environs. Et ce comme bien d'autres petites villes.
Une période troublée :
Mais avec la Seconde Guerre mondiale, la vie au village va devenir plus compliquée. Surtout à cause du rationnement et des réquisitions, et des nouveaux comportements. Étant donné que les lois de Vichy s'appliquent à Oradour comme ailleurs, et que la population des villes vient chercher à la campagne ce qu'elle ne trouve plus en ville, il s'y développe un marché gris (moins cher et plus toléré que le marché noir) qui encourage la pénurie.
Toutefois, à côté de ces problèmes de pénurie - moindre à la campagne qu'en ville - que toute la France a connu et qui oblige de ne plus suivre les lois édictées par le gouvernement pour arriver à vivre, c'est surtout l'ambiance d'Oradour sur Glane que l'auteur va prendre le temps d'aborder.
En effet, nous plongeant dans le quotidien de ces futures victimes, on remarquera que la guerre de 39-45 ne change au final pas grand chose au village. Certes, il n'y a plus de bal, il y a un p'tit peu plus d'habitants, il y a les réquisitions, des difficultés multipliées, mais au final on comprend très vite que devant les impératifs de la vie, la politique n'a que peu de prise. Bien sûr, il y a eu ces pétainistes qui n’étaient pas collabos ; ces gens attentifs aux idées antisémites de Vichy ou nazis mais qui sympathisaient avec des juifs ; ces réfractaires au STO ; l'absence de maquis car trop loin des terrains favorables à son installation (sans parler du manque de moyen) ; ce curé heureux de voir son église un peu plus peuplée y poreux aux idées de Vichy... mais au final la vie a continué comme avant l'invasion allemande, malgré la peur, malgré le manque, malgré le danger. Le paysan s'occupe de ses vaches, le boulanger de son pain et le bistrot de sa clientèle.
Attention, je ne dis pas que tout a été à l'identique, et que les habitants n'ont pas vu passer la guerre jusqu'à ce jour de juin 1944 ! Ils en connaissaient les effets et n'acceptaient pas les sacrifices demandés pour le Reich, mais le fait est que les allemands ne sont jamais spécialement venus à Oradour. Ce qui sans doute permettait de ne pas y penser constamment et de vivre plutôt normalement.
(suite blog)
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