Taïna, indienne des Caraïbes, a été instruite dès son enfance pour devenir chamane, mais Christophe Colomb et les Espagnols arrivent...
En 2022, le succès d’Attaquer la terre et le soleil convainquait les éditions Sonatine de rééditer tour à tour les précédents ouvrages de Mathieu Belezi. C’est ainsi que reparait maintenant un autre volet de sa tétralogie consacrée, sans que lui-même ait de lien particulier avec ce pays mais parce que cette période reste méconnue, aux débuts de la colonisation de l’Algérie.
Si Attaquer la terre et le soleil se déroulait dans les toutes premières années de la colonisation, entrecroisant les voix d’un soldat et d’une mère de famille tout juste débarquée de France pour relater l’enfer d’une installation dans ce qui leur avait été vendu comme un eldorado, Emma Picard arrive en Algérie quelque vingt ans plus tard, en 1860. Veuve et sans ressources avec quatre enfants à charge dont deux encore très jeunes, elle a cru aux promesses d’un avenir meilleur lorsqu’un agent du gouvernement lui a proposé, à elle qui n’avait rien, une ferme de vingt hectares en Algérie.
Dès le début, le ton est donné. Hagarde, Emma qui a déjà perdu trois fils et veille le quatrième, blessé, dans les décombres de sa ferme, raconte une nuit durant, sa douloureuse litanie appesantie par la perte et les regrets se déversant en une seule longue phrase entrecoupée d’adresses accablées au mourant, leur épouvantable calvaire sur « cette satanée terre d’Algérie qui n’a jamais voulu et ne voudra jamais d’[eux] ». Mathieu Belezi se souvenait d’une telle situation évoquée par Maupassant dans un récit de voyage en Algérie. La vieille femme qu’avait rencontrée son aîné, il « en a fait [s]on Emma Picard. [Il l’a] simplement un peu rajeunie. Et puis [il l’a] laissée parler. »
Femme forte et courageuse, Emma raconte le labeur acharné et la vie habituée à se contenter de peu, dans un quotidien malgré tout joyeux parce qu’éclairé par l’espoir et conforté par les moments de répit. Pourtant, les dés sont pipés et les modestes moments d’apaisement en vérité des leurres masquant l’irrémédiable descente aux enfers qui a déjà emporté les précédents occupants de la ferme et s’apprête à faire dévaler les Picard à leur tour.
Car, peu importe le travail et l’opiniâtreté. Relégués par la colonisation sur des terres sans eau ni ressources que les catastrophes – « sécheresse, invasion de sauterelles, récoltes inexistantes ou détruites, tremblements de terre, famine, maladies » – achèvent de rendre inhabitables, ces pauvres gens dupés par de fausses promesses qui n’engageaient qu’eux – la plupart du temps des misérables sans autre choix – n’avaient dès le départ pas la moindre chance de succès. Ils sont venus grossir les rangs des près d’un Algérien sur cinq, eux aussi consignés loin des zones fertiles, décimés par la famine rien qu’entre 1866 et 1868.
Nuancée par des moments d’espoir totalement absents d'Attaquer la terre et le soleil, la narration plus progressive vers l’horreur n’en est pas moins implacable et son dénouement plus terrible encore. Mathieu Belezi offre une voix magnifique d’humanité et de vérité à ces malheureux sacrifiés, puis oubliés, dans la grande entreprise de pillage des richesses coloniales. Coup de coeur.
C'était un temps où l'homme blanc se donnait encore pour mission de conquérir le monde, un temps où la France décidait sans vergogne de coloniser et de piller l'Algérie.
En ce milieu du XIXe siècle, le tout puissant capitaine Vandel mène son détachement de soldats français à la conquête du désert. Au prétexte de civiliser un peuple, Vandel se livre à des extravagances démoniaques que rien ne peut réfréner.. Le Temps des crocodiles est un livre hors- normes, à la fois poétique et politique. Associant leurs visions, l'écrivain Mathieu Belezi et l'artiste Kamel Khélif nous font entendre et voir l'indicible : la barbarie coloniale, la beauté d'un monde qui survit au saccage.
Mon avis
Un texte qui ressemble à un conte. Un roman écrit dans une langue belle. Un récit plein d'animaux sages et d'oasis verdoyantes. Un rythme magique sans majuscule ou point. Une écriture odorante et chaleureuse. Une Algérie brutalisée, martyrisée, violée, ensanglantée, colonisée par une armée française monstrueuse. A s'offrir pour la beauté brute du texte et des images. A lire pour ne jamais oublier la sauvagerie des hommes.
Merci aux éditions @le.tripode pour avoir organisé un très joli concours qui m'a fait découvrir une si foudroyante œuvre littéraire..
Après Attaquer la terre et le soleil, la plume ensorcelante de Mathieu Belezi me ramène en Algérie avec Moi, le Glorieux.
Dans ce roman fort dérangeant, écrit sans points ni majuscules au début des phrases, un peu sa marque de fabrique, Mathieu Belezi m’a emporté dans la folie coloniale sur les pas d’Albert Vandel. Cet homme, à lui seul, représente toute une époque puisqu’il a… 145 ans, est d’une obésité incroyable et que cela fait cent ans qu’il dirige tout, symbole vivant d’une colonisation réalisée pour le plus grand bien des… Algériens !
Alors, l’auteur donne la parole à cet homme : Bobby caïd, Bobby baroud, Bobby la baraka, comme il aime être désigné. Au travers de son histoire qui débute dans sa villa de cinquante-quatre pièces, il va résister aux indépendantistes et raconter toutes ces années qui lui ont permis de faire fortune.
