Nos questions à Pierre Demarty pour "Le petit garçon sur la plage" (Verdier)
Nos questions à Pierre Demarty pour "Le petit garçon sur la plage" (Verdier)
Mais, saperlipopette, pourquoi ce roman de Pierre Demarty est-il passé quasi inaperçu ? Et pourquoi, ventre saint gris, ses précédents ouvrages n'ont-ils suscité davantage l'attention, la curiosité des médias, des critiques ? Et pourquoi, diantre, ces médias et critiques ne portent-ils à l'auteur Demarty tout l'intérêt qu'à mon sens il mérite pleinement ?
C'est pour moi un grandissime mystère tant chacune de ses œuvres suscite un enthousiasmant remue-ménage de méninges, un tsunami d'émotions composites et un feu d'artifice d'admiration éperdue pour un si grand talent. Jamais je n'ai été déçue par un de ses romans, par son écriture protéiforme, ni par les histoires singulières qu'il crée. C'est à chaque fois un voyage inédit, des découvertes époustouflantes et un ébahissement sans cesse renouvelé, pour moi. Ainsi on peut faire "ça" avec des mots, avec le langage écrit : jouer, jongler, batifoler, bousculer et emmener lea lecteurice aux confins de l'imaginaire, juste là où il rejoint la réalité la plus sensible, le fait divers le plus prosaïque et conduit à une connaissance accrue du monde humain.
Prenons "Mort aux girafes", par exemple, avant d'y plonger il est nécessaire de prendre son souffle car le roman ne se segmente pas en phrases et de point il n'y a point hormis sur les "i". Du premier au dernier mot on est aspiré par une histoire qui en percute d'autres créant quantité d'étincelles dont certaines deviennent d'autres histoires alors que d'autres s'envolent pour épouser la nuit. L'extrait de "Daimler s'en va" mis en exergue au début du roman de Pierre Demarty oriente la lecture vers un hommage festif à son auteur, Frédéric Berthet, disparu en 2003. En effet, l'intrigue initiale se concentre sur le suicide, dans une chambre d'hôtel de Bar-le-Duc, de Frédéric Berthet, homonyme de l'écrivain. Et c'est avec un humour ravageur (et dans" ravageur" il y a "rage"), que l'auteur (Demarty, pas Berthet) condense en quelques pages la vie et l'œuvre de Frédéric Berthet (l'écrivain, pas le personnage). Yvon Castropade, "détective privé dont les affaires ne marcheraient pas très fort" (p.66), ex-désastreux bibliothécaire sous le nom de Gilles Capodastre, expulsé d'un grand nombre de bibliothèques françaises et même "de la médiathèque François-Busnel de Merlieux" (p.77)(que j'ai aimé ce clin d'œil !), s'insinue à Bar-le-Duc, à la recherche de Frédéric Berthet et d'une enveloppe mauve en lien direct avec l'affaire Flamurd. Mais Frédéric Berthet est-il bien LE Frédéric Berthet ?
De ricochets temporels en gambades géographiques, les sinuosités narratives nous transportent jusqu'en 1862, "année sur laquelle on n'aurait pourtant pas parié un riyal yéménite après un mois de janvier un peu gla-gla et plan-plan" (p.146) date à laquelle Louis-Auguste Derolland et Paul-Henri Cullaz s'associent pour créer une usine d'articles en caoutchouc qui se spécialise dans le jouet. Quatre-vingt-dix-neuf ans plus tard, en 1961 donc et le 25 mai, jour de fête des Sophie, l'entreprise, "rebaptisée sobrement Delacoste" lance un nouveau jouet "en caoutchouc naturel, de dix-huit centimètres de hauteur, tacheté[e] de noir et de marron" (p.176) et "c'est l'amorce d'un bond spectaculaire pour la maison Delacoste, qu'on en juge en songeant simplement qu'entre le 25 mai 1961 et le moment où vous lisez ces lignes il s'est vendu dans le monde entier plus de cinquante millions d'exemplaires de ce niaiseux morceau de caoutchouc rotomoulé dont le couinant petit pet ventral a donc déjà tapé sur les nerfs d'au moins trois générations de jeunes parents sans que jamais sa popularité se démente" (p.176). Et c'est par ce jouet, doigt du destin, que se clôt l'intrigue en un final bouleversant qui, tel l'ouroboros, vient tragiquement mordre l'évènement originel du roman : le suicide de Frédéric Berthet.
De la haute voltige, vraiment ! Et je n'ai pas évoqué ici les allitérations, les attelages, les enchâssements... toute cette panoplie stylistique qu'avec brio l'auteur met au service de son propos-hommage et du bouillonnement romanesque qu'il met savamment et malicieusement en forme.
C'est désopilant, c'est passionnant, c'est déconcertant, c'est intelligent, c'est proliférant.
Total respect, Monsieur Demarty !
