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Mathieu, douze ans, se trouve confié aux soins d'un grand-père peu causant qui habite seul une ferme dans un coin désolé de Haute-Provence. Avant d'être confié au vieil homme, il devait supporter au quotidien des parents qui se déchiraient avec une violence insoutenable pour ses yeux d'enfant. La mère a fini par quitter le domicile en laissant l'enfant chez ce grand-père très âgé. Submergé par un sentiment d'abandon, Mathieu doit s'adapter à cette nouvelle vie, rude pour un garçon de son âge. Un apprentissage de la solitude, du silence, de la cruauté et des émois de la chair.
Après « Attaquer la terre et le soleil » qui avait été une lecture très forte, voici « Le Petit Roi », roman de Mathieu Belezi publié en 1998 que Le Tripode réédite cette année.
Mathieu, le narrateur, a douze ans. Il est recueilli par son grand-père maternel, paysan vivant dans une ferme de Provence. Où sont ses parents, que leur est-il arrivé, pourquoi n’est-il pas avec eux ? Le passé du garçon est nébuleux – tout comme les passages qui évoquent son père et sa mère – même si l’on devine qu’il est rempli de cris, de larmes et de drames.
La relation avec le grand-père est belle, tendre, apaisée, lumineuse, comme toutes les scènes où Mathieu et son aïeul sont réunis. Mais les traumatismes du garçon s’expriment par des actes de cruauté, envers les animaux, envers également un camarade de classe.
Ce court roman est extrêmement bien écrit. L’écriture est superbe, je souligne habituellement rarement des phrases mais l’auteur a un style assez incroyable. Il est étonnant qu’un roman oscille autant entre lumière (la relation avec le grand-père est très émouvante) et obscurité – Mathieu est un enfant attachant, et on devine au détour de certaines phrases (même si l’auteur cultive les passages où chaque lecteur pourra avoir une interprétation différente) qu’il a été témoin ou victime d’actes qui ont brouillé ses notions du Bien et du Mal, mais certaines de ses actions sont inexcusables, et il y a des scènes suffocantes.
On passe par toutes les émotions en lisant ce livre d’une centaine de pages. « Le Petit Roi » est d’ailleurs un livre parfait pour une lecture commune car les interprétations et les appréciations peuvent vraiment varier d’un lecteur à l’autre.
Un très beau livre.
Premier roman publié en 1998 sous le pseudonyme de Mathieu Belezi, Le petit roi accède enfin au devant de la scène grâce au succès l’an dernier d’Attaquer la terre et le soleil et à la décision du Tripode de commencer à rééditer les précédents ouvrages de l’auteur. Dans un récit d’allure faussement autobiographique - « Je fuis comme la peste l’autofiction. A trop parler de soi, on en oublie d’imaginer. Et que devient la littérature si le souffle de l’imagination ne bouscule pas le lecteur ? » déclare-t-il dans une interview pour le journal Libération -, l’écrivain met en scène Mathieu, un garçon de douze ans dévasté par les déchirures parentales qui ont mené sa mère à le confier à la garde de son grand-père. Le vieil homme qui, en ce milieu des années soixante, subsiste en solitaire, dans une vie simple et rude au plus près des saisons, sur sa petite ferme d’altitude en Provence, a beau déployer en silence toute son impuissante tendresse, le pré-adolescent écorché vif, qui se sent abandonné et pense que « rien n’est là pour qu’il vive heureux », n’est plus que rancoeur et s’en prend violemment à lui-même autant qu’à la terre entière, dans des accès de cruauté où s’expriment sa révolte et sa colère.
L’écriture âpre et sans concession ne commente ni n’enjolive. Ses traits ciselés comme à vif dans la matière brute des réminiscences se contentent de raconter simplement, la sobriété de ton amplifiant encore la violence d’une narration coup de poing qui vous laisse assommé et interdit de tant de fulgurance et de souffrance rentrée. Car le jeune Mathieu, abandonné par ses parents après les avoir vus se déchirer dans un paroxysme de haine et de fureur, se punit autant qu’il se venge de leur manque d’amour en faisant mal à son tour. Réfléchissant en miroir la violence vécue, la victime se fait alors bourreau de plus faibles, animaux ou garçonnet fragile, en un crescendo de scènes brutales et cruelles. Lui, qui, au fond, se sent « coupable de tout », se défend en adoptant la stratégie bravache du même pas mal, et, tâchant de se convaincre que « n’est coupable que celui qui veut l’être », « [s]e venge de la désinvolture du monde à [s]on égard » en se faisant tortionnaire en retour. Dans ce chaos affectif, seul surnage le lumineux miracle de la tendresse taiseuse du grand-père, un début possible de pansement qui laissera pourtant plus que jamais la plaie à vif lorsque, comme si tout attachement ne servait qu’à vous piéger pour mieux vous meurtrir ensuite, le cours inéluctable de la vie l’arrachera sans prévenir.