Autour d’Albert Vandel qui pèse 150 kg, on retrouve tous les Français qui se sont gavés sur un pays qu’ils ont développé, assaini, exploité pour leur plus grand profit. Malgré tout, apparaissent, de temps à autre, les Européens qui n’ont pas fait fortune mais tentent de vivre sur une terre qu’ils ont appris à aimer tout en utilisant au maximum la force de travail des autochtones.
L’histoire racontée par Albert Vandel à Ouhria qui s’en fiche et ne pense qu’à dormir, est violente, truculente, terriblement réaliste et peut être mise en écho avec ce qui s’est passé ensuite : l’indépendance, les luttes intestines, les islamistes, la guerre civile, la censure de Kamel Daoud et la « disparition » de Boualem Sansal depuis son arrivée à l’aéroport d’Alger.
Albert Vandel, lui, regrette le bon temps de Pétain, hait les communistes, les juifs et rappelle avec délectation la visite du président de la République, Gaston Doumergue. Les extraits des discours prononcés en 1930, lors de cette visite sont authentiques.
Sa vie sexuelle débridée refait surface régulièrement avec les six femmes qu’il a comblées… d’après lui… et qui vivent dans sa villa des Eucalyptus. Son récit alterne entre la guerre d’indépendance qui l’oblige à se réfugier sur les hauteurs d’Alger, au bordj Saint-Léon, et ses souvenirs racontés en plein délire. Il est sadique, insultant. C’est un personnage ignoble, persuadé d’avoir fait le bien pour un pays qu’il a exploité au maximum, une sorte de synthèse du parfait colon.
Mathieu Belezi prouve une fois de plus l’excellence de son écriture qui lui avait valu le Prix du Livre Inter. Le Bobby caïd peut régaler avec une nuit d’amour dans son domaine de La Chartreuse, au milieu des orangers, des citronniers, des mandariniers, des oliviers, du blé, de la vigne… Mais il peut aussi tutoyer l’horreur lorsqu’il s’en prend aux fellaghas, à la moindre contestation de son autorité.
Si la répétition de quelques formules ajoute une note d’humour, ce sont surtout les massacres, les horreurs, les souffrances infligées au peuple algérien qui ressortent car ces colons tout puissants se conduisent de façon ignoble, ne pensant qu’à leur profit.
Lorsque Bobby la baraka revient encore plus loin dans le temps, à l’époque où il n’était encore que capitaine dans l’armée française et que les premières familles de colons commençaient à vivre décemment, Mathieu Belezi offre alors un formidable chapitre, plein d’action et de suspense. Une fois l’épisode du lion passée, c’est quand Bobby baroud organise la défense d’une ferme attaquée par les Beni-Thour, que ma lecture est la plus palpitante, angoissante, terrible.
Ainsi, Moi, le Glorieux est une allégorie réussie montrant tous les travers de la colonisation qui se donne, au début, les meilleurs arguments mais qui dévie bien vite, devient perverse afin de profiter au maximum à quelques-uns, prêts à tout pour conserver les avantages acquis.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/11/mathieur-belezi-moi-le-glorieux.html
Chaque lecture d’un livre de Mathieu Belezi me fait le même effet. C’est un véritable coup de poing littéraire ! Impossible d’oublier la voix d’Emma Picard.
Nous sommes en 1860, la France envoie des colons en Algérie pour travailler les terres. Emma Picard, veuve, décide de s’y rendre en espérant offrir une vie meilleure à ses 4 fils dans cette ferme avec 20 hectares à cultiver.
Dans un monologue, sans points, et en italique lorsqu’elle s’adresse à son plus jeune fils Léon, elle raconte son histoire dans une sorte d’urgence. Elle dit cette terre d’Algérie qui ne veut pas d’elle. Elle retrace leur descente aux enfers : la sécheresse, la famine, les sauterelles, les maladies, le labeur, la pauvreté. Est-ce de l’aveuglement ou de l’espoir ? Malgré son obstination, elle ne peut rien contre la nature.
S’il s’agit bien d’un drame, tout n’est pas sombre. Il y aussi les joies simples, la vie en famille, l’amour d’une mère pour ses enfants, son désir pour Jules son amant. Et puis il y a Mékika, « leur Arabe », qui travaille avec eux en échange d’un toit et d’un repas.
Dans l’avant-propos, Mathieu Belezi évoque le point de départ de son roman. Dans un récit de voyage de Maupassant en Algérie, « Au soleil », il y a un passage sur une femme, « une Alsacienne qu’on avait envoyée en ces pays désolés, avec ses quatre fils, après la guerre ». Il donne une voix à cette femme, il en a fait son Emma Picard.
L’auteur ménage un certain suspense jusqu’à la fin. On tourne les pages en sachant qu’un grand malheur s’abattra sur cette femme touchante. Dans ce roman sensoriel, on sent la chaleur nous écraser, on entend la terre craqueler, on tremble avec Emma.
Mathieu Belezi a été mis en lumière en 2023, récompensé par deux prix littéraires (le Prix Inter et Prix littéraire Le Monde) pour son roman « Attaquer la terre », où il écrivait déjà sur la colonisation algérienne, mais à ses débuts. « Emma Picard » est une réédition, déjà parue en 2015 aux éditions Flammarion, mais dont nous n’avions pas perçu l’importance. Frédéric Martin a entrepris de rééditer toute l’œuvre de Mathieu Belezi aux éditions du Tripode. Pour ma part, je m’en réjouis et je serai au rendez-vous pour chaque parution. L’écriture est absolument magnifique.
Merci aux éditions du Tripode pour l’envoi de ce livre et à VLEEL pour la lecture commune.
A noter, comme toujours, la magnifique couverture. Ce livre sera en librairie dès demain et vous l’avez compris, c’est un coup de cœur que je vous recommande, si vous avez le cœur bien accroché !
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