L'adaptation à l'écran du Prix Goncourt 2016 est une réussite saisissante...
L'adaptation à l'écran du Prix Goncourt 2016 est une réussite saisissante...
Entretien chez Gallimard avec l’éditeur Jean-Marie Laclavetine
Bravo à Leïla Slimani, également n°1 au palmarès de nos Explorateurs
#RL2016 : 560 romans à paraitre, nos #Explolecteurs vont en dévorer 50, venez les découvrir ici !
Conclusion de la trilogie sur l'histoire de sa famille au Maroc dans lequel elle se met en scène jusqu'à son arrivée à Paris. Elle y raconte sa vie et les évolutions de sa famille et surtout des femmes sur trois générations. C'est une fresque postcoloniale qui commençait par l'installation de la grand-mère, alsacienne, et de son grand père marocain, au Maroc.
Cinq ans plus tard, j'emporterai le feu est le dernier volume.
Les deux filles Mia et Inès, héroïnes de ce livre emporteront le "feu" partout où elles passent. Qu'est ce que vivre en étant scindées en deux, , refusant de se plier aux injonctions d'une société corrompue. Une tension constante règne entre l'individu et le collectif, l'intime et liberté d'un côté injonctions d'un pays et de ses croyances, entre les droits des femmes et un patriarcat liberticide. les personnages sont magnifiques et bouleversants.
De tous les genres littéraires, je crois que la saga familiale est de loin mon préféré. Suivre le destin d’une famille, prendre le temps de découvrir et de s’attacher à chacun de ses membres, observer comment l’histoire peut infléchir leurs trajectoires individuelles, tout ceci a quelque chose de fascinant et d’addictif. Alors, forcément, j’attendais avec impatience de retrouver la famille Belhadj, et point de suspense, ce dernier volet est passionnant.
Nous sommes à Rabat, au début des années 80, où Aïcha et Mehdi viennent d’avoir deux filles, Mia et Inès. Ils vivent confortablement, font partie de la bourgeoisie de Rabat, elle installée comme gynécologue et lui PDG d’une banque d’Etat. Ils sont respectés et leurs filles sont élèves du lycée français où elles côtoient la jeunesse dorée de la ville. Mais cela suffit-il à s’affranchir du poids des convenances ? Etre une femme dans le Maroc de ces années est-il plus simple pour Mia et Inès, qu’il ne l’a été avant elle pour Mathilde ou Aïcha ? Récit de 20 années feront l’apprentissage de la liberté, de la différence et de la douleur.
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Là où les deux premiers volets de cette saga faisaient la part belle au romanesque, celui-ci est plus intime et plus politique. Peut-être parce qu’il met en scène le double littéraire de Leila Slimani en la personne de Mia, et qu’à travers elle l’autrice avait besoin plus encore de s’exprimer. Peut-être parce qu’il dévoile des épisodes douloureux de son histoire familiale, avec notamment la plaie béante laissée par la disgrâce et le décès prématuré de son père. Peut-être parce qu’avec la disparition de Mathilde et Amine c’est tout un pan de son histoire qu’ils emportent avec eux, la laissant seule et sans mémoire.
Un roman tout entier axé autour de la question de l’identité. « Peut-on à la fois être d’ici et de là-bas », comment se construire quand on grandit « entre deux mondes ». Entre le Maroc et la France. Entre un monde d’hommes et un monde de femme. Entre le monde des privilégiés et celui des plus démunis. Entre le monde de l’intérieur, où l’on est libre de ses actes et de ses pensées, et le monde de l’extérieur, où tout est caché, où l’hypocrisie règne, où l’on fait semblant et où l’on a peur. Cela forge une identité fragmentée, fragile, qui finalement ne s’affirme que dans l’altérité. Car c’est en se confrontant aux autres que les héroïnes de ce roman prennent conscience d’avoir grandi dans « un pays à la périphérie du monde », tiraillées entre deux cultures.
C’est un roman de femmes aussi, peut-être plus encore que les précédents. Des femmes multiples et différentes, des femmes fortes, à l’image de Mathilde et d’Aïcha, des femmes qui résistent comme Mia ou Selma, mais des femmes toutes écrasées sous le poids des conventions, que la société leur impose ou qu’elles s’imposent elles-mêmes, figées dans la reproduction de schémas ancestraux. Enfin c’est un roman empli de sensualité, où une grande importance est accordée aux corps. Des corps qui s’épanouissent, jouissent et exultent, des corps blessés ou qui souffrent, des corps défaillants, qui s’effacent, s’étiolent et meurent. Emouvant et beau.