•COÏT OR NOT COÏT•
Prenez une longue respiration car cette phrase ne se finira que bien plus tard -du moins si vous lisez cette chronique qui ne sera pas à la hauteur de ce livre mais tant pis je n’avais que cela sous le coude (remarquez, sur le coude aussi)- je m’adapte a l’ovni que l’on pose sous mes yeux, oui car mort aux girafes ne ressemble à aucun autre, préparez-vous à une plongée dans l’absurde et l’impossible subtilité de sarcasmes enjoués - oui vous allez me dire encore de l’absurde, tu veux devenir Samuel Beckett pu quoi ? Remballe ton Godot il ne viendra pas - parce que tout débute avec le suicide annoncé de Frédéric Berthet, pendu à Bar-le-duc, il est vrai que dit comme ça j’aurais pensé que cela avait plus de gueule, tant pis, pas le choix, je vais vous bassiner sur une longue phrase -pas de 190 pages comme le roman - mais ne me poussez pas trop, le procédé me donne des convulsions à propos, bref comme disait Pépin, je ne le serai pas car finalement on a tous un peu de (Tennesse pour les fans de Johnny, je ne mange pas de ce pain la) Frédéric Berthet en nous car la vie est absurde si on se place à distance de quelques mètres ; ne serait-ce que penser qu’écrire une chronique sur Instagram changera le monde ou fera bouger les lignes, zen papillon, ça y est je digresse (Grèce) comme Pierre Demarty, arrêtez-moi je peux digresser toute la nuit, pourquoi dites-vous, tout bonnement parce que ce livre m’a ému, et je me suis mis à mettre à genoux (on se calme) devant le talent littéraire de l’auteur, car non seulement c’est écrit avec une finesse rare mais au-delà de l’humour, du sarcasme, de la dérision et de son auto, il y a cette sensibilité humaine qui transperce l’œuvre, il y a ce que je recherche dans la littérature, un style inédit et percutant, un point de départ évoluant à travers les strates du récit, un roman que vous ne croisez pas à tous les coins de rue (d’un côté les coins de rue ne sont pas fait pour cela non plus) au gré de subjonctifs imparfaits délicieux, d’une propension à ne jamais vous faire décrocher de cette phrase excepté incendie ou mort immédiate d’un de ses proches, nulle envie de voir apparaître un nouveau chapitre à la page d’après, c’est plutôt simple il n’y en a aucun, tout comme les points dans cette chronique qui par machinale envie je continue à mettre puis à effacer tel un goret sans cervelle, n’espérez pas la fin de cette chronique, elle continue encore et encore, il est dix heures du matin ici, prenez votre RTT et continuez à lire cette modeste recension, c’est la rentrée, qu’avez-vous mieux à faire excepté de choisir des carnets à spirales avec petits carreaux mais pas trop grands non plus, spirales arrondie et non carrée car cela change la pensée de l’élève, attention aux feuilles canson qui en deux semaines sont déjà usées car offertes à ses petits camarades qui les ont déjà jetées à la moindre rature, tout cela pour vous dire que ne m’encouragez surtout pas je serais capable d’en faire un livre, bon OK peut-être pas, mais ça ne s’appellerait pas Mort aux renards, hors de question, il y a déjà les réseaux sociaux pour cette tâche, mais ce que je peux vous assurer c’est que si vous avez aimé une once de ces quelques bribes, vous tomberez en pâmoison devant le travail de Pierre Demarty qui avec une sensibilité qu’on ne voit plus beaucoup en littérature, appréhende ces destins de vie qu’on aimerait croiser davantage, allez respirez, c’est bientôt fini, je vous aime beaucoup mais il faut que j’achète une corde, non, non, non, pas pour ce que vous croyez, il faut juste que je m’attache les doigts pour cesser d’écrire toute cette bacchanale, c’est assez fou car je n’arrive pas à lâcher le clavier, à quitter la lanceuse de javelot à la retraite ou la dame pipi à Jean-Bart de Montceau-les-Mines où Frédéric Berthet a le sens du détail, de l’inutile subtilité dans une langue aux effluves de classicisme remodelé, il es temps de vous abandonner mais ne me chauffez point, je serais capable de vous inonder des phrases sans point final, savourez-le il arrive dans 3….. 2….. 1…..a-wap-bop-a-loo-bop-a-lop-bam-boom.
Prenez une bonne inspiration avant d'attaquer la lecture de ce roman car il n'est composé que d'une seule et unique phrase ! Oui, oui, une phrase longue de presque 200 pages... Mais reprenons depuis le début, le lecteur est directement plongé dans le bain en entamant la lecture de cet ouvrage. Il découvre que Frédéric Berthet s'est donné la mort dans une chambre d'hôtel de Bar-le-Duc. Ce point de départ va ensuite déboucher sur une incroyable histoire dans laquelle la digression occupe une place de choix.