Troussé sans ménagement dans une langue aussi cinglante que poétique, mêlant tendresse et sadisme en une combinaison détonante et dérangeante, ce court texte magnifiquement écrit et travaillé a l’éclat sombre de son personnage, un petit roi lancé à corps et coeur perdus dans un apprentissage sauvage et solitaire, aux couleurs de la rage et de la frustration. Un grand coup de chapeau à la petite maison d’édition du Tripode pour avoir su révéler cette œuvre injustement méconnue.
Disons-le tout de suite : j’ai adoré la langue de l’auteur : son style qui parait direct et haché mais qui cache des trésors d’invention tout en restant compréhensible.
J’ai été plus ambivalente à propos du garçon : si je l’avais rencontré en chair et en os, je l’aurai considéré comme un enfant terrible voire dangereux, limite pervers.
Mais à travers les yeux de l’auteur, c’est un enfant en colère et qui souffre.
J’ai à la fois aimé et détesté son grand-père taiseux qui pourrait expliquer tant de chose. Mais il appartient à cette génération qui se tait.
J’ai eu de la peine pour le souffre-douleur du narrateur et les animaux qui croisent sa route.
Enfin, j’ai détesté ses parents, et surtout sa mère qui l’a abandonné dans cette ferme reculée sans un mot.
Un roman fort qui démontre encore une fois le talent de l’auteur à nous rendre sensible la douleur.
L’image que je retiendrai :
Celle du vélo dont le garçon raffole, se passionnant également pour le Tour de France.
https://alexmotamots.fr/le-petit-roi-mathieu-belezi/
Une histoire dont la puissance des mots, la beauté de l'écriture, la poésie des descriptions de la campagne, m'ont sidérée.
Quelle chance d'avoir découvert ce roman grâce à certaines chroniques ! C'eût été dommage de croiser ce livre dans une librairie sans l'acheter et j'aurais fort bien pu passer à côté au milieu de tous les livres publiés.
Je prévois déjà de le relire tant j'ai été touchée par le quotidien de ce grand-père taiseux et de son petit-fils en souffrance qui ne peut contenir la violence qui fait rage en lui. J'ai aimé la construction du roman avec de brefs retours sur le passé intégrés à la situation présente.
J'ai retrouvé des souvenirs de vacances passées dans une ferme à la campagne, en redécouvrant certains travaux agricoles, notamment les battages. La vie rude des paysans à une époque où l'on se réchauffait au coin du feu et où les chambres étaient glaciales en hiver.
Une lecture que je recommande vivement, mais attention, il y a des scènes dont la violence fait froid dans le dos.
Avez-vous lu ce roman ? Ou peut-être d'autres romans de cet auteur ?
Mathieu arrive chez son grand-père, un taiseux, vivant dans une ferme fouettée par le Mistral.
Sa mère l’a laissé là, pour quelques années.
Mathieu aime ce grand-père qui l’accueille à sa façon simple, faite de petites attentions et de liberté.
Mais Mathieu n’arrive pas tout seul chez son grand-père, il arrive avec ses traumas d’enfance et sa violence à l’égard des autres, qu’ils soient animaux de compagnie ou copains de classe. Une violence qui ne saurait être canalisée.
Ce roman offre un paradoxe au lecteur. On y retrouve d’un côté une relation entre un grand-père et son petit-fils d’une grande beauté, pudique mais solaire. Et de l’autre, des descriptions de violence terrible.
Le lecteur se retrouve donc face à un roman qui créé un malaise certain à ceux qui le lisent.
Ce roman est à la fois cru et poétique, beau et dérangeant.
Au final, je ne sais pas si je l’ai aimé ou pas. Il m’a chamboulé, par contre, c’est certain. Je pense que c’est un roman sur lequel il faut revenir, une lecture plus exigeante qu’il n’y paraît de prime abord. J’aime lorsque la lecture n’est pas simpliste et c’est clairement le cas avec ce court roman, mis en valeur par une couverture très poétique.
Les éditions du Tripode ont entrepris de rééditer toute l’œuvre de Mathieu Belezi. Il s’agit donc ici du premier roman de l’auteur, paru en 1998 initialement aux éditions Phébus et actuellement indisponible. Le texte n’a pas été retouché et il reste très cohérent.
J’avais adoré « Attaquer la terre et le soleil », paru en 2022 au Tripode et qui a reçu le Prix littéraire du Monde. Je n’ai donc pas hésité une seule seconde pour plonger dans ce livre en espérant retrouver la sublime écriture de Mathieu Belezi.
Mathieu, 12 ans, est confié à son grand-père maternel pour deux ans. Ses parents se déchiraient devant lui alors qu’il n’était qu’un enfant. Cette période l’a forcément marqué et ressortira sous forme de colère et de cruauté. Des scènes de violence conjugales passées surgissent dans le présent et se mêlent au texte. Le matin, il prend son vélo pour aller dans un collège catholique. Au père Tronc il préfère dire que ses parents sont morts. Et puis il se défoule sur son camarade de classe Parrot ou encore le chat. Raconté à la première personne, le lecteur vit et ressent la même chose que Mathieu.