Il me restera de ces trois volumes le souvenir d’un texte d’une grande puissance romanesque, le sentiment de mieux connaitre la complexité de ce pays, le pays des autres, et le regret certain de quitter cette attachante famille
Esquisser une évocation de l’histoire d’un pays, le Maroc, à travers les membres d’une famille est un exercice littéraire périlleux et semé d’embûches. Il y a danger de simplifier les choses à l’excès, d’être réducteur, partisan, Il faut aussi éviter l’éloge inconditionnel, la célébration des racines incontournables sans lesquelles un être humain ne peut trouver son équilibre, ni se situer dans la nature et l’intensité de ses appartenances communautaires, religieuses, nationales.
Leïla Slimani publie le troisième tome de sa trilogie romanesque intitulée : « Le pays des autres ». Après avoir décrit dans les deux premiers tomes : Le pays des autres et Regardez-nous danser les premières générations de la famille Belhaj, entre la Seconde Guerre mondiale et les années soixante, Leïla Slimani poursuit cette évocation du Maroc des années 90 jusqu’à nos jours. L’auteure se focalise sur la troisième génération, particulièrement Inès et Mia, et sur les parcours de Mathilde, leur grand-mère née en Alsace et ayant épousée un Marocain, Amine Belhaj.
Dans les tentatives d’émancipation recherchées pas ces femmes, il y a la volonté de surmonter la peur, l’affirmation de nouveaux comportements, la recherche d’un pays où vivre sans chuchoter dans les lieux publics ou les réunions de famille. Leila Slimani rappelle que ces attitudes , ces défis aux opinions et aux conduites du moment , le conservatisme, le poids de la religion, de l’ignorance , de la bigoterie sont générateurs de danger et bien souvent de souffrance .Ainsi, Aicha Bela, gynécologue de son état, fille de Mathilde et d’Amine Belhaj, se reproche-telle un manque de détermination personnelle : « Mehdi répète que je ne m’impose pas , tu ne sais pas dire non, ni à tes filles, ni à tes patientes, ni à personne ( …) c’est la résolution que je prends maintenant que je vais avoir quarante ans, dire non, m’imposer . »
Les personnages d’une saga historique doivent exprimer leur amour de la terre natale , leur désir de voir leur œuvre perpétuée , incarnée par leurs enfants ; Mehdi Belhaj a fondé une entreprise au Maroc et il fait part de la nécessité de poursuivre son action à Selim, son fils installé aux États-Unis et y exerçant la profession de photographe, métier peu crédible pour son père : « Et je ne peux pas accepter qu’après notre mort l’exploitation reste à l’abandon (…) dans la vie, on ne fait pas ce qu’on veut et cette terre doit rester la terre des Belhaj . »
Leila Slimani évoque fréquemment les problématiques de liberté sexuelle, d’affirmation de différence. Ainsi, Mia, l’une des filles, découvre-t-elle des penchants homosexuels. Mais c’est la question de l’identité qui est évoquée, avec beaucoup de nuances et de recul. L’auteur lui accorde une place substantielle dans la vie de ses personnages, tiraillés entre la tentation de l’exil, le mal du pays, et qui ne parviennent pas à trouver une réponse univoque : « Mathilde se sentait étrangère à son enfance, comme si cette enfance n’était pas une histoire vraie mais un rêve récurrent, un souvenir incertain. Elle avait vécu au Maroc toute ; sa vie d’adulte, dans cette maison sur la colline (…) oui, ce pays était devenu le sien et elle pensa qu’il n’y avait pas de meilleur endroit pour vieillir. »
C’est une très belle saga romanesque que Leila Slimani nous livre. Elle se penche sur l’histoire de ce pays, en portant un regard critique, ambivalent, mais plein d’espoir. Elle évite les simplifications outrancières, les caricatures. On lira avec grand profit cette évocation du Maroc contemporain.
