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Bea Silva, la narratrice, est une jeune professeure d’université de 31 ans, solitaire et désabusée, qui enseigne quelque chose comme « la sociologie du tourisme, des sports et des loisirs » à Barcelone.
Un jour de neurasthénie comme les autres, elle lit dans le journal que le crâne du réalisateur de cinéma muet F.W. Murnau a été volé dans son tombeau. Elle soupçonne aussitôt Quirós, cinéphile et cinéaste en devenir, qui a été son colocataire pendant quelques mois dans la grande maison délabrée qu’elle loue à « LA PROPRIETAIRE ». Et Bea de commencer à nous expliquer le pourquoi de ses soupçons, le travail de Quirós, obsédé par Murnau, et son attirance à elle, pour lui, Quirós, attirance cependant non partagée.
Et quoi d’autre ?
Euh, là ça se complique, parce que ce bouquin est stratosphérique. Au sens où il m’est passé des kilomètres au-dessus de la tête. Tout ce que j’en ai compris, c’est qu’il est bourré d’ironie et d’auto-dérision. Que Bea se morfond dans sa carrière académique étriquée et sans perspectives, mais qu’elle ne quitterait son poste pour rien au monde : « … du drame que toute trajectoire universitaire, outre la sueur et les larmes, provoque : frustration et rares possibilités de lâcher la bride au désir et à la créativité ; un système de rétribution où le mérite n’est que peu récompensé ; […] interminables journées consacrées à la paperasse ; […] réunions monopolisées par des lèche-bottes ou des ineptes ; sentiments de haine exacerbés quand un article de votre spécialité ne mentionne pas votre travail ; solitude ; compétitivité ultra-capitaliste fusionnée avec des formes très originales de vassalité médiévale ; […] étudiants rarement motivés, despotiques et/ou capricieux comme un client VIP ; auto-complaisants discours inauguraux de la bouche du doyen en poste ; anxiolytiques et antidépresseurs ». Mais « l’université me tient dans ses mains, bien serrée comme dans une relation toxique, car j’ai besoin d’une carte de professeur portant le chiffre qui sert de code pour accéder à la production scientifique mondiale online, réservée aux abonnés. […[ Dit plus techniquement : ma continuité comme être vivant dépend de ma possibilité de connexion à Internet à travers le proxy de l’université, qui fournit de nombreux et appétissants abonnements, et sert d’intermédiaire entre moi et le savoir, pas très différemment du dealer qui à l’époque me vendait du haschich, la drogue selon moi la moins inélégante ».
Pour le reste, c’est une multiplication de digressions (mais à partir de quelle trame principale ? « J’admets que j’avance sans boussole, au gré des sujets qui me viennent à l’esprit »), d’évocations de personnalités plus ou moins connues et d’anecdotes les concernant (« Vous avez une idée du nombre de noms propres que j’ai cités dans toutes ces pages ? Trois cent trente-six ». Et encore, il restait 70 pages à lire), et 156 notes de bas de pages (le roman en fait 300), dont une bonne partie consistent à préciser ce que les personnalités susmentionnées faisaient à l’âge de 32 ans (celui que la narratrice aura bientôt).
Ce n’est pas que ce livre soit mal écrit, il est même érudit et brillant, mais au point que j’en ai eu mal aux yeux. Et l’autre problème, c’est que je n’ai pas compris où l’auteure veut en venir, tout cela m’a semblé vain, vide, prétentieux et surtout profondément ennuyeux (« Je ne me pardonne pas de l’avoir effrayé par mon penchant à émettre des propos so-po-ri-fiques »). Critique caustique de la vie universitaire et de l’époque actuelle noyée sous les flux d’informations (pour ce que j’en ai compris), ce roman n’était pas pour moi, plaisir de lecture quasi-nul. Selon la quatrième de couverture, « Sous le signe de l’Oulipo, voici un jeu séduisant pour des lecteurs intrépides » : apparemment je n’ai pas le profil. « Les informations ne se perdent pas dans l’obscurité mais dans l’excès de lumière, dans leur visibilité flagrante comme une pastèque trop mûre sur le point d’éclater. Je cite torrentiellement livres et films, tout en ressentant la liberté illusoire de la légèreté : il n’y a pas de position, pas de dehors ni de dedans, ni haut ni bas, il n’y a pas de culture, le matin n’existe pas plus que la nuit, il n’y que le plaisir anxieux de dévorer, de consommer, de vomir, de triturer, d’emmêler des idées, des concepts, des références […] Je l’avoue : je suis une narratrice bruyante ». Ce n’est pas moi qui l’ai dit.
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