C’est un garçon révolté. Il refuse de lire les lettres envoyées par sa mère, mais il n’espère qu’une chose, la revoir. En attendant, il se construit une cabane, il s’occupe des animaux de la ferme et du jardin avec son Papé qu’il adore. Une vie simple à la campagne, qui se déroule a priori dans les années 1950.
Il est aussi beaucoup question du corps, Mathieu devient un adolescent préoccupé par les filles dont le désir s’empare de son corps et de son esprit.
Il y a de magnifiques et poétiques descriptions de la nature. Les saisons défilent dans la garrigue. Bref l’écriture est sublime. Les émotions, les sensations et les sens constituent ce texte. D’ailleurs la fin est terrible et surprenante. Elle reprend la première phrase du roman : « Finissons-en ».
Un roman court, âpre, puissant et émouvant. Un classique !
Mention spéciale pour la magnifique couverture illustrée par Martin Zanollo.
Prodigieux, l’immensité-diapason, d’ombre et de lumière, déchirant et fondamental, la vertu existentielle d’un grand-père aimant, « Le Petit roi » qu’on aime de toutes nos forces.
Si beau que l’on pleure. Si triste que nos bras enserrent les paroles de cet enfant qui gravite dans ce récit déchirant et sublime.
Stylistiquement irrésistible, poétique, grave, l’aérien comme une vague qui se cogne sur les rochers. On ressent la nature comme un habitacle, un huis-clos, l’encre de ce texte grandiose, fin et ample, léger et résistant.
L’acuité pudique et noble, qui trace dans une douceur de ton, la finesse des traits de ce petit garçon d’à peine douze ans, Mathieu, déposé chez Papé en pleine campagne par sa mère partie en Andalousie.
« C’est dans cette étreinte de bal que commence l’idée de mon existence… C’est un soir d’août, roussi de chaleur, qui donne envie de pleurer… Ici les ciels sont écurés par un mistral qui n’a pas la main légère… Qu’ai-je fait pour mériter cet exil ?… L’éclat du jour m’aveugle ».
Ce petit poulbot, l’incertitude aux abois, le cœur tourbillonnant dans le méconnu, se jette contre Papé comme le pain pour la faim et l’eau pour la soif. Mains dans les cheveux lisses de l’enfant, les cigales annonciatrices d’une tendresse prête à éclore, enfin. Un peu, beaucoup, passionnément. Lui, qui a vécu la férocité des parents, violence conjugale, le mépris qui fissure les murs. Les mots fracassés sur le sol, porcelaine brisée, les paroles avortées avant le jour. Un jeu de massacres et de déchirures abyssales. Ce petit oisillon pris en otage dans une histoire de grandes personnes. Le seul témoin de ce naufrage annoncé. Le radeau de Géricault, le désespoir absolu. Le refuge-bergerie, tout recommencer, en mieux, en vaste. La plénitude des silences, connivence.
Papé, l’inaugurale bonté, le charme fou des sages d’antan, des paysans des lumières, le lait frais bu dans le petit matin, la chaleur lovée sous les tuiles. Les gestes comme des prières . « La tendresse de ces yeux lavés, de ces mains qui tremblent, comblent jour après jour le vide laissé par ceux qui m’oublient ».
Les heures théologales, l’enfant sur la marche de l’amour. La quiétude d’une stabilité. « Je lui donne la main ».
Et pourtant les pensées sont des pavloviennes rencontres avec sa mère. Ses cartes postales de palmiers et de sérénité sont avalées par les flammes dans la cheminée. Il y en au plus profond de cet enfant-écueil, les violences enfouies, les images inoubliables, lacérées, d’un antre à l’agonie. Le combat et un corps à corps avec lui-même. Tant d’épreuves sur ses frêles épaules.
Et s’élève l’aurore boréale d’un amour infini d’un grand-père pour son petit-fils.
« Devant la cheminée il y a mon cadeau de Noël : un vélo demi-course bleu et blanc. Je n’ai jamais su où il avait trouvé l’argent nécessaire à cet achat. Il était pauvre ».
Les rituels dans cette ferme sont régénérants, constants, magnanimes, et répondent à l’écho d’un Petit roi en quête de pain. Lui qui en silence, écrase sous ses pieds, les souffrances marée-haute. Il est confronté à l’énigme de la vie qui ne lui a laissé que le rocher de Sisyphe.
« La nuit est venue du bout du monde. Elle a tout pris… N’est coupable que celui qui veut l’être ».
Livre absolu, un grand-père matrice maternante, le lien fusionnel, l’évidence et le vertige. Les jachères fleuries, la neige lourde et divine sur le toit d’un royaume. On arpente ce chef-d’œuvre en larmes et sourires. Le moment-clef où nous pourrons nous aussi étreindre cet enfant de la nuit. Le feu de St Jean d’un livre viatique et tremblant de pluie et de lumière.
« Puis avec son couteau il pèle une pomme, la coupe en quartiers, me l’offre ».
Le geste fraternel, la transmission souveraine, le jus sucré de l’amour. Après « Attaquer la terre et le soleil » Prix littéraire du Monde 2022, « Le Petit roi » de Mathieu Belezi est l’excellence de la littérature. Publié par les majeures Éditions Le Tripode.
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