Pour les lecteurs aimant les lectures au style complètement décalé, voici un morceau de choix. Je suis plutôt très bon public pour ce genre de roman et il faut avouer que l'auteur maitrise l'art de la digression. Pour autant, j'ai quand même eu quelques difficultés à rester accroché à cette histoire. Bien que la rédaction d'une histoire de 200 pages en une seule phrase relève de l'exploit, cet exercice de style m'a laissé plutôt pantois. A vrai dire, ce parti pris ne facilite clairement pas la lecture et vient même la rendre plutôt laborieuse. Un exercice de style original est toujours intéressant mais si il apporte une réelle plus-value au récit ce qui ne me semble pas vraiment être la cas ici.
Concernant les très nombreuses digressions, tout comme cette construction en une phrase, on ne peut pas dire qu'elles facilitent l'immersion dans l'histoire. Il y en avait un peu trop à mon goût. Cela donne finalement un roman assez indigeste. Pour autant, certains passages fonctionnent bien et l'auteur arrive bien à jouer avec les émotions du lecteur. Globalement, l'écriture est soignée et le style décalé prête plusieurs fois à sourire. J'ai également été surpris par la chute de ce roman même si cela arrive d'un bloc à la fin du récit. Cette issue est bien pensée mais elle est jetée au visage du lecteur en à peine quelques pages et c'est un peu brutal.
Alors au final, que penser de ce roman qui dénote clairement dans le paysage littéraire ? C'est original, c'est plutôt osé, c'est clairement très travaillé et cela donne donc un objet littéraire intéressant. Il y a d'excellentes idées et le côté décalé fait plutôt mouche. Maintenant, les digressions poussées à l'extrême et cet exercice de style du roman en une phrase ne facilite clairement pas la lecture cela ne m'a pas permis de rentrer vraiment dans le récit. L'ensemble est plutôt décousu, pas simple à suivre et il y a quelques longueurs avec certains passages clairement pas toujours emballant.
Une impression mitigée donc mais je suis tout de même content d'avoir mis le nez dans ce roman tant le postulat initial est original et osé. Pas parfait, loin de là même, mais une vraie curiosité à n'en pas douter.
Ses précédents ouvrages, je ne les avais pas lus. Pierre Demarty, je ne le connaissais pas. Et puis, je l’ai entendu ou plutôt, je l’ai écouté. Je l’ai écouté parler de son deuxième roman "Le petit garçon sur la plage", je l’ai écouté débattre avec trois autres auteurs du thème "La fiction pour explorer le présent". C’était à la Fête du Livre de Merlieux, petit village de l’Aisne. L’intelligence et la pertinence de ses propos, son érudition, son humour aussi m’ont subjuguée, oui, oui, je dis bien, subjuguée. J’ai souhaité acheter son roman. Une amie me l’a offert, merci pour ce très beau cadeau. L’auteur me l’a dédicacé. Je viens de le finir.
Un jour, un homme voit au cinéma l’image mouvante d’un petit garçon abandonné sur la plage, il voit aussi cette autre image, fixe celle-ci, que tout le monde connaît désormais du petit Aylan allongé lui aussi sur une plage. Ce petit garçon-là existe ou plutôt existait car il est mort. Ces deux images, l’une réelle, l’autre de fiction, bouleversent l’homme du récit en tant que père et en tant qu’homme, lui font revivre son enfance au bord de la mer et l’enveloppent de sentiments très forts.
Pour tout dire, la crainte m’a gagnée à la lecture des premières pages. L’écriture n’était pas pour moi. De petites phrases, très courtes, hachées, répétitives, semblables et différentes à la fois, des mots simples juxtaposés, souvent les mêmes et cette expression que j’abhorre "Il y a" répétée à l’envi. "Il y a une rivière qui murmure et qui scintille. Il y a beaucoup d’arbres. Il y a des petits chemins. Il y a des grands champs de tournesols plus grands que les enfants … Il y a un grand terrain devant la maison… Il y a une terrasse… Il y a le grand silence de la campagne…" Pour moi qui cherche à l’éviter, à trouver pour la remplacer un verbe expressif, déroutant, original, ce n’était pas possible. Et puis, je ne sais comment, je me suis laissée envahir par les mots, le rythme du récit pareil au ressac de la mer, je me suis laissée submergée par cette langue particulière d’une beauté indicible.
J’ai particulièrement aimé la finesse et la poésie avec lesquelles l’auteur explique, dit, dissèque les sentiments de l’homme, du père, tout à coup révélés par l’image de ces deux petits garçons qui auraient pu être les siens. J’ai aimé ce qu’il fait de l’information, de cet imbroglio de nouvelles données ce 3 septembre 2015, jour de la découverte du petit corps d’Aylan sur une plage, qui vont de Kim Kardashian, aux quinze ans du jazz à la Villette, en passant par des conseils de régime et le taux de chômage. Dans cet inventaire à la Prévert, il nous donne à voir la vanité de notre monde.
J’ai aimé, beaucoup, beaucoup aimé ce roman d’une rare intensité, d’une universalité qui mènent à la réflexion intime et permet à chacun d’y découvrir une partie de sa vie.
Un petit garçon… un grand roman, un écrivain talentueux, un coup de foudre.
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