« Peut-on être à la fois d'ici et de là-bas ? »
Dans ce troisième volet de la trilogie Le Pays des autres, on retrouve Mathilde, Amine et leurs descendants des années 1980 à 2018. On y suivra plus particulièrement les deux filles de Mehdi et d'Aïcha, Mia et Inès et leur soif de liberté et d'émancipation. Magistral !
Avouons-le, le temps nous a paru long entre Regardez-nous danser, la deuxième partie de la trilogie Le Pays des autres, paru en 2022 et commencée en 2020 avec La guerre, la guerre, la guerre. On se disait que le prix Goncourt 2016 pour Chanson douce s'était perdue entre ses nombreuses sollicitations. Mais il n'en était rien, bien au contraire. Leïla Slimani était seule, mais sans pouvoir écrire. Comme elle l'explique dans une préface éclairante, la pandémie l'a rattrapée. Elle n'a pas seulement perdu l'odorat et le goût, mais aussi sa force de concentration, son inspiration de romancière. Il lui aura fallu de longs mois avant de reprendre un rythme régulier et le chemin de ce pays des autres.
Si ce troisième volet peut se lire indépendamment des deux précédents - les principaux personnages sont présentés en courtes biographies - on ne peut que conseiller la lecture des deux premiers tomes pour avoir une vue d'ensemble de cette œuvre remarquable à plus d'un titre et pour retrouver avec ce troisième tome de vieilles connaissances !
Nous sommes désormais dans les années 1980, au moment où Mehdi, après avoir été chef de cabinet au ministère de l’Industrie et dirigé, jusqu’en 1976, la Fédération de football, se voit confier la direction du Crédit Commercial du Maroc. Cette banque, au service du développement des infrastructures et du tourisme, était mal ou pas gérée. En travaillant plus de dix heures chaque jour, il va réussir à transformer l'établissement et à en faire un fleuron de l'économie marocaine. Et susciter des jalousies qui finiront en tragédie. Mais pour l'heure, son emploi du temps l'éloigne de son épouse Aïcha et de sa fille Mia qui auraient pourtant bien besoin de son soutien. Aïcha parce qu'elle est sur le point de mettre au monde Inès, sa seconde fille et Mia parce qu'elle est dans la période de sa vie où son corps se transforme et voit d'un très mauvais œil arriver la concurrence au sein du foyer. Après un grave incident, qui mettra en danger la vie du nouveau-né, elle trouvera un semblant d'équilibre, avant d'être confrontée à de nombreux défis au sein d'une société fermée. Adolescente, puis jeune femme, elle ne pourra revendiquer son homosexualité, choisira de partir pour Paris puis Londres, rêve de devenir une écrivaine célèbre dans le monde entier.
Sa grand-mère Mathilde est sans doute celle qui croit le plus en elle, regardant en avant alors que son mari Amine ressasse ses souvenirs. « Il s’y immergeait avec délice, non pour fuir le présent mais parce qu’il était convaincu de ne plus avoir d’avenir. À soixante-treize ans, il était encore un homme vigoureux, capable de marcher plusieurs kilomètres et de lire sans lunettes. Mais il se sentait inutile. « Plus personne n’a besoin de moi », se répétait-il, et la nostalgie l’envahissait. Comme il regrettait cette époque où ils se battaient contre l’humiliation, où ils étaient tout entiers tendus vers un avenir à construire pour leurs enfants. » Au moment où sa vie décline, il n'a qu'une obsession, trouver un successeur pour la ferme qui est l'œuvre de sa vie.
En choisissant de centrer son roman sur la troisième génération des Belhaj - c'est-à-dire la sienne - Leïla Slimani nous offre sans doute une histoire intime. Autour de la question de l'identité, de racines multiples et de cette envie de ne renier ni celles d'ici, ni celles de là-bas, elle brosse un portrait sans fard des déchirements qu'accompagnent ce choix.
Si le père de Mia lui enjoint d'oublier « ces histoires de racines », pour qu'elle puisse prendre son envol et lui dit « allume un grand incendie et emporte le feu », elle ne pourra faire l'économie de la solitude et du froid, d'un travail acharné et du racisme ordinaire. L'exil est toujours une souffrance.
Au moment de clore cette trilogie, on ne peut qu'admirer une fois encore le talent de Leïla Slimani qui nous apporte une étincelante démonstration des pouvoirs de la littérature.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici ! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre et en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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