Lara entame un stage en psychiatrie d’addictologie, en vue d’ouvrir ensuite une structure d’accueil pour jeunes en situation d’addiction au numérique...
A travers le destin chaotique de Miranda, on traverse la vie de toute une génération qui a perdu le goût de vivre dans un monde désespérant et désespéré. Comment grandir et être heureux dans un monde où le climat se dérègle, la vie politique part à vau-l’eau, où l’avenir est anxiogène ?
Rebecca Lighieri s’y entend lorsqu’il s’agit de s’infiltrer dans la vie de personnages hypersensibles, inadaptés et rejetés de la société, des atypiques et elle a ce don pour raconter cette humanité souffrante sans tomber dans le misérabilisme.
Miranda n’échappe pas à la règle. Pour ses parents, comédiens célèbres, est une fille frêle et solitaire qui préfère se réfugier dans son monde imaginaire plutôt que d’affronter la vie.
Ses parents, Armand et Bike, ont toujours veillé sur leur fille unique qui ne manque de rien. Si la mère peut se montrer distante, le père est sous le charme de cette enfant fragile à la blondeur délicate et à l’appétit d’oiseau.
Amoureuse, Miranda finit par quitter le cocon familial si protecteur
« Je sens Miranda, à la fois émue et pressée d’en finir avec l’enfance, ses parents, la sujétion familiale…Je la serre dans mes bras, comme toujours étonné par sa petite taille, sa minceur, la fragilité de son ossature tandis que je l’étreins de mes grosses pognes d’ours. »
A travers la narration d’Armand, on découvre la singularité de Miranda qui vit dans un monde peuplé de fées et d’elfes et qui, la nuit, est visitée par des fantômes. Mais le père ne voit là qu’une hypersensibilité et il s’inquiète pour sa fille, lui qui jouit de la vie, prend ce qu’elle a à lui offrir et cabotine sur scène. Quant à Bike, la mère, toute entière tournée vers son métier de comédienne, on découvre la maltraitance subie durant son enfance avec des parents toxicos et son extraordinaire résilience. Car des ombres, dans ce passé familial, il y en a beaucoup.
Lorsque, dans la seconde partie du roman, c’est Miranda qui prend la parole pour se raconter, tous les évènements décrits dans la première partie prennent une tout autre dimension. La fillette fragile est une jeune fille extra lucide d’une maturité blasée et déjà désabusée par la vie. Et ce monde secret qu’elle dissimule mais qu’elle entrouvre pour nous est déconcertant.
« Les moments heureux de ma vie se comptent sur les doigts d’une main. Je parle des moments vraiment heureux, d’un bonheur absolu, sans nuages. J’aurais dû le connaitre, pourtant, ce bonheur absolu, entourée que j’étais d’adultes aimants et respectueux de mon enfance. Mais chaque fois que se profilait la possibilité d’une joie pure, une aile noire venait l’assombrir : la conscience de ma déviance et de mon indignité. »
Cette histoire, pleine de mélancolie et de désespoir, se raconte dans une langue sans afféterie. Mais autant il y a une certaine tendresse dans les propos du père, autant ceux de Miranda sont désabusés et pleins d’une fatigue de vivre, comme ces artistes, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison et d’autres encore, dont la vie a été aussi éclatée qu’éphémère.
L’addiction aux drogues, la sexualité débridée, les désillusions, tout cela décrit de façon cash, peut être déstabilisant mais c’est aussi la signature de Rebecca Alighieri.
J’ai été happée par la puissance de ce roman qui décrit avec maestria l’inquiétude d’une jeunesse.
Je découvre l’auteur avec ce roman parut en 2020 avant le confinement.
J’ai découvert une famille dysfonctionnelle des quartiers Nord de Marseille : le père tyrannique, la mère effacée, les deux aînés beaux comme des dieux et le troisième qui a des problèmes de santé.
L’auteure décrit l’atmosphère étouffante créée par le père qui bat ses enfants, et surtout le dernier ; l’héroïne que prennent ces mêmes parents ; le manque de nourriture et d’amour.
Pourtant, il y a toujours des chansons qui parlent d’amour, comme un pansement sur une plaie.
J’ai aimé Karel le narrateur, son impuissance d’enfant, son refuge chez les gitans du passage 50.
J’ai aimé sa soeur Hendricka qui deviendra une star de cinéma selon la volonté du père sans lui donner la moindre miette de son argent.
