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Robert Littell est un excellent vulgarisateur. Comment dépeindre la tragédie absolue qui débuta en novembre 17 pour s’achever (s’est-elle vraiment achevée ?) en 1989, toujours en novembre ?
Il choisit d’insérer dans l’histoire russe deux new-yorkais qui rêvaient de révolution : un juif ayant fuit les pogroms de l’ancienne Russie et un aventurier mêlé aux luttes ouvrières du début de siècle. En imaginant que Trotski les ramène avec lui en Russie après la première révolution de février, il les immerge dans la grande histoire jusqu’à ce mois de mars 53 qui marqua la mort de Staline. C’est habile car il va pouvoir utiliser l’idéalisme de l’un en le confrontant à l’opportunisme sans scrupules de l’autre. Dans les révolutions, il y a beaucoup d’idéalisme au tout début qui s’efface vite face aux opportunités qui surgissent presque aussitôt. Dans le meilleur des cas les idéalistes se font opportunistes, dans le pire des cas ils sont éliminés par les opportunistes.
Robert Littell met les points sur les « i », la révolution permet à certains individus de révéler puis de développer leurs tempéraments criminels et sadiques. La scène de la page 128 est un sommet du genre : « Demande grâce » ordonna Tuohy. Alexinsky fit l’erreur de dire : « S’il vous plait. » Quand sa bouche s’ouvrit, Tuohy y glissa profondément le canon. Alexinsky s’étrangla mais Tuohy, savourant le moment, ne tira pas. Les yeux d’Alexinsky devinrent vitreux de terreur. Les doigts de Tuohy le picotaient, tant le sentiment de puissance – et le plaisir – qu’il éprouvait était grand. Souriant légèrement, il appuya sur la détente. »
C’est cousu de fil blanc, l’un finira dans un beau bureau et un grand appartement mis à sa disposition par le NKVD, pendant que l’autre goûtera de la Loubianka pour n’avoir pas dénoncé un poète.
Ca se lit comme un roman policier, les événements historiques sont, pour la plupart, indéniablement et tragiquement exacts et la force du réquisitoire réside dans la foule de petites anecdotes toutes plus tragiques les unes que les autres. Elles mettent un visage sur les souffrances et le chagrin de quelques unes des innombrables victimes pour finalement donner tort à Staline auteur de l’abominable citation « La mort d’un homme est une tragédie. La mort d’un million d’hommes est une statistique.» Le personnage du poète est emprunté à Ossip Mandelstam* dont le courage inouï lui valut la mort mais aussi la postérité pour le poème ci-dessous, composé en 1934 en pleine terreur :
« Nous vivons, sourds à la terre que nous foulons,
Nul ne perçoit nos discours à dix pas.
On n'entend que le montagnard du Kremlin,
L'assassin, le tueur de paysans.
Ses doigts sont gras comme des larves
Et les mots, lourds comme du plomb, tombent de ses lèvres.
Ses moustaches de cafard rient,
Et la tige de ses bottes brille.
Autour de lui, un ramassis de chefs au cou flexible
Demi-hommes serviles avec quoi il joue.
Ils piaulent, ronronnent ou geignent,
Lui jacasse et pointe le doigt,
Forgeant une par une ses lois, pour les jeter
Comme des massues à la tête, à l'oeil ou à l'aine.
Et chaque meurtre est une fête
Qui enfle de plaisir la large poitrine de l'Ossète. »
*Littell lui a consacré un autre de ses romans : L’Hirondelle avant l’orage.
Comment un jeune aristocrate diplômé de Cambridge est-il devenu l’espion le plus célèbre du XXème siècle sans avoir été inquiété le moins du monde ? De 1934 (année de la fin de ses études et de son recrutement par les soviétiques) à 1962 où, sur le point d’être démasqué, il fuit en URSS, un parcours fascinant le conduit à intégrer les services secrets britanniques puis à devenir le chef de la section chargée de lutter contre les espions soviétiques ? On croit rêver.
Pourquoi a-t-il, en compagnie de quatre de ses condisciples de Cambridge, décidé de trahir son pays ?
Robert Littell répond à ces questions et dresse le portrait intime de ce jeune idéaliste ainsi que de sa première épouse et de ses officiers traitants du NKVD. De Vienne à Moscou, son itinéraire passe par Londres où il gravit les échelons du MI6, Salamanque et Burgos, où il est correspondant de guerre auprès de Franco, Biarritz où il livre ses renseignements, Gibraltar où on lui demande d’assassiner Franco et Calais où il embarque pour l’Angleterre sur l’un des derniers bateau de pêche au moment de la débâcle. C’est une succession de scènes et de dialogues très vivants qui illustrent cette vie d’espion. Ses « employeurs » ont toujours eu des doutes sur la réalité de son engagement et plusieurs analystes du NKVD ont clairement indiqué qu’il était, à leurs yeux, un agent double. Trois d’entre eux le paieront cher et la scène, où devant Staline, ils expriment leurs doutes est, sans doute, le sommet glaçant de ce roman fascinant.
En conclusion, sur des éléments fournis par le Mossad et un ancien directeur de la CIA, l’auteur arrive à se demander si Kim Philby n’était pas en réalité un agent triple. Les agents du NKVD désavoués par Staline avaient-ils vu juste ? C’est difficile à croire mais, avec les espions, sait-on jamais ?
Si vous avez eu la chance de visiter le parc de Mesa Verde dans l'état du Colorado vous pourrez imaginer facilement le décor de ce roman étrange et captivant. Le héros, ancien de la guerre du golfe, les apaches descendants des anasazis vivant près du "cliff palace", des irréguliers de la CIA et un tueur du KGB qui a du nez déroulent le fil rouge qui les amènera à imposer leur loi à la mort. Si vous n'avez pas encore visité ce parc ce roman déroutant à la mécanique impeccable vous donnera envie de suivre leurs pas.
J'ai été emmené par l'histoire et l'Histoire
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