J’ai aimé l’appartement dans lequel se réfugie Karel : celui d’une vieille dame décédée qui a laissé tous ses souvenirs. Karel découvre le plaisir de cuisiner, de passer à table et de dormir dans un vrai lit à soi.
J’ai découvert les habitats de ce quartier, ceux de la cité Artaud : la décharge sauvage aux pieds des immeubles, les ascenseurs déglingués, les coursives taguées et les caves pourries – la laideur partout et la beauté nulle part. (p.239)
J’ai aimé les titres de chapitres qui reprennent des titres de chansons. Beaucoup de IAM, mais aussi Khaled.
J’ai aimé les mots de patois marseillais glissés dans les conversations.
J’ai aimé les gitans qui donnent refuge aux enfants de la famille, leur générosité.
J’ai eu de la peine pour Gabrielle qui croise la route de Karel et qui en sera marquée à vie.
Un roman avec des personnages plus vrais que nature et une atmosphère particulière.
Une citation :
ces chansons que nous écoutions tous à la cité, sans rien y connaitre et sans rien y comprendre, l’amour n’ayant jamais été dans nos moyens.
L’image que je retiendrai :
Celle de Karel passant des auditions mais n’étant pas doué car sans cesse rabaissé par son père.
https://www.alexmotamots.fr/il-est-des-hommes-qui-se-perdront-toujours-rebecca-lighieri/
Un livre comme celui-ci est aussi rare que l’alignement des planètes… Dans ce roman tout a trouvé écho en moi, tout m’a parlé, chaque scène, chaque dialogue… J’ai vibré à chaque mot, j’ai ressenti une empathie sans limites pour tous les personnages, même pour ceux qui, dans un premier temps, m’ont semblé moins sympathiques. J’ai fini par les trouver attachants, tellement pétris d’humanité. Oui, c’est ça. Ce livre, c’est du vivant, de l’amour pur, de la poésie. Ce livre, ce sont des personnages que l’on va porter en soi longtemps, avec lesquels on va vivre. Ils vont s’agglomérer à ces êtres dont je ne sais plus vraiment s’ils sont de fiction ou de chair et de sang.
Miranda, écrire ton nom me fait venir les larmes aux yeux, Armand, mon grand inconsolable, je te serre très fort dans mes bras, Birke, reste la lumière que tu es, et toi, mon pauvre petit Swan, frère d’Hémon, tu sais, celui qui devait être le mari d’Antigone…. Et moi, je me retrouve à jouer le rôle du Prologue, je parle d’eux, j’aimerais que l’histoire recommence, j’aimerais que personne ne se laisse « plus distraire par le bonheur », j’aimerais qu’ils écoutent ensemble l’oiseau qui vient chanter le soir, cet oiseau étrange dont personne ne connaît le nom. Mais voilà je ne peux rien faire que regarder mon livre fermé et cette histoire terminée... Si j’ouvre une page, une seule page, les larmes me viennent.
Drôle de chronique… pour un livre si merveilleux qu’il méritait sans doute mieux.
Mais les mots me manquent ce soir pour dire à quel point j’ai aimé ce roman fascinant et magique, envoûtant et poétique, fait de lumière et d’ombre, d’illusion et de réalité, de paradis et d’enfer, de passion et de désir…
Ce texte m’a enchantée et bouleversée.
Je l’aime infiniment.
LIRE AU LIT le blog
Un couple libre et flamboyant. Leur fille est d’une fadeur qui pourrait les désespérer. Mais la mère est trop préoccupée par ses propres ambitions pour se sentir redevable d’une quelconque attention pour cette enfant insignifiante. Le père est là, présent, mais impuissant lui aussi, et si aveugle …Lorsque la jeune fille devient la narratrice, il faut s’attendre à quelques surprises !
Ce roman est une claque. Rebecca Lighieri semble surfer sur cette vague qui consiste à asséner à son lecteur un choc. Des propos qui peuvent être dérangeants, mais qui pourtant nous retiennent, prisonniers de cette attraction dont sont responsables les personnages qui portent haut les couleurs de l’excès.
Addiction forte donc, dès les premières lignes, pour ce couple d’acteurs, dont on découvrira peu à peu l’histoire, et là encore le décor se modifie au fil des chapitres, révélant de sombres origines, qui peuvent expliquer bien des déviances.
Bien entendu, on se doute que Miranda n’est pas qui elle prétend être, mais les révélations sont au-delà des rêves les plus fous du lecteur.
Réalisme magique porté par une très belle prose, le talent de l’autrice n’est plus à confirmer .
515 pages POL 22 août 2024
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